Communiqué du Centre de Pharmacovigilance
Coups de chaleur et hyperthermies malignes d’origine médicamenteuse
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Un article récent de La Revue Prescrire1 fait le point sur les coups de chaleur et les hyperthermies d’origine médicamenteuse. Lorsque cela était pertinent, l’information a été complétée par de l’information en provenance du Répertoire et des Folia.
Définition et description
Un coup de chaleur et une hyperthermie maligne correspondent à une augmentation majeure de la température corporelle. Ces élévations majeures exposent à une hypotension artérielle, à une insuffisance rénale fonctionnelle (liée à une déshydratation) et, à partir de 42°C, à des ischémies tissulaires ainsi qu’à des défaillances d’organes : insuffisance respiratoire, troubles cardiaques, convulsions et autres troubles neurologiques, rhabdomyolyse, insuffisance rénale, troubles hépatiques. Le mécanisme est différent de celui de la fièvre dans laquelle la température élevée reste maintenue sous contrôle par l’hypothalamus et qui n’expose en général pas à des défaillances d’organes.
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Les coups de chaleur touchent généralement des personnes de plus de 70 ans, dans le contexte d’une exposition trop longue à une température ambiante élevée, sans la possibilité de boire ou de se rafraîchir. Le risque augmente en présence de maladies cardiovasculaires, neurologiques ou psychiques, d’obésité ou d’handicap moteur. Les coups de chaleur liés à un exercice physique intense dans des conditions de chaleur extrême concernent surtout des personnes plus jeunes. Les coups de chaleur peuvent être causés ou aggravés par des médicaments.
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L’hyperthermie maligne est toujours d’origine médicamenteuse.
Médicaments et coups de chaleur
Les principaux médicaments qui causent ou aggravent un coup de chaleur sont :
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Médicaments ayant un effet anticholinergique : par diminution de la transpiration et augmentation de la chaleur corporelle. Il s’agit entre autres des anticholinergiques utilisés dans les troubles de la fonction vésicale, des anticholinergiques en cas de maladie de Parkinson et de certains antidépresseurs, d’antihistaminiques H1 et d’antipsychotiques.
Dans le Répertoire Intro.6.2.3., les anticholinergiques et les médicaments avec des propriétés anticholinergiques sont définis. Extrait du Répertoire Intro.6.2.3. :
- Certains médicaments sont classés comme “anticholinergiques” (syn. antagonistes des récepteurs muscariniques ou atropiniques) étant donné que l'effet recherché avec ces médicaments repose sur leurs propriétés anticholinergiques. Il s'agit du bromhydrate de butylhyoscine en cas de crampes abdominales, des anticholinergiques en cas de problèmes vésicaux, des anticholinergiques en cas d’asthme et de BPCO, des anticholinergiques en cas de maladie de Parkinson, de certains mydriatiques et cycloplégiques, de l’atropine.
- Bon nombre d'autres médicaments ont des propriétés anticholinergiques mais ne sont pas utilisés pour ces propriétés ; ils sont néanmoins également associés à des effets indésirables anticholinergiques. Il s’agit surtout de certains antidépresseurs (surtout les antidépresseurs tricycliques (surtout l’amitriptyline) et la paroxétine), de certains antihistaminiques H1 (principalement la diphenhydramine, le diménhydrinate, l'hydroxyzine, la méclozine et la prométhazine; dans une moindre mesure la cétirizine, la doxylamine, la fexofénadine et la loratadine), de certains antipsychotiques (surtout les phénothiazines, la clozapine, l’halopéridol, l’olanzapine, le pimozide, la quétiapine), du baclofène, de la carbamazépine et de l’oxcarbazépine, du disopyramide, du néfopam et de la tizanidine.
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Antipsychotiques : par effet central sur la thermorégulation, par l’effet antidopaminergique et (pour certains antipsychotiques, voir ci-dessus dans « + plus d’info ») par l’effet anticholinergique.
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Hormones thyroïdiennes : par augmentation du métabolisme.
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Antiépileptiques topiramate et zonisamide, et diurétique acétazolamide : par inhibition de l’anhydrase carbonique (entraînant une diminution de la transpiration et un effet diurétique).
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Médicaments sérotoninergiques : par effet de la sérotonine sur la régulation thermique ; l’hyperthermie est un symptôme du syndrome sérotoninergique. Cela concerne entre autres certains antidépresseurs tels que les ISRS, certains opioîdes.
Dans le Répertoire Intro.6.2.4., les médicaments sérotoninergiques sont définis. Extrait du Répertoire Intro.6.2.4. :
- Les cas graves de syndrome sérotoninergique s’observent habituellement en cas de prise de deux ou plusieurs médicaments sérotoninergiques, parmi lesquels on trouve le plus souvent un inhibiteur de la MAO-A ou un inhibiteur non sélectif de la MAO. En Belgique, ne sont disponibles que le moclobémide, un inhibiteur réversible de la MAO-A; ainsi que le linézolide (un antibiotique) et le bleu de méthylène, des inhibiteurs de la MAO non psychotropes. En particulier l’association d’un inhibiteur de la MAO et d’un ISRS doit être évitée.
- D’autres médicaments qui peuvent provoquer un syndrome sérotoninergique, généralement lorsqu’ils sont associés entre eux, sont principalement les ISRS (y compris la dapoxétine) et d’autres antidépresseurs (duloxétine, venlafaxine, clomipramine, imipramine, vortioxétine), certains opioïdes (fentanyl, hydromorphone, méthadone, oxycodone, pentazocine, péthidine, tapentadol, tramadol), le dextrométhorphane, le lithium, le méthylphénidate, le millepertuis, les amphétamines et dérivés (p.ex. ecstasy). Un risque de syndrome sérotoninergique a également été suggéré ou n’est pas à exclure pour les médicaments suivants: la mirtazapine, le trazodone, les triptans, et les inhibiteurs de la MAO-B : sélégiline, rasagiline et safinamide.
- Voir Répertoire Intro.6.2.4. pour plus d’infos sur le syndrome sérotoninergique.
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Sympathicomimétiques : par une augmentation de production de chaleur et une diminution de la déperdition de chaleur. Cela concerne entre autres les amphétamines, la pseudoéphédrine, la bupropione et le méthylphénidate.
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Produits psychotropes non médicamenteux : alcool, cocaïne, ecstasy.
Certains médicaments peuvent aussi aggraver les conséquences d’un coup de chaleur :
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Médicaments cholinergiques (augmentation de la transpiration et du risque de déshydratation) : pilocarpine, inhibiteurs de la cholinestérase utilisés dans la maladie d’Alzheimer, néostigmine, pyridostigmine.
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Médicaments favorisant une insuffisance rénale fonctionnelle en cas de déshydratation : diurétiques, antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS), inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA), sartans, gliflozines.
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Médicaments favorisant une hypotension artérielle : bêta-bloquants et autres antihypertenseurs.
Médicaments et hyperthermie maligne
Médicaments pouvant provoquer une hyperthermie maligne :
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Anesthésiques volatiles tels que l’halothane, le sévoflurane et le desflurane.
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Les antipsychotiques : on parle alors de « syndrome malin des antipsychotiques » (autrefois appelé « syndrome neuroleptique malin »). Le syndrome est aussi décrit en cas d’arrêt brusque de la lévodopa, d’agonistes de la dopamine et d’inhibiteurs de la COMT.
Extrait des Folia d’avril 2021 :
Le syndrome malin des antipsychotiques (auparavant appelé syndrome malin des neuroleptiques) est une réaction potentiellement mortelle à la prise (ou éventuellement à l’association) d’antipsychotiques classiques et atypiques et d'autres antagonistes des récepteurs dopaminergiques, tels que la tétrabénazine et les antiémétiques (le métoclopramide p.ex.) et le lithium. Le syndrome a aussi été décrit en cas d'arrêt brutal de lévodopa, d’agonistes dopaminergiques ou d’inhibiteurs de la COMT (voir Répertoire Intro.6.2.5.).
Sources spécifiques
1 Coups de chaleur et hyperthermies malignes d’origine médicamenteuse. La Revue Prescrire 2021 ; 41 : 835-836, avec référence vers : Risques liés aux médicaments en cas de vague de chaleur. La Revue Prescrire 2004 ;24 :505-511