Le millepertuis comme antidépresseur

Le Brit Med J a publié récemment les résultats d’une étude randomisée en double aveugle sur l’utilisation du millepertuis (Hypericum perforatum) dans la dépression.

324 patients avec une dépression légère à modérée ont reçu pendant 6 semaines

  • soit le millepertuis (sous forme d’extrait): 500 mg d’extrait (correspondant à 1 mg d’hypericine) p.j. en deux prises,
  • soit l’imipramine: 150 mg p.j. en deux prises.

Tant l’imipramine que le millepertuis ont eu un effet favorable sur la dépression, et cet effet était comprable pour les deux médicaments; le millepertuis était plus efficace sur les symptômes d’angoisse associés à la dépression. Les effets indésirables étaient plus fréquents chez les patients sous imipramine (63%) que chez ceux sous millepertuis (39%); la sécheresse de la bouche était l’effet indésirable le plus fréquemment rapporté dans les deux groupes (25% avec l’imipramine et 8% avec le millepertuis). Un nombre plus important de patients sous imipramine ont arrêté le traitement en raison d’effets indésirables par rapport au groupe sous millepertuis (16% versus 3%).

Certains commentaires des auteurs de l’étude sont résumés ici. Ces dernières années, plusieurs éditoriaux ont soulevé la question de l’efficacité et de l’innocuité du mille-pertuis, et déjà en 1996, une revue de la littérature Brit Med J 131 : 253-258(1996)] plaidait pour la réalisation d’études rigoureuses. Depuis lors, les résultats de telles études ont été publiés. L’étude mentionnée plus haut est la plus large réalisée à ce jour, et contrairement aux autres, l’imipramine y a été utilisée à une pleine dose thérapeutique. Les résultats de cette étude confirment que le millepertuis et l’imipramine sont comparables sur la plan thérapeutique ainsi que leurs effets indésirables présumés. Cette étude n’a rapporté aucune interaction avec le millepertuis, mais il faut tenir compte que celui-ci peut présenter des interactions avec plusieurs médicaments [voir Note de la rédaction].

D’après

  • H. Woelk: for the Remotiv/Imipramine Study Group: Comparison of St John’s wort and imipramine for treating depression: randomised controlled trial. Brit Med J 321 : 536-539(2000)

Note de la rédaction

  • Le millepertuis peut diminuer les concentrations plasmatiques de médicaments tels les antagonistes de la vitamine K, la carbamazépine, la ciclosporine, la digoxine, le phénobarbital, la phénytoïne, l’indinavir et la théophylline, et des hémorragies intercurrentes ont été rapportées avec l’association d’éthinylestradiol et de désogestrel; la plupart de ces interactions sont probablement dues aux propriétés d’induction enzymatique de constituants du millepertuis. Un syndrome sérotoninergique peut également survenir lors de l’utilisation concomitante d’un inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine et peut-être aussi d’un triptan [voir aussi Folia de mars 2000].
  • L’imipramine a été pendant longtemps l’étalon de référence dans les études comparatives avec des antidépresseurs. Il est cependant aussi important que le millepertuis soit également comparé aux inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (SSRI). Le nombre de publications qui ont porté sur cette comparaison est cependant faible: deux études avec la fluoxétine ont été retrouvées dans le programme de recherche Medline. Une étude à large échelle comparant le millepertuis et la fluoxétine ou un placebo chez des patients avec une dépression majeure est actuellement en cours.
  • Dans un article de synthèse sur les médecines alternatives publié récemment dans le Brit Med J [321 : 683-686(2000)] , les effets du millepertuis n’ont pas été mis en doute, mais un certain nombre de questions non encore résolues ont été soulevées, notamment en ce qui concerne son mécanisme d’action et ses composants actifs.
  • En Belgique, le millepertuis n’est pas disponible comme médicament, mais il est proposé comme denrée alimentaire sous forme prédosée. Pour ces préparations, il n’est pas mentionné la quantité d’hypericine présente par unité de poids d’extrait, et il n’est dès lors pas possible de comparer les doses proposées dans ces préparations à celles utilisées dans les études cliniques. En outre, elles ne sont pas accompagnées de notices dans lesquelles par ex. les interactions possibles sont mentionnées, et leur qualité chimique et pharmaceutique ne peut pas être garantie. Ces préparations ne peuvent dès lors pas être recommandées. En ce qui concerne les médicaments et les denrées alimentaires à base de plantes, nous renvoyons également à l’article &quotMédicaments à base de plantes&quot publié dans ce même numéro des Folia.