En versant sur la peau quelques gouttes de lidocaïne 1% avant de l’injecter par voie sous-cutanée, la douleur liée à l’injection semble atténuée
En cas d’intervention chirurgicale locale, de la lidocaïne est parfois injectée par voie sous-cutanée pour soulager la douleur. Bien entendu, l’injection en soi provoque aussi de la douleur. Selon la théorie du "gate control" (gate control theory of pain), le transfert de stimuli douloureux des cellules nerveuses périphériques au système nerveux central peut être partiellement inhibé dans la moelle épinière par des stimuli non nocifs, tels qu’un léger effleurement de la peau ou une légère sensation de froid.
Une étude randomisée, en aveugle partiel, contrôlée par placebo (incluant 481 patients) a examiné si le fait de verser quelques gouttes de lidocaïne 1% (à température ambiante) sur la peau avant de l’injecter diminuait la perception de la douleur dans le groupe d’intervention au moment de l’injection (p.ex. lors de la pose de cathéters périphériques ou centraux, d’une thoracocentèse, d’une paracentèse ou d’une ponction lombaire), par rapport au groupe témoin. Dans le groupe témoin, on se contentait d’injecter la lidocaïne, sans en verser préalablement quelques gouttes sur la peau. L’hypothèse était que la perception d’humidité sur la peau, par la sensation de refroidissement et de légère pression, stimulerait les cellules nerveuses inhibitrices dans la moelle épinière, réduisant ainsi la transmission des stimuli douloureux au cerveau. Autrement dit : on a cherché à savoir si le fait de verser quelques gouttes de liquide sur la peau, de la lidocaïne dans ce cas-ci, était susceptible d’atténuer la douleur. Il ne s’agit donc pas d’un éventuel effet local superficiel de la lidocaïne. On a opté pour la lidocaïne (et non un autre liquide) parce que c’était plus simple à réaliser lors de l’intervention.
Le critère d’évaluation primaire était la "douleur tout au long de l’intervention", mesurée à l’aide d’une échelle visuelle analogique (EVA) de 0 à 100 mm, une méthode classique pour évaluer la douleur. Ni le patient ni l’investigateur devant documenter l’EVA ne pouvaient voir l’intervention (seule la personne effectuant l’injection, qui n’était plus impliquée dans l’étude par la suite, pouvait voir comment était réalisée l’intervention, raison pour laquelle on parle d’une étude en aveugle partiel).
Une réduction statistiquement significative de la perception de la douleur a été constatée pour toutes les interventions dans le groupe d’intervention, par rapport au groupe témoin (12,2 SD 19,4 mm contre 16,6 SD 24,8 mm; p = 0,03). La différence moyenne était toutefois faible (4,4 mm). Normalement, une différence dans le score EVA est considérée comme cliniquement importante à partir d’une différence d’au moins 10 mm. Selon les investigateurs, on ne peut pas s’attendre à de grandes différences entre le groupe d’intervention et le groupe placebo parce que le score de douleur pour de telles interventions est déjà faible en général. L’étude conclut prudemment que le fait de verser préalablement quelques gouttes de lidocaïne 1% sur la peau peut être un moyen simple, sûr et peu coûteux pour contribuer au soulagement de la douleur liée à ce type d’interventions.
Conclusion du CBIP: même si la théorie est intéressante et le procédé inoffensif, il est incertain que la perception de la douleur diminue de manière cliniquement significative. Par ailleurs, on peut tout aussi bien utiliser un peu de solution physiologique, au lieu de la lidocaïne, pour obtenir ce type d’effet. Il reste important de continuer à appliquer d’autres mesures réduisant la douleur liée à ce type d’interventions : informez le patient de ce qui va se passer, positionnez-le correctement, utilisez la bonne aiguille, assurez-vous de bien maîtriser la technique et de l’effectuer correctement, injectez lentement, faites preuve d’empathie et communiquez avec votre patient tout au long de l’intervention.