Effet limité du méthylphénidate sur l’apathie chez les patients Alzheimer

  • Message-clé

    • L’étude ADMET-2 est une RCT en double aveugle, contrôlée par placebo, portant sur l’effet du méthylphénidate sur les scores d’apathie chez des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Dans cette étude, l’utilisation du méthylphénidate a été associée à une légère amélioration des symptômes de l’apathie, sans amélioration du fonctionnement quotidien ou de la qualité de vie du soignant ou du patient.

    • Des recherches complémentaires sont nécessaires, à plus grande échelle et sur une plus longue durée, concernant le profil d’innocuité et l’effet sur des critères d’évaluation tels que la qualité de vie du soignant et du patient, avant de pouvoir déterminer la place éventuelle du méthylphénidate dans la maladie d'Alzheimer.

  • En quoi cette étude est-elle importante ?

    • Dans la maladie d’Alzheimer, parmi les symptômes qui posent problème au niveau du comportement et des soins, l’apathie (voir « Plus d’infos ») est l’un des plus fréquents. L’apathie a un impact négatif sur la qualité de vie tant du patient que des soignants1.

      L’apathie se caractérise par une perte d’initiative et d’intérêt, une indifférence et une atténuation des réactions affectives aux événements vécus, qu’ils soient positifs ou négatifs. Pour poser le diagnostic d’apathie chez une personne atteinte de démence, les symptômes susmentionnés doivent être présents depuis au moins quatre semaines. La prévalence estimée d’apathie dans la démence varie entre 20 et 90%. Dans une étude de population, la prévalence à 5 ans était de 71%2.
    • Cette RCT contrôlée par placebo a évalué l'intérêt du méthylphénidate (un médicament apparenté aux amphétamines, utilisé dans le TDAH) dans l'apathie liée à la démence. Jusqu'alors, les données disponibles se limitaient à des études de cas, des études observationnelles et quelques RCT de petite taille et de courte durée.)

  • Conception de l’étude

    • ADMET-2 est une étude randomisée, contrôlée par placebo (durée du traitement : 6 mois). Les investigateurs ont recruté 199 participants, incluant à la fois des patients traités en ambulatoire et des résidents de maisons de repos et de soins ou de résidences-services. L'âge médian des patients était de 76 ans (71 à 81 ans).

      Les critères d’inclusion étaient les suivants: (1) diagnostic probable de maladie d’Alzheimer ; (2) score MMSE compris entre 10 et 28 ; (3) apathie cliniquement significative (fréquente ou très fréquente) de gravité modérée ou sévère pendant au moins 4 semaines, mesurée sur le NPI (Neuropsychiatric Inventory) ; et (4) présence d’un soignant pendant au moins 10 heures par semaine (ndlr : dans cet article, le terme « soignant » est utilisé comme terme générique pour désigner à la fois le prestataire de soins et l’aidant-proche).
      Les critères d’exclusion étaient les suivants : présence d’une dépression majeure, agitation significative, agressivité ou symptômes psychotiques. Étaient également exclus les patients présentant des contre-indications au traitement par le méthylphénidate.
    • Interventions: dose initiale de 10 mg de méthylphénidate par jour, portée à 20 mg sur une période de 3 jours, ou un placebo. Dans les deux groupes, du matériel éducatif était fourni au prestataire de soins, qui bénéficait d’une séance thérapeutique hebdomadaire et disposait d’un point de contact en cas de situation de crise. La durée totale du traitement était de six mois.

    • Critères d’évaluation primaires : (1) évolution du score d’apathie après 6 mois (selon le prestataire de soins) ; (2) perspective d’amélioration après 6 mois selon l’avis global d’un médecin-investigateur.

      - Critères d’évaluation primaires :
      L’échelle NPI (Neuropsychiatric Inventory, inventaire neuropsychiatrique) a été développée pour mesurer les symptômes comportementaux liés à la démence. Les 12 domaines évalués (score de 0 à 12 par item, plus le score est élevé, plus le symptôme est important) sont l’apathie, les idées délirantes, les hallucinations, l’agitation, la dépression, l’euphorie, le comportement moteur aberrant, l’irritabilité, la désinhibition, l’anxiété, le sommeil et les troubles de l’appétit.
      L’échelle mADCS-CGIC (modified Alzheimer’s Disease Cooperative Study – Clinical Global Impression of Change, étude de coopération sur la maladie d’Alzheimer – impression clinique globale du changement) reflète les changements cliniquement importants selon le jugement d'un médecin-investigateur. Cette échelle se concentre principalement sur les changements en matière de cognition, de fonctionnement et de comportement.
      - Critères d’évaluation secondaires :
      Score d’apathie de 0 sur l’échelle NPI, score d’apathie sur l’échelle DAIR ; score sur l’échelle ADCS-ADL (mesure de la capacité fonctionnelle [activités de la vie quotidienne]).
      L’impact sur le prestataire de soins était évalué via une mesure indirecte, à savoir le questionnaire EuroQol à 5 dimensions et 5 niveaux, ainsi que l’échelle de dépendance. Des tests cognitifs, dont le test MMSE, ont également été effectués au début de l’étude et après 2, 4 et 6 mois.
    • La sécurité a été étudiée sur la base d’un enregistrement systématique des effets indésirables.

  • Les résultats en bref

    • Résultats pour les critères d’évaluation primaires :
      Au début de l’étude, le score moyen d’apathie était de 8,0 dans le groupe méthylphénidate et de 7,6 dans le groupe placebo. Après 6 mois de traitement, le score d’apathie était de 3,5 dans le groupe méthylphénidate contre 4,7 dans le groupe placebo. Le bénéfice observé avec le méthylphénidate était statistiquement significatif par rapport au placebo, mais la pertinence clinique de cet effet est incertaine (différence moyenne de - 1,25 (IC à 95% de - 2,03 à - 0,47) sur une échelle de 12 points). La perspective d’amélioration après 6 mois n’était pas significativement différente d’un groupe à l’autre, d’après le médecin-investigateur.

    • Résultats pour les critères d’évaluation secondaires :
      Après 6 mois, 27% (24/89) des participants du groupe actif avaient un score d’apathie de 0 sur l’échelle NPI, contre 14% (13/90) des participants du groupe placebo. Aucune différence n’a été observée entre les deux groupes en ce qui concerne la fonction cognitive et les échelles ayant évalué le fonctionnement quotidien et la qualité de vie.

    • Aucune différence n’a été observée au niveau d’autres symptômes neuropsychiatriques, mais on a constaté une augmentation du comportement moteur aberrant (gestes répétitifs) dans le groupe intervention, par rapport au groupe placebo, mesurée à l’aide du NPI.

    • 17 « événements » graves ont été rapportés dans le groupe actif et 10 dans le groupe placebo, correspondant tous à des hospitalisations pour des affections non liées au traitement selon les investigateurs.

    • Les participants du groupe intervention étaient plus nombreux que les participants du groupe placebo à avoir perdu plus de sept pour cent de poids corporel après 6 mois (10 contre 6). Aucune différence n’a été relevée entre les groupes en ce qui concerne d’autres effets indésirables.

  • Limites de l’étude

    • L’étude s’est intéressée à des patients ayant un diagnostic probable de maladie d’Alzheimer avait été posé. Il n’est donc pas possible de généraliser les résultats à une population plus hétérogène atteinte d’autres formes de démence (seules ou associées).

    • L’étude n’a pas directement évalué l’impact sur les soignants, sauf d’une manière indirecte (questionnaire EuroQol à 5 dimensions et 5 niveaux, et échelle de dépendance). L’impact de l’apathie sur la qualité de vie des soignants est l’un des effets les plus négatifs de la démence.

    • La durée du traitement était plutôt courte (6 mois) compte tenu de la durée de la démence (8 ans en moyenne).

    • Toutes les échelles utilisées portaient sur la mesure des symptômes. Aucune information n’est donnée au sujet de critères d’évaluation cliniques importants, tels que la qualité de vie et l’entrée en institution.

  • Commentaire du CBIP

    • Cette étude menée chez des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer n’a observé aucun effet sur des critères d’évaluation importants dans le contexte de la démence, comme l’impact sur les soignants et la qualité de vie.

    •  De nombreuses incertitudes persistent quant au profil d’innocuité du méthylphénidate dans une population âgée. Dans cette étude, le groupe sous méthylphénidate a connu plus de cas de comportement moteur aberrant et de perte de poids cliniquement significative que le groupe placebo.

    • L'étude durait six mois, ce qui pourrait être trop court pour détecter certains effets indésirables (notamment cardiovasculaires). Il ressort d’une étude rétrospective récente que la prise d’amphétamines pourrait être associée à une augmentation des effets indésirables cardiovasculaires chez la personne âgée5. Des recherches complémentaires sur les risques cardiovasculaires et autres liés au méthylphénidate chez les personnes atteintes de démence sont nécessaires pour pouvoir mieux évaluer le profil bénéfice/risque dans cette population.


Sources

Scherer RW, Drye L, Mintzer J, et al. The Apathy in Dementia Methylphenidate Trial 2 (ADMET 2): study protocol for a randomized controlled trial. Trials 2018;19(1):1-15. doi:10.1186/s13063-017-2406-5
Fredericks C. Methylphenidate for Apathy in Alzheimer Disease—Why Should We Care? JAMA Neurol 2021;78(11):1311-1313. doi:10.1001/jamaneurol.2021.2942 
3 Dky L, Wc C, A S, Ghy W. Prevalence of depression, anxiety, and apathy symptoms across dementia stages: A systematic review and meta-analysis. International journal of geriatric psychiatry 2021;36(9). doi:10.1002/gps.5556
4 Padala PR, Padala KP, Lensing SY, et al. Methylphenidate for Apathy in Community-Dwelling Older Veterans With Mild Alzheimer’s Disease: A Double-Blind, Randomized, Placebo-Controlled Trial. American Journal of Psychiatry. Published online September 15, 2017. doi:10.1176/appi.ajp.2017.17030316
5 Latronica JR, Taylor JC, Tuan WJ, Bone C. Are Amphetamines Associated with Adverse Cardiovascular Events Among Elderly Individuals? Journal of the American Board of Family Medicine 2021;34(6). doi:10.3122/jabfm.2021.06.210228