Un chercheur a récemment plaidé dans les médias en faveur d’une vaccination généralisée des enfants contre la varicelle. Selon lui, l’argument en faveur de la vaccination consiste en la protection contre les complications graves de la varicelle, parmi lesquelles un risque potentiel d’accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique. Sa recherche a montré qu’un certain nombre d’arguments contre la vaccination généralisée seraient moins importants que ce que l’on craignait dans un premier temps; d’où son appel à une nouvelle analyse coût/bénéfice.

 

 

Recommandations actuelles concernant la vaccination contre la varicelle en Belgique

En Belgique, la vaccination généralisée des enfants contre la varicelle n’est actuellement pas recommandée.

-Le Conseil Supérieur de la Santé, dans son avis de 2005, ne recommande la vaccination contre la varicelle que dans les groupes à risque tels les professionnels de la santé non immuns et d’autres personnes non immunes fréquemment en contact avec des patients immunodéprimés, et éventuellement chez certains enfants et adultes avec un risque de varicelle sévère (p.ex. dans l’attente d’une transplantation; leucémie lymphoïde aiguë en rémission)1.

– La conclusion d’un rapport du Centre Fédéral des Soins de Santé (KCE) de 2010 (KCE Reports 151A) est qu’une vaccination généralisée des enfants contre la varicelle ne peut avoir un bon rapport coût-efficacité que si l’on a la certitude que l’incidence du zona chez l’adulte n’augmentera pas de manière trop importante suite à la vaccination généralisée2.

 

 

Commentaire du CBIP

– La protection contre les complications graves de la varicelle est un argument en faveur de la vaccination généralisée des enfants. Il convient néanmoins de signaler que le risque de complications est faible: il s’agit surtout de surinfections des lésions cutanées; très rarement d’une ataxie cérébelleuse (estimée à 1/4.000 patients âgés de moins de 15 ans) et d’une encéphalite (estimée à 1/10.000 à 1/100.000 patients âgés de moins de 15 ans)3. Les données concernant le risque d’un AVC ischémique sont très limitées: des études observationnelles montrent un lien entre la varicelle et un AVC ischémique, la plupart des cas survenant dans les 12 mois après l’infection avec une incidence estimée à 1/15.000 enfants atteints de varicelle.

– Le bénéfice potentiel de la vaccination doit être mis en balance avec plusieurs facteurs.

  • Les effets indésirables et contre-indications des vaccins contre la varicelle (Provarivax®, Varilrix®; vaccin combiné: Priorix Tetra®). Il s’agit de vaccins vivants qui sont de ce fait contre-indiqués chez les patients immunodéprimés par exemple.

  • Les incertitudes quant à la durée de protection du vaccin. Avec un schéma de vaccination à 2 doses, un effet protecteur a été constaté jusqu’à 10 ans après la vaccination4. En raison d’une diminution possible de l’immunité plusieurs années après la vaccination, il est possible que des personnes vaccinées contractent la varicelle à un âge où l’infection est plus sévère et le risque de complications plus élevé. En outre, les personnes non vaccinées auront, elles aussi, un plus grand risque de contracter la varicelle à un âge avancé, notamment parce que le virus circulera moins dans la population plus jeune.

  • La possibilité d’une augmentation de l’incidence du zona chez l’adulte suite à une vaccination généralisée des enfants contre la varicelle (appelée hypothèse “boosting exogène”). Il est en effet admis qu’un contact régulier des adultes avec des enfants atteints de la varicelle entraîne un boosting naturel (exogène) de l’immunité contre l’herpès zoster. En cas de vaccination généralisée, il y aura beaucoup moins de virus varicelle-zona circulants, et il y aura donc une diminution du boosting naturel etune augmentation possible du risque de zona. Il existe encore beaucoup d’incertitudes en ce qui concerne cette hypothèse. Dans les pays où une vaccination généralisée des enfants contre la varicelle est déjà appliquée (entre autres aux Etats unis), les données sur l’incidence du zona chez l’adulte ne permettent pas de tirer des conclusions5.

  • Les conséquences pharmaco-économiques (coût du vaccin; réduction des dépenses due au nombre plus limité de complications de la varicelle chez les enfants, mais dépenses supplémentaires dues par ex. à une augmentation du nombre de cas de zona et à l’impact plus important de la maladie chez les adolescents et les adultes) ne sont pas claires.

– Dans le Répertoire Commenté des Médicaments, le CBIP suit l’avis actuel du Conseil Supérieur de la Santé, et recommande la vaccination dans certains groupes cibles. Avant de recommander une vaccination généralisée des enfants contre la varicelle, davantage de données sont nécessaires, tant en ce qui concerne le rapport bénéfice/risque que le rapport coût/bénéfice.

3 Varicella zoster-infecties: waterpokken en gordelroos (chapitre 26). Dans : Handboek Vaccinaties. Deel B, Infectieziekten en vaccinaties (Van Gorcum); 2ième édition (2013)

 

5 Varicella zoster-infecties: waterpokken en gordelroos (chapitre 26). Dans : Handboek Vaccinaties. Deel B, Infectieziekten en vaccinaties (Van Gorcum); 2ième édition (2013);

PLoS ONE 8:e66485 (doi:10.1371/journal.pone.0066485)