Folia 'Soins aux Personnes Âgées'
Sevrage progressif des antipsychotiques en cas de démence
Les guides de pratique clinique concernant la démence recommandent de limiter autant que possible la durée du traitement antipsychotique en cas de troubles comportementaux et de l’arrêter après maximum 3 mois.
Une Cochrane Review a évalué le taux de réussite du sevrage progressif des antipsychotiques chez des personnes âgées atteintes de démence. La Cochrane Review conclut que les antipsychotiques peuvent être arrêtés progressivement de manière sûre chez la plupart des personnes âgées atteintes de démence, sans que les SCPD ne s’aggravent. Chez les personnes âgées présentant des troubles plus sévères, le risque de récidive est probablement plus grand.
Les troubles du comportement ou SCPD sont fréquents chez les personnes âgées atteintes de démence. Il existe peu de preuves de l'efficacité des antipsychotiques dans les SCPD, bien qu'ils soient souvent utilisés dans cette indication. Selon une étude de prévalence dans les maisons de repos et de soins (MRS) belges1, un résident sur trois prend des antipsychotiques, la principale indication étant l'agressivité dans la démence.
Les antipsychotiques entraînent souvent des effets secondaires extrapyramidaux, métaboliques et cognitifs, et sont associés à un risque accru d'effets indésirables graves tels que des AVC et des décès.
Une Cochrane Review2,3 (10 RCT, 632 patients) a évalué l'efficacité et l'innocuité du sevrage progressif des antipsychotiques chez des personnes âgées (65 ans et plus) atteintes de démence. La durée du suivi dans les études de sevrage progressif variait entre 4 semaines et 12 mois. Aussi bien l'arrêt brutal que le sevrage progressif des antipsychotiques ont été étudiés. La Cochrane Review a utilisé les critères d’évaluation primaires suivants: le nombre de patients terminant l'étude sans aggravation ni récidive des SCPD, la sévérité des SCPD, les symptômes de sevrage et les effets indésirables.
Efficacité
Aucune étude n’ayant précisé combien de patients avaient terminé l’étude sans aggravation ni récidive de leurs SCPD, les auteurs ont comparé le nombre de patients ayant abandonné prématurément l’étude dans le groupe sevré et dans le groupe ayant poursuivi son traitement antipsychotique. La différence entre ces deux groupes en termes de récidive est généralement minime voire absente (données disponibles dans 7 études, 446 patients). Deux études ont toutefois constaté un plus grand taux de récidive dans le groupe intervention (sevrage des antipsychotiques) que dans le groupe témoin (poursuite du traitement antipsychotique):
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Dans la première étude4 , le nombre de participants abandonnant l’étude en raison d’une aggravation des symptômes était plus grand dans le groupe intervention (augmentation du score de l’inventaire neuropsychiatrique ou NPI après 4 et 8 mois de suivi). Ceci pourrait s’expliquer par la sélection des patients: seuls les patients agités ou agressifs qui avaient déjà montré une réaction favorable aux antipsychotiques ont été inclus.
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Dans la seconde étude5, le taux de récidive des symptômes après le sevrage est plus élevé dans le sous-groupe de personnes présentant des SCPD plus prononcés (NPI > 14) au début de l’étude.
Deux études (265 patients, durée des études: 3 mois) peuvent être regroupées pour le critère d’évaluation SCPD (mesuré à l’aide du NPI). Il n’y a pas de différence significative entre le groupe sevré et le groupe poursuivant son traitement antipsychotique.
Innocuité
Bien que les études n’aient pas toutes rapporté aussi systématiquement les effets indésirables, les données disponibles semblent rassurantes. Aucune étude ne rapporte des symptômes de sevrage lors de l’arrêt progressif des antipsychotiques.
Commentaire du CBIP
Les preuves concernant l'intérêt des antipsychotiques dans les SCPD sont limitées. Un risque plus élevé d'effets indésirables et de décès doit être mis en balance avec un bénéfice éventuel des antipsychotiques sur les troubles du comportement. La Cochrane Review conclut que les antipsychotiques peuvent être arrêtés progressivement de manière sûre chez la plupart des personnes âgées atteintes de démence, sans aggraver les SCPD. Chez les patients dont les symptômes sont plus sévères, le risque de récidive est probablement plus grand. Il n'est pas clair s’il faut privilégier l’arrêt brutal ou l’arrêt progressif des antipsychotiques. Pour des raisons de sécurité, on opte pour un sevrage progressif sur plusieurs semaines (pour vous guider, voir le plan par étapes "Déprescription" proposé dans le "Formulaire de soins aux personnes âgées").
Des actions doivent être menées dans plusieurs domaines (notamment non pharmacologiques) pour réduire l'utilisation prolongée des antipsychotiques chez les personnes âgées atteintes de démence. Le plan par étapes "Troubles du comportement" du "Formulaire de soins aux personnes âgées" ainsi que le e-learning du CBIP peuvent être utiles à cet égard.
Sources spécifiques
1 Azermai M, Elseviers M, Petrovic M, et al. Geriatric drug utilisation of psychotropics in Belgian nursing homes. Human Psychopharmacology 2011;26:12-20.
2 Van Leeuwen E, Petrovic M, van Driel ML, De Sutter AIM, Vander Stichele R, Declercq T, Christiaens T. Withdrawal versus continuation of long-term antipsychotic drug use for behavioural and psychological symptoms in older people with dementia. Cochrane Database of Systematic Reviews 2018, Issue 3. Art. No.: CD007726. DOI: 10.1002/14651858.CD007726.pub3
3 Van Leeuwen E, Petrovic M, van Driel ML et al. Discontinuation of long-term antipsychotic drug use for behavioral and psychological symptoms in older adults aged 65 years and older with dementia. J Am Med Dir Assoc 2018;19:1009-14.
4 Devanand DP, Mintzer J, Schultz SK, Andrews HF, Sultzer DL, de la Pena D, et al. Relapse risk after discontinuation of risperidone in Alzheimer’s disease. New England Journal of Medicine 2012;367:1497-507.
5 Ballard C, Hanney ML, Theodoulou M, Douglas S, McShane R, Kossakowski K, et al. The dementia antipsychotic withdrawal trial (DART-AD): long-term follow-up of a randomised placebo-controlled trial. Lancet Neurology 2009;8:151-7.