Voir aussi communiqué du 18/06/15 en ce qui concerne quelques informations pratiques sur les vaccins contre la grippe.

Les vaccins contre la grippe actuellement disponibles en Belgique sont des vaccins inactivés, injectables. Ce sont des vaccins trivalents: ils contiennent deux composantes du virus de l’influenza A et une composante du virus de l’influenza de type B (« trivalent ») provenant de virus grippaux tués (“inactivés”). Pour la saison grippale 2015-2016, deux vaccins « tétravalents » contre la grippe ont été annoncés en plus des vaccins « trivalents ». Par rapport aux vaccins trivalents, ceux-ci contiennent  une composante supplémentaire du virus de l’influenza de type B. Il s’agit des spécialités suivantes.

–        Alpharix Tetra®: un vaccin inactivé pour injection intramusculaire, enregistré pour l’utilisation chez l’adulte et l’enfant à partir de 3 ans (prix public: 12,60 euros).

–        Fluenz Tetra®: un vaccin à base de virus grippaux vivants atténués pour administration intranasale, et enregistré pour l’utilisation chez l’enfant et l’adolescent de 2 à 17 ans inclus (prix public: 35,64 euros). On présume que ce vaccin vivant ne sera mis à disposition que de façon limitée (environ 7.000 doses), surtout via les pédiatres, pour les enfants appartenant à des groupes à risque.

A ce jour (21/05/15), le Conseil Supérieur de la Santé n’a  pas encore émis d’avis concernant l’emploi de ces vaccins tétravalents contre la grippe et nous ne disposons pas non plus d’informations sur le remboursement de ces vaccins. Le CBIP souhaite toutefois déjà fournir des informations sur la plus-value éventuelle de ces vaccins tétravalents contre la grippe par rapport aux vaccins trivalents, mais également sur la plus-value éventuelle de vaccins contre la grippe vivants (intranasaux) par rapport aux vaccins inactivés (injectables).

 

1.     Vaccins tétravalents versus vaccins trivalents[1]

En comparaison avec les vaccins trivalents, les vaccins tétravalents contiennent une deuxième composante du virus de l’influenza de type B. Pour la saison grippale 2015-2016, la composition suivante des vaccins tri- et tétravalents est recommandée par l’Organisation Mondiale de la Santé.

·        A/California/7/2009 (H1N1) ou une souche apparentée;

·        A/Switzerland/9715293/2013 (H3N2) ou une souche apparentée;

·        B/Pukhet/3073/2013 ou une souche apparentée (appelée “Ligne B Yamagata”).

·        Pour les vaccins tétravalents: en plus, B/Brisbane/60/2008 ou une souche apparentée (appelée “Ligne B Victoria”).

 

 Pourquoi une deuxième composante virale de l’influenza de type B ?

Ces 25 dernières années, les principaux virus de l’influenza de type B circulants appartiennent à  la “ligne B Victoria” ou  la “ligne B Yamagata”. Ces deux lignes du virus de l’influenza de type B diffèrent quant à leurs propriétés antigéniques, et la protection croisée entre les deux lignes virales est limitée. Au cours des dernières saisons grippales, les deux virus de l’influenza de type B circulaient souvent simultanément. Il est difficile de prévoir quels virus de l’influenza de type B circuleront le plus fréquemment durant une saison déterminée. 

 

Quelles sont les preuves d’un avantage des vaccins tétravalents par rapport aux vaccins trivalents ?

Il ressort d’études directes entre les vaccins trivalents et tétravalents que la réponse immunitaire aux composantes virales de l’influenza A et B communs est comparable; les vaccins tétravalents provoquent en outre une réponse immunitaire supérieure sur la composante virale de l’influenza de type B présente dans le vaccin tétravalent mais pas dans le vaccin trivalent. Il n’existe toutefois aucune étude comparative avec comme critère d’évaluation la morbidité ou la mortalité. Le profil d’innocuité des vaccins tétravalents et des vaccins trivalents semble comparable.  

L’avantage potentiel d’un vaccin tétravalent dépend également de la nature et de la virulence des virus de l’influenza circulants pendant une saison déterminée. Dans la  plupart des saisons, les virusde l’influenza de type B circulent beaucoup moins fréquemment que les virus de l’influenza de type A.  Au cours des quatre dernières saisons grippales, le pourcentage de virus de l’influenza de type B variait en Belgique entre 1,5 et 50 % des échantillons positifs pour le virus de l’influenza[2]. Les virus de l’influenza de type B appartenaient surtout, mais pas exclusivement, à la ligne B-Yamagata, présente dans le vaccin trivalent[3]

De plus, chez l’adulte, les virus de l’influenza de type B causent moins d’influenza sévère et moins d’épidémies massives par rapport aux virus de l’influenza de type A. Par contre, chez l’enfant, l’infection par les virus de l’influenza de type B semble avoir un impact plus important, de sorte que l’avantage potentiel d’un vaccin tétravalent est peut-être plus grand chez les enfants qui doivent être vaccinés en raison d’un risque accru.  

 

Conclusion

Les vaccins tétravalents limitent le risque d’inadéquation entre la composante virale de l’influenza de type B présente dans le vaccin, et les virus de l’influenza de type B circulants. Ceci peut en théorie présenter des avantages, mais dans la situation belge, il existe peu d’arguments pour privilégier clairement un vaccin tétravalent, certainement chez l’adulte.

 

 

2.     Vaccins vivants (par voie nasale) versus vaccins inactivés (injectables)[4]

En Belgique, la vaccination contre l’influenza chez l’enfant et l’adolescent n’est pas recommandée de manière systématique, mais seulement dans les groupes à risque suivants:  (1) en cas d’affection chronique sous-jacente (même stabilisée) des poumons, du coeur, du foie, des reins, ainsi que de maladies métaboliques ou de troubles immunitaires (naturels ou induits) ou (2) en cas de traitement de longue durée par l’acide acétylsalicylique.

 

Quelles sont les preuves d’un avantage du vaccin vivant (par voie nasale) dans les groupes à risque par rapport aux vaccins inactivés (injectables) ?

– On ne dispose pas d’études avec Fluenz Tetra® portant sur des critères d’évaluations cliniques. Pour des données d’efficacité clinique, nous sommes renvoyés à des  études effectuées avec Fluenz®, un vaccin vivant trivalent identique au  Fluenz Tetra®, mis à part le fait que Fluenz® ne contient qu’une seule composante virale de l’influenza de type B.  

– L’incidence de « grippe symptomatique, confirmée par culture” était moins élevée avec Fluenz® par rapport à un vaccin inactivé (respectivement 3 à 5% et 6 à 10%; 3 études chez des enfants et des adolescents). Les études n’ont pas pu montrer de différence en termes d’hospitalisation, de nécessité de recourir à des antibiotiques ou d’exacerbations de l’asthme. Dans ces études, le nombre d’enfants atteints d’affections chroniques sous-jacentes était limité; une seule étude portait sur des enfants atteints d’asthme léger à modérément sévère.

 

Le vaccin vivant présente-t-il des contre-indications, effets indésirables et des mesures de précaution supplémentaires ?

Tous les vaccins contre la grippe sont contre-indiqués chez les personnes allergiques aux œufs de poule ou aux protéines d’œuf de poule [voir aussi Folia d’avril 2013]. De plus, le vaccin vivant contre la grippe est contre-indiqué dans les situations suivantes.

–        Immunodépression consécutive à une maladie (entre autres infection par le VIH, leucémie, lymphome) ou à un traitement immunosuppresseur (p.ex. par des corticostéroïdes par voie systémique à doses élevées, des inhibiteurs du TNF, leméthotrexate, des antitumoraux) [concernant la vaccination des patients immunodéprimés, voir Folia de mai 2010 et avril 2013].

–        Traitement par l’acide acétylsalicylique (étant donné le risque théorique de syndrome de Reye lors de l’utilisation d’acide acétylsalicylique en cas d’infection causée par le virus de l’influenza).

L’emploi du vaccin vivant chez l’enfant et l’adolescent atteint d’asthme sévère ou de wheezing est déconseillé, bien que ceux-ci représentent un groupe cible important pour la vaccination contre la grippe. Les effets indésirables du vaccin vivant consistent surtout en une congestion nasale, une rhinorrhée, une diminution de l’appétit, une faiblesse musculaire, des  céphalées, des douleurs musculaires et de la fièvre (dans les études avec Fluenz®, plus fréquemment qu’avec un vaccin inactivé). Avec le vaccin vivant, il existe un risque théorique de transmission du virus vaccinal; iI est dès lors recommandé, après la vaccination par Fluenz Tetra®, d’éviter pendant 1 à 2 semaines tout contact étroit avec des personnes atteints d’une immunosuppression sévère; aucun cas de transmission d’influenza clinique n’est connu à ce jour.

 

Conclusion

Avec les vaccins vivants contre la grippe, on observe un nombre moins élevé de cas de grippe par rapport aux vaccins inactivés, mais jusqu’à présent, il n’est pas été prouvé que les vaccins vivants réduisent aussi davantage le risque de complications grippales sévères. Des études comparatives avec des critères d’évaluation cliniques, dans les groupes cible de la vaccination – à savoir les enfants et adolescents avec un risque de complications grippales sévères – sont nécessaires. C’est  précisément chez certains de ces enfants (p.ex. ceux atteints d’immunosupression ou d’asthme sévère), que le vaccin vivant est contre-indiqué. La facilité d’emploi par voie nasale ne modifie en rien le fait que le vaccin vivant n’a qu’une place limitée chez les enfants à risque élevé.

 

 



[1]
N Engl J Med2013 ;369 :2481-91(doi: 10.1056/NEJMoa1215817) ; 2547-9(doi: 10.1056/NEJMe1315317) ; J Infect Dis. 2013;208:539-40 (doi:10.1093/infdis/jit264)

[2]    Environ 5% (saison grippale 2011-2012), environ  50% (2012-2013), environ 1,5% (2013-2014) et environ 15% (2014-2015) (source :  https://influenza.wiv-isp.be/fr/Pages/default.aspx)

[4]La Revue Prescrire 2013 ;33 :250-55 ; www.ema.europa.eu > Find Medicine > terme de recherche : « Fluenz tetra » et « Fluenz »