Bon à savoir
Antiviraux à action directe dans l’hépatite C chronique : controverse récente à propos de leur impact clinique
[Déjà paru dans la rubrique "Bon à savoir" sur notre site Web le 28/07/17]
On dispose depuis quelques années de nouvelles molécules antivirales pour le traitement de l’hépatite C chronique, appelées « antiviraux à action directe ». Il s’agit des médicaments suivants : daclatasvir, dasabuvir, elbasvir, grazoprévir, lédipasvir, ombitasvir, paritaprévir, siméprévir, sofosbuvir et velpatasvir. Ils sont utilisés en association entre eux ou en association avec d’autres antiviraux tels que certains interférons et la ribavirine [voir Folia septembre 2014 et mars 2017, et chapitre 11.4.5. dans le répertoire]. Ces médicaments sont très onéreux [voir aussi Folia de février 2017] et ne sont remboursés que sous certaines conditions.
Cochrane Review
Une Cochrane Review1récente a examiné quelles sont les preuves d’un effet des antiviraux à action directe sur la morbidité et la mortalité chez des patients atteints d’hépatite C chronique. Les auteurs de la Cochrane Review concluent que les données provenant des études (toutes randomisées) incluses dans la Review sont insuffisantes pour se prononcer à ce sujet. D’après les auteurs, il existe bien des données probantes démontrant que les antiviraux à action directe donnent une meilleure réponse virologique soutenue (RVS) (c.-à-d. « absence du virus dans le sang 24 semaines après le traitement antiviral ») par rapport au placebo ou à l’absence d’intervention mais les auteurs estiment que la pertinence clinique de cet effet est « douteuse » : ils estiment que la RVS est un « critère d’évaluation intermédiaire non validé » et qu’il n’est pas prouvé que l’absence du virus dans le sang signifie également que le virus est absent dans le corps, ni que cela entraîne moins de complications ou prolonge la survie ». En outre, les auteurs sont particulièrement critiques en ce qui concerne la qualité des études randomisées disponibles avec ces médicaments : les études ont toutes été réalisées à l’initiative des entreprises responsables, elles sont de courte durée et présentent toutes un risque élevé de biais; la qualité des preuves est classée dans la Cochrane Review comme « très faible ».
Réactions dans la presse médicale
Les conclusions de cette Cochrane Review ont fait l’objet d’une controverse, avec des publications entre autres dans The BMJ et The Lancet.2-6 Un certain nombre d’experts spécialisés dans l’hépatite C contestent les conclusions de la Cochrane Review, et estiment que la RVS est un critère d’évaluation intermédiaire valable. Ces experts partagent toutefois l’avis que des études rigoureuses à long terme sur la morbidité et la mortalité font défaut, et ils soulignent que les études randomisées incluses dans la Cochrane Review étaient conçues pour évaluer l’influence sur la RVS, et non pour étudier la morbidité et la mortalité, ce qui requiert un plus long délai et un plus grand nombre de patients. C’est pourquoi on ne peut pas conclure non plus que ces médicaments n’ont pas d’influence sur la mortalité ou la morbidité. Ces experts argumentent que les études observationnelles montrent de manière cohérente une influence favorable sur la morbidité ou la mortalité; ils partagent toutefois l’avis que des études randomisées doivent être réalisées pour évaluer correctement ces critères d’évaluation forts.
Commentaire du CBIP
La nécessité d’effectuer des études cliniques permettant de mieux évaluer l’impact clinique de ces médicaments relativement nouveaux, ne fait aucun doute. Les décideurs politiques, les médecins et les patients doivent pouvoir disposer d’études rigoureuses pour pouvoir évaluer correctement le rapport coût/efficacité de ces médicaments onéreux ainsi que leur rapport bénéfice/risque.
Sources spécifiques
2 Hawkes N. Are new hepatitis C drugs all they’re cracked up to be? (Feature) BMJ 2017;357:j2961 (doi: 10.1136/bmj.j2961)
3 Wiktor SZ en Scott JD.What is the impact of treatment for hepatitis C virus infection? (Comment) The Lancet 2017;390:107-108
4 Doyle JS, Thompson AJ, Higgs P, Stoove M, Dietze PM en Hellard ME. Correspondence. New hepatitis C antiviral treatments eliminate the virus. The Lancet, online op 6 juli 2017 (doi: 10.1016/S0140-6736(17)31817-2)
5 The Hepatitis C Coalition’s response to the Cochrane Review on hepatitis C medicines. Via http://www.bmj.com.gateway.cdlh.be/content/357/bmj.j2961/rapid-responses (30 june 2017)