Hypogonadisme lié à l'âge: quels sont les effets d'un traitement par la testostérone ?

Une série de 7 études randomisées contrôlées par placebo (TTrials) a évalué les effets d’un traitement de 12 mois par la testostérone chez des hommes âgés de 65 ans ou plus présentant un faible taux de testostérone (< 275 ng/dl). Les résultats montrent un effet modeste sur la fonction sexuelle et sur certains critères d’évaluation intermédiaires (densité osseuse, taux d’hémoglobine), mais la signification clinique de ces effets est douteuse. Il n’y avait pas d’effet bénéfique en ce qui concerne les autres facteurs d’évaluation tels que la fonction physique, la vitalité, la fonction cognitive et le risque cardio-vasculaire. Il convient en outre de tenir compte des incertitudes concernant l’augmentation possible du risque d’évènements cardio-vasculaires avec la testostérone. Il n’y a donc pas d’arguments pour recommander une supplémentation en testostérone chez des hommes âgés de plus de 65 ans avec un faible taux de testostérone.

Les taux de testostérone diminuent avec l’âge chez l’homme, et un certain nombre de symptômes et d’inconvénients survenant chez l’homme âgé tels que diminution de la fonction sexuelle, de la mobilité, de la vitalité, troubles cognitifs sont souvent attribués à l’existence d’un faible taux de testostérone. Les avantages et les risques d’une supplémentation en testostérone ne sont cependant pas clairs. 
Une série de 7 études randomisées contrôlées par placebo (Testosterone Trials ou TTrials) a évalué dans quelle mesure un traitement par la testostérone pourrait améliorer différents aspects du vieillissement chez l’homme. Ces études ont été réalisées chez des hommes âgés de 65 ans ou plus, avec un taux de testostérone < 275 ng/dl. Les patients ont reçu pendant 12 mois un placebo ou de la testostérone sous forme de gel transdermique ; la dose de testostérone était adaptée pour maintenir le taux de testostérone > 275 ng/dl. Les sept études ont été réalisées sur un total de seulement 790 hommes, et certains des paramètres ont été évalués dans des sous-groupes. L’efficacité du traitement par la testostérone a été évaluée sur la fonction sexuelle, la fonction physique, la vitalité, la fonction cognitive, la densité osseuse, l’anémie et le risque cardio-vasculaire. 

Etudes sur la fonction sexuelle, la fonction physique et la vitalité1,2 

Aucune différence statistiquement significative entre les groupes n’a été constatée en ce qui concerne la fonction physique et la vitalité. Une amélioration statistiquement significative a été constatée sur la fonction sexuelle chez les patients traités par la testostérone mais la signification clinique était peu convaincante (différence de 0,58 points sur une échelle de 0 à 12). En outre, la plupart des participants étaient obèses et hypertendus, ce qui peut contribuer à la baisse du taux de testostérone mais aussi occasionner des troubles du sommeil, une diminution de la libido et de la condition physique. Chez ces patients, il importe avant tout de prendre en charge correctement l’obésité et l’hypertension.

Etude sur la fonction cognitive3

Une étude de sous-groupe portant sur 493 des 790 patients présentant des troubles de la mémoire n’a pas montré d’amélioration de la mémoire ou d’autres fonctions cognitives chez les patients traités par la testostérone. Cette étude présente toutefois un certain nombre de limites (faible nombre de patients, variabilité des taux de base de testostérone, niveau cognitif variable des participants), et la durée de l’étude de 12 mois est certainement trop courte pour pouvoir évaluer la fonction cognitive. 

Etude sur la densité osseuse4

Une étude de sous-groupe a évalué l’effet d’un traitement par la testostérone sur la densité osseuse chez 211 des 790 patients. Les résultats montrent une augmentation de la densité minérale osseuse chez les patients traités par la testostérone, principalement au niveau des vertèbres lombaires, mais il n’est pas prouvé qu’un tel traitement diminue le risque de fracture.

Etude sur l’anémie5

Une étude de sous-groupe portant sur 126 des 790 patients présentant une anémie (hémoglobinémie < 12,7 g/dl) a évalué l’effet d’un traitement par la testostérone sur le taux d’hémoglobine. Les résultats montrent une augmentation du taux d’hémoglobine > 1 g/dl chez 54% des patients présentant une anémie de cause indéterminée (versus 15% avec placebo) et chez 52% des patients présentant une anémie de cause connue (versus 19% avec placebo). L’impact clinique de cet effet n’est cependant pas clair. 

Etude sur le risque cardio-vasculaire6

Les données disponibles jusqu’à présent en ce qui concerne les effets de la testostérone sur le risque cardio-vasculaire, sont contradictoires : des études antérieures ont montré une augmentation du risque cardio-vasculaire alors que d’autres études ont montré un effet protecteur. Dans le cadre des TTrials, une étude de sous-groupe portant sur 211 des 790 patients avec un risque élevé d’athérosclérose (obésité, hypertension, tabagisme, diabète de type 2) a montré une augmentation significative du volume de la plaque coronarienne non calcifiée mesuré par angiographie coronarienne digitalisée chez les patients traités par la testostérone, ce qui pourrait faire supposer une aggravation de l’athérosclérose et un risque accru de cardiopathie ischémique. Aucun événement cardio-vasculaire majeur n’a toutefois été rapporté, mais cette étude n’était pas conçue pour évaluer ce risque.

Commentaires du CBIP

  • Les résultats des TTrials montrent un effet limité d’une supplémentation en testostérone sur la fonction sexuelle et sur certains critères d’évaluation intermédiaires (densité osseuse et taux d’hémoglobine), mais la signification clinique de ces effets est douteuse. Il n’y avait pas d’effet bénéfique en ce qui concerne les autres facteurs d’évaluation tels que la fonction physique, la vitalité et la fonction cognitive. 

  • Les TTrials n’ont pas montré d’augmentation du risque d’évènements cardio-vasculaires chez les patients traités par la testostérone, mais une augmentation du volume de la plaque coronarienne a par ailleurs été constatée. 

  • Le faible nombre de patients et la courte durée de 12 mois de ces études ne permettent pas de tirer des conclusions définitives. Des études à plus grande échelle et de plus longue durée avec des critères d’évaluation solides sont nécessaires, certainement en ce qui concerne l’innocuité cardio-vasculaire. 

  • On ne dispose pas de données chez des hommes plus jeunes ou avec un taux de testostérone > 275 ng/dl.

  • Des études à plus grande échelle et de plus longue durée sont en cours.

Conclusion

Sur base des données disponibles, il y n’y a pas d’arguments pour recommander une supplémentation en testostérone chez des hommes âgés de plus de 65 ans, même avec un taux de testostérone < 275 ng/dl, et il convient de tenir compte des incertitudes concernant l’augmentation possible du risque cardio-vasculaire avec la testostérone. 
 

Sources spécifiques

1 P.J. Snyders, S. Bhasin, G.R. Cunningham et al. Effects of testosterone treatment in older men. N Engl J Med 2016 ; 374 : 611-24 (doi : 10.1056/NEJMoa1506119)
2 E.S. Orwoll. Establiqhing a framework- Does testosterone supplementation help older men ? N Engl J Med 2016 ; 374 : 682-3 (doi : 10.1056/NEJMe1600196)
3 S.M. Resnock, A.M. Matsumoto, A.J. Stephens-Shields et al. Testosterone treatment and cognitive function in older men with low testosterone and age-associated memory impairment. JAMA 2017 ; 317 : 717-27 (doi : 10.1001/jama.2016.21044)
4 P.J. Snyder, D.L. Kopperdahl, AJ Stephens-Shields et al. Effect of testosterone treatment on volumetric bone denisty and strenght in older men with low testosterone. JAMA Intern Med Published online February 21,2017 (doi : https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMoa1506119
5 C.N. Roy, P.J. Snyder, A.J. Stephens-Shields et al. Association of testosterone levels with anemia in older men. JAMA Intern Med Published online February 21, 2017 (doi : 10.1001/jamainternmed.2016.9540)
6 M.J. Budoff, S.S. Ellenberg, C.E. Lewis. Testosterone treatment and coronary artery plaque volume in older men with low testosterone. JAMA 2017 ; 317 : 708-716 (doi : 10.1001/jama.2016.21043)
7 E. Orwoll. Further elucidation of the potential benefits of testosterone therapy in older men. JAMA Intern Med Published online February 21, 2017 
8 D.J. Handelsman. Testosterone and male aging. JAMA 2017 ; 317 : 699-701