Le métamizole possède des propriétés analgésiques et antipyrétiques.
Un article paru dans le « Geneesmiddelenbulletin » a évalué son efficacité et sa sécurité dans les douleurs post-opératoires.
Selon les études reprises dans l’article, le métamizole (à dose unique de 500 mg par voie orale et donc en usage aigu) pourrait être utilisé en seconde intention dans l’analgésie post-opératoire lorsque les AINS sont contre-indiqués pour un patient. Dans ce cas, ce dernier doit être averti des risques d’apparition d’effets indésirables suite à la prise de métamizole ainsi que de leurs symptômes précurseurs.

Introduction

  • En raison de certaines contre-indications, la médecine est à la recherche de nouvelles alternatives aux AINS et opioïdes dans le traitement de la douleur. Le métamizole pourrait être l’une d’entre elles.
    En effet, il s’agit d’un dérivé de la pyrazolone connu depuis 100 ans qui possède des propriétés antipyrétiques et analgésiques. Son mécanisme d’action n’est pas totalement élucidé, mais certaines données suggèrent un mode d’action différent de celui des AINS, ce qui expliquerait qu’on puisse l’utiliser comme alternative.1,2

  • En raison de ses effets indésirables très graves connus (agranulocytose, saignements gastro-intestinaux et/ou lésions hépatiques), le métamizole est utilisé comme agent de réserve dans le traitement de la fièvre et de la douleur lorsque les autres traitements sont contre-indiqués pour un patient (voir 8.2.3. Métamizole).
    En raison du risque d’agranulocytose (pouvant être fatale), il a été retiré du marché dans certains pays. Le risque de lésions hépatiques induites par ce médicament a fait l’objet d’une DHPC (Direct Healthcare Professional Communication) en 20203, le nombre de cas semblant augmenter.
    D’après le RCP, chez les insuffisants hépatiques et/ou rénaux, son utilisation est possible sur une courte période sans réduction de dose, mais des doses élevées doivent être évitées. On manque en revanche de données quant à une utilisation à plus long terme chez les insuffisants hépatiques et/ou rénaux sévères, (voir  8.2.3. Métamizole).4
    Selon Farmacotherapeutisch Kompas, le métamizole est contre-indiqué en cas d’insuffisance rénale modérée et sévère ainsi qu’en cas de troubles hépatiques graves telle que la porphyrie hépatique.5

  • Suite à une opération chirurgicale, 40 à 75% des patients ressentent des douleurs d’intensité modérée à sévère. Certains analgésiques n’étant parfois pas suffisamment efficaces ou ayant des effets indésirables pouvant être considérables, le métamizole, pourrait être une alternative (notamment aux AINS lorsque ceux-ci sont contre-indiqués, voir 9.1.1. AINS à usage systémique).
    Un article paru dans le « Geneesmiddelenbulletin » (GEBU) en septembre 20236 a évalué son efficacité et sa sécurité dans le soulagement des douleurs post-opératoires.
     

Méthode

  • Pour évaluer l’efficacité du métamizole en post-opératoire, l’article s’est basé sur 2 revues systématiques avec méta-analyse Cochrane (Hearn et al., 2016 et Moore et al., 2015)7,8. La première a comparé l’efficacité d’une dose unique de métamizole par rapport au placebo. La seconde a comparé l’efficacité d’une prise unique de différents analgésiques (y compris le métamizole) également par rapport au placebo. Le critère de jugement primaire dans ces 2 revues systématiques était le pourcentage de patients ressentant une amélioration de la douleur d’au moins 50% après 4 à 6 heures via une échelle analogique « Visual Analogue Scale ».

  • Pour évaluer la sécurité du métamizole, l’article s’est basé sur une revue systématique (Andrade et al., 2016)9. Le critère de jugement primaire était l’apparition d’effets secondaires tels que de l’agranulocytose, des saignements gastro-intestinaux ainsi que des lésions hépatiques en raison de leurs morbidité et mortalité importantes. L’évaluation ne se base pas sur la prise unique de métamizole. L’article fait également référence à 2 études observationelles dans lesquelles le délai d’apparition d’une agranulocytose suite à la prise du métamizole a été analysé10,11.
    En ce qui concerne le risque hépatique, l’article se base également sur des études réalisées par les hôpitaux d’Hambourg et de Munich12,13.
     

Résultats en bref

Efficacité du métamizole

  • La revue Cochrane d’Hearn et al.7 a inclus 8 études. Parmi celles-ci, 5 études évaluant le métamizole par voie orale (500 mg, n = 288) en post-opératoire ont été incluses dans la méta-analyse.

    • Après une administration unique de 500 mg de métamizole, 73% des patients ont ressenti un soulagement de la douleur d’au moins 50% dans les 4 à 6 heures (critère de jugement primaire) contre 32% dans le groupe placebo (RR 2,4 ; IC95% 1,8 à 3,1). Le Number Needed to Treat (NNT) était de 2,4 (IC95% 1,9 à 3,1); moderate quality evidence.
      Cela signifie qu’environ 3 patients ont dû être traités pour obtenir un soulagement substantiel de la douleur chez un patient supplémentaire par rapport au placebo.

  • La revue Cochrane de Moore et al.8 a trouvé 39 revues Cochrane évaluant l’efficacité d’une dose unique de différents analgésiques tels que le paracétamol, les AINS et le métamizole.

    • Résultat sur le critère de jugement primaire (soulagement de la douleur d’au moins 50% dans les 4 à 6 heures après une seule administration): l’efficacité du métamizole 500 mg (NNT versus placebo 2,3) était comparable à celle des AINS (NNT versus placebo pour diclofénac
      50 mg 2,1 ; pour ibuprofène 400 mg 2,5 et pour naproxène 500 mg 2,7). Le NNT versus placebo du paracétamol 1000 mg était de 3,6.

Sécurité du métamizole

  • La revue systématique d’Andrade et al.9 a inclus 22 articles publiés entre 1980 et 2015.

    • 5 études de cas contrôle et 1 étude de cohorte ont évalué le risque d’apparition d’agranulocytose suite à la prise de métamizole. Ce dernier ne peut être évalué précisément sur base des données disponibles, les résultats des études variant d’une différence non statistiquement significative (OR 1,5 ; IC95% 0,8 à 2,7) à une différence statistiquement significative (OR 40,2 ; IC95% 14,7 à 113). L’excès de risque estimé d’agranulocytose varie de 0,2 à 1,63 de cas par million de consommateurs de métamizole.

    • En ce qui concerne le risque de saignements gastro-intestinaux, 4 études concluent à une augmentation statistiquement significative du risque. En général, le risque (OR variant de 1,4 à 2,7) est moindre qu’avec les AINS (OR ibuprofène de 1,3 à 4,1 ; OR naproxène de 2,1 à 10,0 ; OR diclofénac de 1,3 à 7,9 et OR acide acétylsalicylique de 1,8 à 8,0). Il est légèrement supérieur à celui du paracétamol (OR de 0,6 à 1,5) dont le risque est considéré comme non-significatif. Il s’agit de comparaisons indirectes (comparaisons face à un placebo pour chaque analgésique).

  • En ce qui concerne les risques de lésions hépatiques induites par le métamizole, les données ne sont pas assez nombreuses pour tirer une conclusion. Selon les 2 études observationnelles reprises dans l’article10,11, le délai d’apparition de l’agranulocytose est de l’ordre de quelques jours.

    • La première étude10 a analysé 1448 rapports de cas d’agranulocytose après utilisation de métamizole (repris dans le système EudraVigilance de l’EMA). Le délai médian d’apparition d’une agranulocytose a été évalué à 13 jours. Cependant, 34,7% des cas sont survenus après 7 jours d’utilisation.

    • La seconde étude11 a constaté un délai médian de survenue d’une agranulocytose après 2 jours de traitement.

  • Concernant l’apparition des lésions hépatiques, les hôpitaux d’Hambourg12 et de Munich13 concluent à un délai respectivement de 4 semaines (chez 23 patients sur 154 examinés) et de 42 à 46 jours après exposition. 
    Cependant, les patients examinés à l’hôpital de Munich prenaient d’autres médicaments et les cas de lésions hépatiques observés ne peuvent pas être imputés au métamizole avec certitude.
     

Discussion

  • Le métamizole par voie orale semble être efficace dans l’analgésie post-opératoire. Son efficacité semble être comparable à celle des AINS et supérieure à celle du paracétamol (sur base de comparaisons indirectes via placebo).

  • Le risque d’apparition d’une agranulocytose semble faible. Les études montrent un risque plus élevé de saignements gastro-intestinaux (par rapport à un placebo) mais ce risque est en général moindre qu’avec les AINS (également sur base de comparaisons indirectes).

  • Les résultats de ces études sont à interpréter avec prudence, la qualité méthodologique des études étant moyenne en raison du risque de biais (bias d’information, biais de déclaration et biais de sélection) ainsi que du faible nombre de participants souvent inclus. Il est nécessaire de disposer de davantage de données afin de pouvoir notamment quantifier le risque de survenue de ces effets indésirables induits par le métamizole en comparaison avec les autres analgésiques.
     

Conclusion générale

  • Le « Geneesmiddelenbulletin » conclut que, d’après les résultats des différentes études, le métamizole, en usage aigu, pourrait être une alternative aux AINS, le risque de saignements gastro-intestinaux semblant moindre. Cependant, comme évoqué précédemment dans l’article, davantage d’études de meilleure qualité devraient être réalisées afin d’étayer ces résultats.

  • Selon les recommandations du NICE14, le paracétamol reste le premier choix [1 g jusqu’à 4x/ jour (24 heures), en l’absence de facteurs de risque], ensuite viennent les AINS (en l’absence de contre-indications). NICE ne mentionne pas le métamizole, celui-ci étant interdit en Angleterre.

  • Selon le CBIP, le message-clé à retenir est, que le métamizole pourrait être une alternative aux autres traitements (notamment aux AINS) dans les douleurs post-opératoires lorsque ceux-ci sont contre-indiqués pour un patient.
    En cas de prescription de métamizole, il est important que les patients soient tenus au courant des risques d’effets secondaires ainsi que des symptômes précurseurs. En effet, même si ces risques sont faibles, ils ne sont pas nuls et sont potentiellement graves.
    Le mal de gorge, la difficulté à avaler ainsi que l’apparition de fièvre et de frissons sont des symptômes précurseurs d’une agranulocytose.
    En ce qui concerne les symptômes évocateurs de lésions hépatiques, on peut citer l’apparition de fatigue, de nausées, de vomissements ainsi que de douleurs abdominales.
    Une gêne abdominale, des selles noirâtres ainsi qu’une pâleur peuvent être évocateurs de saignements gastro-intestinaux.

Noms de spécialités :

Sources

Pierre SC, Schmidt R, Brenneis C, Michaelis M, Geisslinger G, Scholich K. Inhibition of cyclooxygenases by dipyrone. Br J Pharmacol. 2007 Jun;151(4):494-503. doi: 10.1038/sj.bjp.0707239. Epub 2007 Apr 16. PMID: 17435797; PMCID: PMC2013970.
Stessel B, Lambrechts M, Evers S, Vanderstappen C, Callebaut I, Ory JP, Herbots J, Dreesen I, Vaninbroukx M, Van de Velde M. Additive or synergistic analgesic effect of metamizole on standard pain treatment at home after arthroscopic shoulder surgery: A randomised controlled superiority trial. Eur J Anaesthesiol. 2023 Mar 1;40(3):171-178. doi: 10.1097/EJA.0000000000001792. Epub 2023 Jan 11. PMID: 36632758; PMCID: PMC9894134.
3 EMA. Direct healthcare professional communication. Metamizole: Risk of drug-induced liver injury. 2020. Via: https://www.ema.europa.eu/en/documents/dhpc/direct-healthcare-professional-communication-dhpc-metamizole-risk-drug-induced-liver-injury_en.pdf. Consulté le 03.10.23.
4 Résumé des caractéristiques du produit (RCP). Novalgine. Consulté le 16.01.24.
5 Farmacotherapeutisch Kompas. https://www.farmacotherapeutischkompas.nl/bladeren/preparaatteksten/m/metamizol. Consulté le 17.01.24

6 Schwarz E. Metamizol bij postoperatieve pijnbestrijding. Gebu. 2023 Sep 14; 57(9):e2023.9.15. Cliquez ici.
7 Hearn L, Derry S, Moore RA. Single dose dipyrone (metamizole) for acute postoperative pain in adults. Cochrane Database Syst Rev. 2016 Apr 20; 4(4):CD011421. doi: 10.1002/14651858.CD011421.pub2. PMID: 27096578; PMCID: PMC6540653.
8 Moore RA, Derry S, Aldington D, Wiffen PJ. Single dose oral analgesics for acute postoperative pain in adults – an overview of Cochrane reviews. Cochrane Database Syst Rev. 2015 Sep 28; 2015(9):CD008659. doi: 10.1002/14651858.CD008659.pub3. PMID: 26414123; PMCID: PMC6485441.
9 Andrade S, Bartels DB, Lange R, Sandford L, Gurwitz J. Safety of metamizole: a systematic review of the literature. J Clin Pharm Ther. 2016 Oct; 41(5):459-77. doi: 10.1111/jcpt.12422. Epub 2016 Jul 15. PMID: 27422768.
10 Hoffmann F, Bantel C, Jobski K. Agranulocytosis attributed to metamizole: An analysis of spontaneous reports in EudraVigilance 1985-2017. Basic Clin Pharmacol Toxicol. 2020 Feb;126(2):116-125. doi: 10.1111/bcpt.13310. Epub 2019 Oct 7. PMID: 31449718.
11Andersohn F, Konzen C, Garbe E. Systematic review: agranulocytosis induced by nonchemotherapy drugs. Ann Intern Med. 2007 May 1;146(9):657-65. doi: 10.7326/0003-4819-146-9-200705010-00009. PMID: 17470834
12 Sebode M, Reike-Kunze M, Weidemann S, Zenouzi R, Hartl J, Peiseler M, Liwinski T, Schulz L, WeilerNormann C, Sterneck M, Lohse AW, Schramm C. Metamizole: An underrated agent causing severe idiosyncratic drug-induced liver injury. Br J Clin Pharmacol. 2020 Jul;86(7):1406-1415. doi: 10.1111/bcp.14254. Epub 2020 Mar 3. PMID: 32080881; PMCID: PMC7319009.
13 Weber S, Benesic A, Neumann J, Gerbes AL. Liver Injury Associated with Metamizole Exposure: Features of an Underestimated Adverse Event. Drug Saf. 2021 Jun;44(6):669-680. doi: 10.1007/s40264-021-01049- z. Epub 2021 Feb 27. PMID: 33638811; PMCID: PMC8184550.
14 National Institute for Health and Care Excellence (NICE). Perioperative care in adults. Nice guideline NG180. August 2020. https://www.nice.org.uk/guidance/ng180.