AINS: néphrotoxicité chez de jeunes adultes en bonne santé
Une étude de cohorte longitudinale rétrospective menée aux États-Unis, auprès de militaires (Journal of the American Medical Association, février 2019) a cherché à savoir s'il existait un lien entre le nombre de prescriptions d'AINS fournies et l'incidence de lésions rénales aiguës et de maladies rénales chroniques. Les AINS les plus fréquemment prescrits étaient l'ibuprofène (3 x 800 mg) et le naproxène (2 x 500 mg).
Au cours de la période de recherche, 3 militaires sur 1.000 ont eu une insuffisance rénale aiguë, 2 sur 1.000 une maladie rénale chronique. On a comparé le groupe qui n'avait pas reçu de prescription d'AINS avec le groupe qui en avait reçu. Par rapport au groupe de personnes sans prescription, le rapport de hasards pour l'insuffisance rénale aiguë était de 1,2 (IC à 95 % 1,1-1,4), et pour la maladie rénale chronique également de 1,2 (IC à 95 % 1,0-1,3), chez les patients qui avaient reçu des prescriptions d'AINS à fortes doses. En d'autres termes, sur cette période, le risque de développer des troubles rénaux était jusqu'à 20% plus élevé dans le groupe auquel on avait prescrit de fortes doses d'AINS.
Les auteurs de l'étude présument que cela pourrait être dû au fait que les militaires doivent effectuer des exercices physiques intenses, provoquant une déshydratation lors d'entraînements en zones chaudes.
Conclusion du CBIP
La plupart des études évaluant la néphrotoxicité des AINS sont réalisées chez des personnes âgées ou ayant un trouble rénal préexistant; cette étude a été menée chez de jeunes adultes en bonne santé. Cette étude présente deux limites:
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Des prescriptions d'AINS (et la posologie qui a été mentionnée sur ces prescriptions) sont utilisées pour calculer la prise d'AINS : ce qui est prescrit ne reflète pas toujours la consommation réelle.
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La population étudiée (militaires) ne peut être extrapolée à l'ensemble de la population en général.
Bien qu'une étude de cohorte n'ait pas le même niveau de preuve qu'une étude randomisée, cette étude suggère qu'il faut être prudent lors de l'utilisation d'AINS à fortes doses chez des adultes en bonne santé, en particulier chez les personnes sportives ou les personnes exerçant des professions avec activités physiques intenses, lors d’efforts intenses avec hydratation éventuellement insuffisante. Bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires pour confirmer ce lien, il est prudent de signaler ce risque, en tant que médecin ou pharmacien, par exemple aux personnes qui prendraient des AINS pour ne pas ressentir de douleurs lors de la pratique d’un sport ou lors d’un travail dans des conditions chaudes. D'une part, une bonne hydratation est essentielle. D'autre part, il convient de discuter d’abord d'autres options thérapeutiques, orientées vers la cause des douleurs.
Sources
1 La Revue Prescrire. AINS: néphrotoxicité chez des adultes jeunes en bonne santé. Aôut 2019 ; 39 (430)
2 Nelson D.A. et al. Association of nonsteroidal anti-inflammatory drug prescriptions with kidney disease among active young and middle-aged adults. JAMA Network Open. 2019; 2(2): e187896. DOI: 10.1001/jamanetworkopen.2018.7896