Stimulation de la lactation par des médicaments : la dompéridone est à réserver aux mères d’enfants prématurés ; le métoclopramide est à déconseiller dans tous les cas

Pour favoriser la lactation, la priorité doit être donnée à des mesures de soutien non médicamenteuses (positionnement correct au sein, renforcement de la confiance en soi de la mère, allaitement fréquent de l’enfant...), qui suffisent généralement. La dompéridone et, dans une moindre mesure, le métoclopramide sont parfois utilisés pour favoriser la lactation, mais cet usage ne figure pas parmi les indications mentionnées dans le RCP (usage « hors notice »). L’évaluation des données disponibles permettent de tirer les conclusions suivantes.
- La dompéridone est à déconseiller chez les mères d’enfants nés à terme. C’est seulement chez les mères d’enfants prématurés chez qui la production de lait est réellement insuffisante malgré un soutien optimal, qu’un traitement de courte durée par la dompéridone (maximum 3 x 10 mg par jour) peut être envisagé pour augmenter la production de lait. Il faut toutefois tenir compte des nombreuses incertitudes (p.ex. concernant la plus-value par rapport à un soutien optimal, et concernant la posologie et la durée de traitement). Il convient aussi d’être attentif au risque accru d’allongement de l’intervalle QT chez la mère en présence de facteurs de risque supplémentaires.
- Le métoclopramide est à déconseiller dans tous les cas : le rapport bénéfice/risque est négatif.

Les antagonistes dopaminergiques, tels que les antipsychotiques, le métoclopramide et la dompéridone, stimulent la libération hypophysaire de prolactine et stimulent ainsi la production de lait. La dompéridone et, dans une moindre mesure, le métoclopramide, sont parfois utilisés pour favoriser la lactation chez les femmes dont la production de lait s’avère insuffisante. Cet usage ne figure toutefois pas parmi les indications mentionnées dans le RCP, ni pour le métoclopramide ni pour la dompéridone (usage « hors notice »).

Mesures non médicamenteuses

Pour stimuler l’allaitement, il est prioritaire d’encourager des mesures non médicamenteuses, qui s’avèrent suffisantes chez la plupart des femmes. Il s’agit surtout de soutenir la mère en l’aidant à reconnaître les premiers signes de faim chez l’enfant et à éviter le stress, à allaiter fréquemment l’enfant et à utiliser une bonne technique d’allaitement avec un bon positionnement au sein.

- Pour les conseils pratiques destinés à la mère, nous renvoyons à www.one.be (Sélectionner « Parents > La santé de votre enfant > L’allaitement maternel ») ou www.kindengezin.be Sélectionner « Voeding en beweging > Borstvoeding > Problemen > Te weinig melk » et « Voeding en beweging > Borstvoeding > Afkolven »).
- Les maternités constituent des lieux de référence importants pour un bon début et un soutien adéquat de l’allaitement. L’OMS et l’UNICEF ont lancé en 1991 « l’Initiative Hôpital Ami des Bébés » (Baby Friendly Hospital Initiative). En Belgique, un plan d’action a été développé depuis 2005 pour encourager les maternités à mieux informer les futurs parents, notamment en ce qui concerne l’allaitement. Plus d’informations sur https://www.health.belgium.be/fr/alimentation/politique-alimentaire/alimentation-et-sante/allaitement-maternel/initiative-hopital-ami

Dompéridone

- Plusieurs études ont été publiées concernant l’utilisation de la dompéridone dans le cadre de la stimulation de la lactation. Concernant les mères d’enfants nés à terme, la qualité des études disponibles est trop faible pour pouvoir se prononcer. Chez les mères d’enfants prématurés hospitalisés, chez qui la quantité de lait tiré s’avérait insuffisante malgré un soutien optimal, des données limitées provenant d’une Cochrane Review1 suggèrent que la dompéridone favorise la production de lait à court terme. La quantité de lait tiré augmentait en moyenne de 100 ml par jour, avec des variations interindividuelles importantes. La posologie optimale n’est pas connue (dans les études incluses dans la Cochrane Review, la posologie était de 10 mg trois fois par jour). On ignore également les avantages à long terme. La composition du lait maternel n’était pas affectée.

Dans une Cochrane Review1, deux études ont été sélectionnées pour la dompéridone (59 mères au total; durée de l’étude de 7 jours et de 14 jours). La posologie était de 10 mg trois fois par jour. La dompéridone était instaurée 2 à 3 semaines en post-partum : au cours du traitement, la dompéridone augmentait la quantité de lait tiré de 100 ml par jour en moyenne [p = 0,05; IC à 95% -1,94 à 200,92]. Cette augmentation est juste en dessous de la limite statistiquement significative et les variations interindividuelles sont importantes.

- La dompéridone traverse moins facilement la barrière hémato-encéphalique que le métoclopramide et présente de ce fait un moindre risque d’effets indésirables centraux. La dompéridone a été associée à un allongement de l’intervalle QT chez des jeunes enfants, à doses élevées (> 30 mg p.j.) et chez des patients âgés de plus de 60 ans ; les données concernant un risque éventuel de torsades de pointes sont limitées, mais en présence de facteurs de risque supplémentaires, la prudence est de mise [voir aussi Intro.6.2.2. dans le Répertoire]. En raison du risque d’allongement de l’intervalle QT, l’usage de la dompéridone a été restreint en 2014 : notamment « nausées et vomissements » comme seule indication, durée maximale de traitement de 7 jours, et posologie maximale de 10 mg trois fois par jour chez l’adulte [voir Folia avril 2014].
- La dompéridone n’est excrétée qu’en très petites quantités dans le lait maternel. Les quelques données recueillies ne montrent pas d’effets indésirables chez le nourrisson ; on ne dispose pas de données à long terme.

Métoclopramide

- Quelques études ont été publiées concernant le métoclopramide dans le cadre de la stimulation de la lactation, mais en raison de leur faible qualité, elles ne permettent pas de se prononcer sur l’efficacité du métoclopramide.

Dans la Cochrane Review1 précitée, aucune étude concernant le métoclopramide ne répondait aux critères d’inclusion dans l’analyse.

- Le métoclopramide traverse plus facilement la barrière hémato-encéphalique que la dompéridone, et provoque davantage d’effets indésirables centraux (entre autres sédation, troubles extrapyramidaux) ; on rapporte également des cas de dépression dans le post-partum.
- Le métoclopramide passant plus facilement dans le lait maternel, le risque d’effets indésirables chez le nourrisson est dès lors plus élevé ; aucun effet indésirable grave n’a toutefois été rapporté jusqu’à présent avec le métoclopramide chez le nourrisson.
- En 2013, l’usage du métoclopramide dans les pathologies chroniques telles que la dyspepsie et le reflux gastro-œsophagien a été revu au niveau européen. Vu le manque de preuves d’efficacité convaincantes dans ces pathologies et vu les risques (en particulier les effets indésirables neurologiques graves), l’usage du métoclopramide a été restreint : notamment « nausées et vomissements » comme seule indication, durée de traitement maximale de 5 jours, contre-indication chez les enfants de moins d’un an [voir Folia d’octobre 2013].

Conclusion du CBIP

- La dompéridone est à déconseiller chez les mères d’enfants nés à terme. Ce n’est que chez les mères d’enfants prématurés chez qui la production de lait est réellement insuffisante malgré un soutien optimal, qu’un traitement de courte durée avec de la dompéridone (maximum 3 x 10 mg par jour) peut être envisagé. Le rapport bénéfice/risque légèrement positif de cet usage hors notice de la dompéridone dans ce groupe-cible spécifique s’explique également par le fait que le lait maternel, contrairement au lait artificiel, protègerait contre l’apparition d’une entérocolite nécrosante, une complication qui s’observe essentiellement chez les nouveau-nés prématurés. Il convient toutefois de tenir compte de nombreuses incertitudes, notamment concernant la plus-value par rapport à des mesures non médicamenteuses optimales, et concernant la posologie et la durée de traitement. Il est également important de prendre en compte le risque accru d’allongement de l’intervalle QT chez la mère en présence de facteurs de risque supplémentaires.
- Le rapport bénéfice/risque du métoclopramide dans la stimulation de la lactation est négatif ; cet usage hors notice est à déconseiller dans tous les cas.
 

Sources générales

- Bijwerkingencentrum Lareb. Geneesmiddelen bij borstvoeding. Via www.lareb.nl/teratologie/naslagwerk-gzb/gzb---borstvoeding (termes de recherche : "domperidon” et “metoclopramide”).
- Briggs GG en Freeman RK. A reference guide to fetal and neonatal risk: drugs in pregnancy and lactation (10e édition, version électronique) (seul le métoclopramide est abordé).
- Drugs and lactation database (LACTMED), via https://toxnet.nlm.nih.gov/newtoxnet/lactmed.htm (termes de recherche “domperidone” et “metoclopramide”)

Sources spécifiques

1 Donovan TJ en Buchanan K. Medications for increasing milk supply in mothers expressing breastmilk for their preterm hospitalised infants. Cochrane Database of Systematic Reviews 2012, Issue 3. Art. No.: CD005544. DOI:10.1002/14651858.CD005544.pub2.