Remplacement des mélanges racémiques par des énantiomères: un progrès?
Les énantiomères sont des isomères en miroir, telles la main gauche et la main droite. Un mélange des deux énantiomères en quantités égales est appelé mélange racémique. Beaucoup de médicaments sont disponibles sous forme racémique, par ex. la bupivacaïne, la cétirizine, le citalopram, l’épinéphrine, la fluoxétine, l’ofloxacine, l’oméprazole, le salbutamol, le sulpiride et la warfarine. Parmi ces médicaments racémiques, plusieurs ont, ces dernières années, été commercialisés sous forme de l’un de leurs deux énantiomères. Il s’agit par exemple de l’escitalopram (l’énantiomère S du citalopram), l’ésoméprazole (l’énantiomère S de l’oméprazole), la lévobupivacaïne (l’énantiomère S de la bupivacaïne), la lévocétirizine (l’énantiomère R de la cétirizine), la lévofloxacine (l’énantiomère S de l’ofloxacine) et le lévosulpiride (l’énantiomère S du sulpiride). L’utilisation d’un énantiomère à la place du mélange racémique n’est intéressante que lorsque l’ "autre" énantiomère influence défavorablement le rapport risque-bénéfice du mélange racémique. C’est le cas par exemple lorsque l’"autre" énantiomère n’a pas ou peu d’efficacité thérapeutique, mais qu’il intervient dans la toxicité du mélange ou lors d’interactions médicamenteuses. Un exemple classique est la L-dopa: la D-dopa n’est pratiquement pas efficace mais est plus toxique que la L-dopa; la L-dopa se révèle dès lors plus efficace et moins toxique que le mélange racémique D,L-dopa. En ce qui concerne la lévofloxacine, seul cet énantiomère de l’ofloxacine – et non l’autre énantiomère – possède une activité antibactérienne; les deux énantiomères ont toutefois la même toxicité [n.d.l.r.: la lévofloxacine peut dès lors être utilisée à des doses plus élevées et est un peu plus efficace que l’ofloxacine, par ex. dans les infections à pneumocoques, voir Folia de janvier 2001 au sujet des indications de la lévofloxacine]. Quant à l’ ésoméprazole, le profil pharmacocinétique de cet énantiomère est plus favorable (meilleure biodisponibilité) que celui du mélange racémique oméprazole, mais il n’est pas prouvé que cela se traduit par un avantage sur le plan clinique. In vitro, l’ escitalopram paraît environ 30 fois plus puissant que l’autre énantiomère en ce qui concerne l’inhibition de la recapture de la sérotonine, mais il n’est pas prouvé que cela apporte un avantage sur le plan clinique par rapport au mélange racémique. Pour la plupart des énantiomères commercialisés après que leurs mélanges racémiques l’aient été, il existe donc peu de preuves quant à un rapport risque-bénéfice supérieur à leur mélange racémique. On peut émettre la critique que c’est parfois la même firme qui, une fois révolue la période de brevet de la forme racémique, commercialise séparément un des énantiomères. L’énantiomère est alors parfois présenté comme un progrès mais il est parfois plus coûteux pour la société et le patient, et ne présente aucun intérêt clinique. D’après
Note de la rédaction
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