Avec la commercialisation d’Abrysvo®, il existe en Belgique un premier vaccin contre le VRS destiné à la protection passive du nourrisson par la vaccination de la mère pendant la grossesse (entre la 24e et la 36e semaine).
La vaccination maternelle entraîne une diminution du nombre d’infections symptomatiques par le VRS chez le nourrisson dans les 180 premiers jours de vie, avec un taux de protection de 51 % (toutes les infections) à 69 % (infections sévères) et un Number Needed to Vaccinate (NNV) de 58 et 81, respectivement.
D’importantes questions restent sans réponse (notamment concernant la vaccination en cas de grossesse à haut risque et concernant l’effet en termes de décès), et le profil d’innocuité reste mal documenté.
Le vaccin coûte cher et n’est pas remboursé (situation au 10/01/2024).

Un deuxième vaccin contre le virus respiratoire syncytial (VRS) est disponible en Belgique depuis le 10 janvier 2024 : Abrysvo® (chapitre 12.1.1.17.).

Abrysvo® est le premier vaccin contre le VRS destiné à la protection passive du nourrisson au cours des 6 premiers mois de vie, par la vaccination de la mère pendant la grossesse. L’objectif de la vaccination est d’induire chez la mère des anticorps dirigés contre la glycoprotéine F du VRS, qui sont ensuite transférés vers la circulation fœtale par passage placentaire. Dans cet article, nous examinons les données d’efficacité du vaccin en prévention du VRS chez le nourrisson, ainsi que les données de sécurité.

Le schéma de vaccination pour Abrysvo® comporte 1 injection intramusculaire (intradeltoïdienne) entre la 24e et la 36e semaine de grossesse. La nécessité d’une dose de rappel n’a pas été établie.
Le coût d’Abrysvo® est de 185,10 € pour 1 injection (non remboursé, situation au 10/01/2024).

Abrysvo® peut aussi être utilisé pour la vaccination contre le VRS des adultes de 60 ans et plus, voir l’article Folia Deuxième vaccin contre le VRS : profil d’efficacité et d’innocuité chez les plus de 60 ans [Folia janvier 2024]

 

L’étude Matisse : étude randomisée sur la vaccination de femmes enceintes en vue de protéger leur enfant

L’autorisation d’Abrysvo® pour la protection passive du nourrisson s’appuie principalement sur une étude randomisée, contrôlée par placebo, chez des femmes enceintes dans 18 pays (étude Matisse). La publication dans le NEJM (avril 20231,2 ) concerne une analyse intermédiaire prédéfinie incluant 7 358 femmes enceintes. L’étude s’est déroulée sur quatre saisons de VRS (deux dans l’hémisphère nord et deux dans l’hémisphère sud). Bref aperçu de l’étude :

  • Femmes incluses : 3 682 femmes ont reçu le vaccin contre le VRS, 3 676 femmes ont reçu un placebo. Âge médian : 29 ans au moment de la vaccination.

  • Ont été exclues : les femmes immunodéprimées ; les femmes présentant des antécédents ou des facteurs de risque de complications pendant la grossesse.

    Étaient notamment exclues : les femmes souffrant de pré-éclampsie, d’hypertension gravidique non contrôlée ou présentant des signes de travail prématuré ; les femmes ayant accouché dans le passé d’un enfant prématuré, d’un enfant mort-né ou d’un enfant porteur d’une anomalie congénitale ou d’une malformation congénitale importante ; les femmes ayant une grossesse multiple.
  • Schéma de vaccination : 1 injection intramusculaire entre les semaines 24 et 36 de la grossesse. L’âge gestationnel médian au moment de la vaccination était de 31 semaines.

Efficacité : protection du nourrisson contre le VRS

Nous ne rapportons ici que les résultats « dans les 180 jours après la naissance » pour les critères d’évaluation primaires et pour le critère d’évaluation secondaire « hospitalisations ». D’autres résultats (tels que les résultats « dans les 90 jours après la naissance ») peuvent être trouvés dans la publication de l’étude, et dans le rapport du KCE Evaluation of Abrysvo® maternal vaccine against RSV infection in adults (19/12/2023). Nous reprenons ici les chiffres absolus et les Numbers Needed to Vaccinate (NNV, voir « Plus d’infos ») mentionnés dans le rapport du KCE.

  • Critères d’évaluation primaires

    • Prévention des infections symptomatiques à VRS (voir « Plus d’infos ») confirmées par PCR et constatées par un professionnel de santé dans les 180 jours après la naissance : 57/3 495 enfants (1,6%) dans le groupe vacciné et 117/3 480 enfants (3,4%) dans le groupe placebo. Ce qui équivaut à un taux de protection de 51% [IC à 97,6% de 29 à 67]. La différence absolue du risque est de 1,7% et le Number Needed to Vaccinate (NNV) de 58 (IC à 95% de 41 à 100).

    • Prévention des infections symptomatiques sévères à VRS (voir « Plus d’infos »), confirmées par PCR et constatées par un professionnel de santé dans les 180 jours après la naissance : 19/3 495 enfants (0,5%) dans le groupe vacciné contre 62/3 480 enfants (1,8%) dans le groupe placebo. Ce qui équivaut à un taux de protection de 69% [IC à 97,6% de 44 à 84]. La différence absolue du risque est de 1,2% et le NNV de 81 (IC à 95% de 57 à 136).

      • Une infection était considérée comme « symptomatique » en présence d’au moins 1 des signes/symptômes prédéfinis : notamment écoulement nasal pendant ≥24 heures, toux, difficultés respiratoires, apnée.
      • Une infection était considérée comme « sévère » en présence d’au moins une des conditions suivantes : respiration rapide, saturation en oxygène <93%, canule nasale à haut débit ou ventilation mécanique (invasive ou non invasive), admission en soins intensifs pendant >4 heures, absence de réaction ou perte de conscience.
      • Le Number Needed to Vaccinate (NNV) est calculé à partir de la réduction absolue du risque (RAR) selon la formule NNV = (1/RAR). L’inconvénient du NNV est que le résultat peut différer de la situation réelle, le calcul prenant seulement en compte l’effet direct et non les effets indirects (tels qu’une éventuelle immunité de groupe).3
  • Critère d’évaluation secondaire : prévention des hospitalisations liées au VRS dans les 180 jours suivant la naissance : 19/3 495 enfants (0,5 %) dans le groupe vacciné contre 44/3 480 enfants (1,3 %) dans le groupe placebo. Ce qui équivaut à un taux de protection de 57% [IC à 99,17% de 10 à 81]. La différence absolue du risque est de 0,7% et le NNV de 138 (IC à 95% de 85 à 361). (note : pas tous les enfants hospitalisés avaient une infection à VRS répondant au critère « sévère »).

  • La vaccination n’a pas eu d’effet sur l’incidence des infections des voies respiratoires inférieures toutes causes confondues.

Innocuité

  • Réactions locales (vaccin versus placebo) dans les 7 jours suivant l’injection : la douleur au point d’injection était la réaction la plus fréquemment observée : 41% (contre 10%). Autres réactions : érythème (7% contre < 1%) et gonflement (6% contre < 1%).

  • Réactions systémiques (vaccin versus placebo) dans les 7 jours suivant l’injection : les douleurs musculaires (27% contre 17%) et les céphalées (31% contre 28%) ont été plus fréquentes dans le groupe vacciné. La fréquence de la fatigue (46% contre 44%), des nausées (20% contre 19%) et de la diarrhée (11% contre 12%) était similaire.

  • Ces réactions locales et systémiques étaient généralement légères à modérées et duraient moins de deux jours chez la moitié des femmes.

  • Parmi les « événements indésirables d’intérêt particulier », l’accouchement prématuré (défini comme un âge gestationnel < 37 semaines) et le faible poids de naissance avaient une incidence numériquement légèrement plus élevée, mais pas de manière statistiquement significative, dans le groupe vacciné, par rapport au groupe placebo : respectivement 5,7 % contre 4,7 % et 5,1 % contre 4,3 %. L'incidence de la pré-éclampsie jusqu'à 6 mois après la vaccination était de 1,8% (groupe vacciné) et de 1,4% (groupe placebo).

  • Dans le groupe vacciné, il y a eu 4 événements indésirables graves pour lesquels les chercheurs ont établi un lien de causalité avec le vaccin : 1 cas de douleur au bras suivie d’une douleur aux membres inférieurs ; 1 cas de travail prématuré ; 1 cas de lupus érythémateux systémique ; 1 cas d’éclampsie.

Que dit le Conseil Supérieur de la Santé ?

  • Pour la saison de circulation du VRS 2023-2024, le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) « soutient l’administration au niveau individuel du vaccin maternel à toutes les femmes dont l’accouchement est prévu avant la fin du mois de mars 2024 » : voir Avis 9760 (21/12/2023)4

Quelques commentaires du CBIP sur la protection du nourrisson contre le VRS par la vaccination maternelle

  • La vaccination maternelle entraîne une diminution du nombre d’infections symptomatiques par le VRS chez les nourrissons au cours des 180 premiers jours de vie, avec un taux de protection de 51% (toutes les infections) à 69% (infections sévères) et un Number Needed to Vaccinate (NNV) de 58 et 81, respectivement. Comme les études ont été menées pendant la pandémie de COVID, période de faible circulation du VRS, les taux d’incidence constatés sont plus faibles que d’habitude et les Number Needed to Vaccinate sont élevés. On ne sait pas encore quelle est la protection conférée par le vaccin en situation d’indicence habituelle des infections à VRS.

  • Certains aspects restent à élucider et plusieurs questions restent sans réponse.

    • L’étude ne permet pas de se prononcer sur l’effet de la vaccination en termes de décès ou d’admissions en soins intensifs dus au VRS chez les nourrissons.

    • Le profil d’efficacité et d’innocuité de la vaccination contre le VRS n’est pas documenté chez les femmes immunodéprimées et en cas de grossesse à haut risque (par exemple à haut risque d’accouchement prématuré).

    • Davantage de données doivent être recueillies sur la sécurité de la vaccination contre le VRS chez les femmes enceintes. Même si elle n’était pas statistiquement significative, la différence en termes de fréquence des naissances prématurées par exemple n’était pas en faveur du  vaccin contre le VRS, et cela reste une préoccupation5,6. L’étude de phase III qui évaluait un autre vaccin contre le VRS (de la firme GSK) chez des femmes enceintes a été interrompue prématurément en 2022 en raison de l’incidence accrue de la mortalité néonatale et de la naissance prématurée dans le groupe vacciné contre le VRS6.

      • L’Agence européenne des médicaments (EMA) a demandé à la firme responsable d’Abrysvo® de surveiller l’incidence des naissances prématurées et du faible poids de naissance dans le cadre des études post-commercialisation prévues.
      • Selon l’Agence américaine des médicaments (FDA), les données actuelles ne permettent ni de confirmer ni de réfuter un lien de causalité entre l’accouchement prématuré et l’administration d’Abrysvo®. Pour éviter tout risque potentiel d’accouchement prématuré avant la 32e semaine, la FDA recommande la vaccination contre le VRS entre la 32e et la 36e semaine de grossesse. Pour l’EMA, la vaccination peut se faire de la 24e semaine à la 36e semaine.
      • La FDA a en outre exigé des études supplémentaires pour évaluer en particulier les naissances prématurées et les complications hypertensives de la grossesse.
  • Co-administration avec d’autres vaccins :​​

    • Le RCP d’Abrysvo® recommande un intervalle d’au moins 2 semaines entre l’administration du vaccin contre le VRS et l’administration du vaccin contre la coqueluche. La vaccination contre la coqueluche se fait avec le vaccin combiné diphtérie-tétanos-coqueluche, et est recommandée entre la 24e et la 32e semaine de grossesse. Chez des femmes non enceintes en bonne santé, les réponses immunitaires aux composants de la coqueluche étaient plus faibles lors de la co-administration que lors de l’administration séparée. La signification clinique de ce résultat n’est pas claire. Compte tenu de l’intervalle d’au moins 2 semaines, le Conseil Supérieur de la Santé recommande la vaccination contre le VRS entre les semaines 28 et 36 de la grossesse.

    • Des données doivent encore être recueillies sur la co-administration avec le vaccin antigrippal et le vaccin contre la COVID-19. Selon le RCP et le Conseil Supérieur de la Santé, le vaccin contre le VRS peut être administré en même temps que le vaccin contre la grippe.

  • La bronchiolite due au VRS est l’infection des voies respiratoires inférieures la plus courante chez les jeunes enfants dans le monde, nécessitant une hospitalisation (et souvent des soins intensifs) chez environ 2% des enfants infectés. Jusqu’à plus de 95% des cas mortels d’infections par le VRS surviennent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.7 Une étude de cohorte8 dans 5 pays européens à revenu élevé (dont les Pays-Bas), rapportant des chiffres pour la période 2017-2020 (avant la pandémie de COVID), montre que les nouveaux-nés atteints d’une infection par le VRS n’en meurent que très rarement. Chez les nourrissons nés à terme en bonne santé, l’incidence des hospitalisations dues au VRS au cours de la 1e année de vie était de 1,8% (dont 60% chez des enfants de moins de 3 mois) : soit 1 sur 56 nourrissons à terme en bonne santé par an.

  • Outre la vaccination maternelle contre le VRS pendant la grossesse, une autre stratégie sera bientôt disponible pour la prévention du VRS chez le nourrisson : le nirsévimab. Il s’agit d’un anticorps à longue durée d’action dirigé contre le VRS, qui ne doit être administré au nourrisson qu’une seule fois au cours d’une saison de VRS (contrairement au palivizumab, qui doit être administré jusqu’à 5 fois au cours d’une saison de VRS).

    La commercialisation du nirsévimab est prévue pour la saison de VRS 2024-2025. Il sera important de mettre en œuvre les deux stratégies de manière optimale, en tenant compte des facteurs coût et efficacité. L’avis du Conseil Supérieur de la Santé cité ci-dessus (Avis 9760 publié le 21/12/2023) fournit déjà des recommandations, mais nous reviendrons sur ce sujet lorsque le nirsévimab sera disponible.

Noms des spécialités concernées :

  • Vaccins contre le VRS : Abrysvo®, Arexvy® (voir Répertoire)

Sources générales

  • European Public Assessment Report (EPAR) Abrysvo®: site Web de l’EMA

  • KCE. Abrysvo® (19/12/2023): Evaluation of Abrysvo® maternal vaccine against RSV infection in infants. site Web du KCE ou PDF

  • Vaccin RSVPreF (Abrysvo®) chez les femmes enceintes en prévention des infections par le VRS chez leur enfant après la naissance. Moins d’infections sévères et d’hospitalisations, mais plus de prématurités et de nombreuses inconnus. La Revue Prescrire 2023 ;43 :885-890

  • Stolk LML. Nieuw geneesmiddel: RS-virusvaccins. Geneesmiddelenbulletin 2023; 57(12):e2023.12.20

Specifieke bronnen

Kampmann B, Madhi SA, Munjal I et al. Bivalent Prefusion F Vaccine in Pregnancy to Prevent RSV Illness in Infants. N Engl J Med 2023; 388:1451-1464 (DOI: 10.1056/NEJMoa2216480)
Karron RA. Editorial. RSV illness in het young and the old – The beginning of the end? N Engl J Med 2023; 388:1522-1524 (DOI: 10.1056/NEJMe2302646)
3 Hashim A et al. How and why researchers use the number needed to vaccinate to inform decision making—A systematic review. Vaccine 2015;33:753-8 (DOI: 10.1016/j.vaccine.2014.12.033)
4Conseil Supérieur de la Santé (CSS). Avis 9760 – Prévention du VRS chez les enfants. 21/12/2023
5 Boytchev H. News. FDA advisers back Pfizer’s maternal RSV vaccine after voicing safety concerns. BMJ 2023;381:p1187 (DOI: https://doi.org/10.1136/bmj.p1187)

6 Boytchev H. News analysis. Maternal RSV vaccine: Further analysis is urged on preterm births. BMJ 2023;381:p1021 (DOI: https://doi.org/10.1136/bmj.p1021)
7 Robinson E en Smyth RL. Editorial. Preventing respiratory syncytial virus bronchiolitis in infants. BMJ 2023;381:p1023 (DOI: https://doi.org/10.1136/bmj.p1023). Met verwijzing naar Li Y et al. Global, regional, and national disease burden estimates of acute lower respiratory infections due to respiratory syncytial virus in children younger than 5 years in 2019: a systematic analysis. Lancet 2022;399:2047-64 (doi: 10.1016/S0140-6736(22)00478-0)
8 Wildenbeest JG et al. The burden of respiratory syncytial virus in healthy termborn infants in Europe: a prospective birth cohort study. Lancet Respir Med 2023;11:341-53 (https://www.thelancet.com/journals/lanres/article/PIIS2213-2600(22)00414-3/fulltext)