Impact de la supplémentation en vitamine D sur la mortalité
Message clé
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L’étude D-Health est une RCT à grande échelle qui montre que la prise préventive de compléments de vitamine D à fortes doses mensuelles dans une population de personnes âgées de plus de 60 ans n’a pas d’effet sur la mortalité totale.
En quoi cette étude est-elle importante ?
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Dans les sciences fondamentales, la vitamine D a été associée à de nombreux effets (protecteurs). Dans plusieurs études observationnelles, des niveaux plus élevés de vitamine D ont été associés à des effets protecteurs sur le risque cardiovasculaire, le risque de cancer et la survie globale. Ce type d’études est plus susceptible de comporter des biais et ne permet pas de prouver le bénéfice d’une supplémentation en vitamine D1,2.
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Avant l’étude D-Health, il y a eu l’étude VITAL3, une RCT à grande échelle de 2020 qui n’a pas pu démontrer d’effet avec une forte dose quotidienne de vitamine D (2 000 UI par jour) sur l’incidence des maladies cardiovasculaires et des cancers invasifs, pas plus que sur la mortalité globale (cf. plus d’infos).
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Il y a également une méta-analyse de RCT qui a évalué les effets d’une supplémentation en vitamine D sur la mortalité. Dans cette méta-analyse, la prise de compléments de vitamine D n’a pas été associée à un effet sur la mortalité globale, mais un effet a été constaté sur la mortalité par cancer.
- L’étude « VITamin D and OmegA-3 » (VITAL) est une RCT qui a évalué une dose quotidienne de vitamine D3 (2 000 UI) et d’acides gras oméga-3 (1 g) sur le plan de la prévention primaire du cancer invasif et des affections cardiovasculaires pendant un suivi de 5 ans. Sur les 25 871 participants, 20 pour cent environ étaient des Afro-Américains. L’étude n’a pas trouvé de réduction de l’incidence totale de cancer invasif (risque relatif : 0,96 ; IC 95 % : 0,88 - 1,06), de l’incidence d’événements cardiovasculaires (risque relatif : 0,97 ; IC 95 % : 0,85 - 1,12) ou de la mortalité globale (critère d’évaluation secondaire ; risque relatif : 0,99 ; IC 95 % : 0,87 - 1,12).
- La méta-analyse de Zhang et al.4, qui a inclus 50 RCT totalisant 74 655 participants et assurant un suivi médian d’un an, n’a pas mis au jour de réduction de la mortalité toutes causes confondues (risque relatif : 0,98 ; IC 95 % : 0,95 - 1,02), de la mortalité cardiovasculaire (risque relatif : 0,98 ; IC 95 % : 0,88 - 1,08) ou de la mortalité due à d’autres causes qu’un cancer ou une maladie cardiovasculaire (risque relatif : 1,05 ; IC 95 % : 0,93 - 1,18) en cas de prophylaxie à base de compléments de vitamine D. Les auteurs ont cependant observé un effet sur la mortalité par cancer (risque relatif : 0,85 ; IC 95 % : 0,74 - 0,97).
- Il convient toutefois d’ajouter quelques notes critiques dans la discussion de ces méta-analyses, en ce sens où les études étaient souvent de courte durée et portaient sur des populations réduites, sur différentes catégories d'âge, différents groupes ethniques et différents schémas posologiques. De ce fait, il est impossible d’établir un lien causal entre des doses déterminées et des résultats cliniques.
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Aucune RCT menée à grande échelle et/ou à long terme n’a pu confirmer l'effet positif sur la mortalité constaté dans les études observationnelles.
Conception de l’étude
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D-Health est une étude à grande échelle, randomisée, en double aveugle, contrôlée contre placebo et d’une durée de 5 ans, dans laquelle le groupe actif a reçu mensuellement 60 000 UI de vitamine D3, ce qui correspond à un apport quotidien de 2 000 UI. Les critères d’inclusion étaient un âge compris entre 60 et 84 ans, l’absence de prise quotidienne de plus de 500 UI de compléments de vitamine D et l’absence d’antécédents autodéclarés de calculs rénaux, d’hypercalcémie, d’hyperparathyroïdie, d’ostéomalacie ou de sarcoïdose.
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Tous les participants du groupe actif ont reçu douze gélules de 60 000 UI de vitamine D par an. Leur observance thérapeutique a été évaluée au moyen de questionnaires.
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Le critère d’évaluation primaire était la mortalité globale. Les critères d’évaluation secondaires étaient l’incidence totale de cancer, l’incidence de cancer colorectal, la mortalité cardiovasculaire et la mortalité par cancer.
Résultats en bref
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Au total, l’étude a inclus 21 310 participants dans les deux groupes. 54,1 % de ces participants étaient de sexe masculin et l’âge moyen était de 69,3 ans.
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La concentration sérique de vitamine D n’a pas été mesurée au début de l’étude. La concentration sérique moyenne de 25(OH)vitamine D a été mesurée tous les ans pendant les 5 années de l’étude. Elle s’élevait en moyenne à 77 nmol/l dans le groupe placebo et à 115 nmol/l dans le groupe vitamine D.
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L’observance thérapeutique s’est révélée élevée : 84,5 pour cent des participants du groupe actif et 82,5 pour cent des participants du groupe placebo ont pris au moins 80 % des gélules pendant toute la période de traitement.
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Après un suivi médian de 5,7 ans, 1 100 décès ont été enregistrés, dont 5,1 % dans le groupe placebo et 5,3% dans le groupe vitamine D.
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On n’a pas observé de différence significative en termes de mortalité globale, de mortalité cardiovasculaire ou de mortalité par cancer (pour le traitement par vitamine D3 versus placebo, respectivement : HR 1,04 (IC à 95% de 0,93 à 1,18), 0,96 (0,72 - 1,28) et 1,15 (0,96 - 1,39), respectivement).
Commentaire du CBIP
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La dose, de 60 000 UI par mois, qui était utilisée dans l’étude, était une posologie élevée. Après conversion en dose quotidienne, cela revient à 2 000 UI par jour. Cette dose avait été choisie parce que, dans la phase pilote, elle avait permis d'atteindre la concentration sérique médiane cible de
75 nmol/L de 25 OH vitamine D. Le répertoire recommande une dose quotidienne de 800 UI ou une dose mensuelle de 25 000 UI en prévention du déficit en vitamine D. -
Dans cette étude, les investigateurs ont utilisé une dose mensuelle de vitamine D. Une synthèse récente (liée à l’industrie pharmaceutique) a suggéré que le manque de données probantes étayant une influence positive des compléments de vitamine D sur les résultats cliniques pourrait être dû à l’utilisation d’un bolus plutôt que d’une dose quotidienne. Cette hypothèse repose essentiellement sur deux récentes méta-analyses, qui ont noté une réduction de l’incidence d’infections respiratoires lors de la prise d’une dose quotidienne de vitamine D, mais pas lors de la prise d’un bolus6. En outre, la méta-analyse de Keum et al.5 a établi que l’administration de compléments de vitamine D avait un effet protecteur sur la mortalité par cancer, mais ce principalement dans des études qui utilisaient une dose quotidienne. Cette hypothèse n’est pas étayée par des RCT de grande taille et de longue durée.
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80 % de la population de l’étude avait une concentration sérique de vitamine D supérieure à la concentration minimale recommandée (> 50 nmol/l). Quelques études observationnelles à petite échelle suggèrent que les valeurs initiales pourraient être plus faibles dans la population belge, si bien que toute extrapolation à la situation belge doit se faire avec prudence7-11.
Conclusion
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Cette RCT menée à grande échelle sur 5 ans, conclut qu’un apport mensuel préventif de vitamine D à forte dose n'a pas d'effet protecteur sur la mortalité globale chez les plus de 60 ans en bonne santé. Aucun bénéfice n’a par ailleurs été observé en termes de mortalité cardiovasculaire ou de mortalité par cancer.
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La supplémentation en vitamine D est recommandée pour prévenir les carences en vitamine D chez les groupes à risque tels que les nourrissons, les enfants d'âge préscolaire et les femmes enceintes à peau foncée ou les personnes âgées vivant en institution (Voir Répertoire 14.2.1.2.).
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Sur la base de ces études et d'autres études randomisées, il n'y a pas d’arguments, à ce jour, pour recommander une supplémentation en vitamine D en dehors de ces groupes à risque.
Sources
1 Kristin K D, Donald L. T, Candace S J. Vitamin D signalling pathways in cancer: potential for anticancer therapeutics. Nature reviews Cancer. 2007;7(9). doi:10.1038/nrc2196
2 Neale RE, Baxter C, Romero BD, et al. The D-Health Trial: a randomised controlled trial of the effect of vitamin D on mortality. The Lancet Diabetes & Endocrinology. 2022;10(2):120-128. doi:10.1016/S2213-8587(21)00345-4
3 Manson JE, Cook NR, Lee IM, et al. Vitamin D Supplements and Prevention of Cancer and Cardiovascular Disease. New England Journal of Medicine. 2019;380(1):33-44. doi:10.1056/NEJMoa1809944
4 Zhang Y, Fang F, Tang J, et al. Association between vitamin D supplementation and mortality: systematic review and meta-analysis. BMJ. 2019;366. doi:10.1136/bmj.l4673
5 Keum N, Lee DH, Greenwood DC, Manson JE, Giovannucci E. Vitamin D supplementation and total cancer incidence and mortality: a meta-analysis of randomized controlled trials. Annals of oncology : official journal of the European Society for Medical Oncology. 2019;30(5). doi:10.1093/annonc/mdz059
6 Mazess RB, Bischoff‐Ferrari HA, Dawson‐Hughes B. Vitamin D: Bolus Is Bogus—A Narrative Review. JBMR Plus. 2021;5(12):e10567. doi:10.1002/jbm4.10567
7 Vaes B, Pasquet A, Wallemacq P, et al. The BELFRAIL (BFC80+) study: a population-based prospective cohort study of the very elderly in Belgium. BMC Geriatr. 2010;10:39. doi:10.1186/1471-2318-10-39
8 Pottelbergh GV, Matheï C, Vaes B, Adriaensen W, Degryse J. Vitamine D-tekort bij ouderen. :4.
9 Richart T, Thijs L, Nawrot T, et al. The metabolic syndrome and carotid intima-media thickness in relation to the parathyroid hormone to 25-OH-D(3) ratio in a general population. Am J Hypertens. 2011;24(1):102-109. doi:10.1038/ajh.2010.124
10 Moreno-Reyes R, Carpentier YA, Boelaert M, et al. Vitamin D deficiency and hyperparathyroidism in relation to ethnicity: a cross-sectional survey in healthy adults. Eur J Nutr. 2009;48(1):31-37. doi:10.1007/s00394-008-0756-1
11 MacFarlane GD, Sackrison JL, Body JJ, Ersfeld DL, Fenske JS, Miller AB. Hypovitaminosis D in a normal, apparently healthy urban European population. J Steroid Biochem Mol Biol. 2004;89-90(1-5):621-622. doi:10.1016/j.jsbmb.2004.03.042