Voyages et Médicaments
Auto-traitement de la diarrhée du voyageur: bon usage des antibiotiques
Les recommandations du « Groupe d’étude Scientifique de Médecine du Voyage de Belgique » (dans lequel est étroitement impliqué l’Institut de Médecine Tropicale (IMT)) concernant l’usage des antibiotiques dans l’auto-traitement de la diarrhée du voyageur, ont été modifiées en 2016, dans le but de parvenir à un usage plus restrictif des antibiotiques.
Les recommandations sont les suivantes.
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Un antibiotique pour l’auto-traitement de la diarrhée du voyageur doit en principe être prescrit uniquement aux voyageurs suivants.
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Les voyageurs qui effectuent un voyage d’au moins 16 jours en Asie ou en Afrique.
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Les voyageurs du sous-continent indien, aussi lors de voyages courts.
Le sous-continent indien est la région en Asie du Sud où se situent l’Inde, le Bangladesh, le Pakistan, le Sri Lanka, ainsi que des parties du Népal, du Bhoutan, du Myanmar et de la Chine. -
Les voyageurs qui appartiennent aux groupes à risque suivants (indépendamment de la destination et de la durée du voyage):
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les voyageurs aventureux (longue durée, altitude élevée, dans la jungle);
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les patients immunodéprimés (p.ex. hémopathies malignes, traitement immunosuppresseur…);
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les patients présentant une comorbidité (p.ex. diabète, insuffisance rénale, insuffisance cardiaque);
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les enfants jusqu’à l’âge de 12 ans;
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les femmes enceintes.
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L’usage d’antibiotiques n’est recommandé que lorsqu’il s’agit de diarrhée accompagnée de symptômes d’alarme, c’est-à-dire en cas de selles liquides au moins trois fois sur 24 heures et, soit de la fièvre > 38,5°C, soit une diarrhée mucopurulente ou sanguinolente, soit de fortes crampes abdominales. Il va de soi que la compensation de la perte hydrique reste prioritaire. Le lopéramide doit être évité dans ce type de diarrhée. Si les symptômes ne sont pas améliorés dans les 48 heures, il faut faire appel à une aide médicale (plus rapidement chez les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées).
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L’antibiotique de premier choix est toujours l’azithromycine. La posologie chez l’adulte (y compris chez la femme enceinte, et ce durant toute la période de grossesse3,4) est de 1 g en une seule prise; chez l’enfant, la posologie est de 10 mg/kg une fois par jour, pendant 3 jours. L’usage de quinolones en cas d’auto-traitement de la diarrhée du voyageur est donc abandonné.
- La diarrhée du voyageur n’est pas mentionnée comme indication dans le RCP des spécialités à base d’azithromycine.
- L’abandon des quinolones s’explique entre autres par des données qui suggèrent qu’un usage préalable de quinolones rend les patients plus sensibles aux infections invasives par Salmonella (non typhi) et Campylobacter. -
Dans la diarrhée incommodante sans symptômes d’alarme (donc une diarrhée aqueuse fréquente sans fièvre notable), les antibiotiques n’ont pas de place. La principale mesure consiste à compenser la perte hydrique. Comme traitement de confort, le lopéramide peut être envisagé.
En ce qui concerne le lopéramide, la posologie conseillée par l’IMT est de 2 mg après chaque selle molle, jusqu’à maximum 8 mg par jour chez l’adulte (cette posologie est plus faible que celle mentionnée dans les RCP). Le lopéramide peut être utilisé pendant trois jours maximum. Chez les enfants, l’usage du lopéramide doit être très restrictif ; il est contre-indiqué chez les enfants de moins de 2 ans et à déconseiller chez les enfants de moins de 6 ans.
L’expérience avec le lopéramide en période de grossesse est limitée. Vu sa faible résorption, Briggs3 et Lareb5 considèrent que le risque pour le fœtus est probablement minime. Chez les femmes allaitantes, les quelques données disponibles ne révèlent pas d’effets néfastes chez le nourrisson (Briggs3, Lareb6). -
L’usage préventif d’antibiotiques est à déconseiller dans tous les cas.
Informations complémentaires.
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Etre attentif à ce que l’on boit et mange permet de limiter l’ingestion de micro-organismes pathogènes et de diminuer le risque de diarrhée sévère.
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L’IMT conseille de limiter l’usage d’IPP, ou de l’éviter si possible, en cas de voyages dans des régions tropicales. Étant donné qu’ils augmentent le pH gastrique, les IPP sont en effet associés à un risque accru d’infections gastro-intestinales [voir aussi les Folia de novembre 2016].
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L’administration préventive de probiotiques n’est pas recommandé en raison de preuves d’efficacité insuffisantes.
Sources générales
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www.medecinedesvoyages.be > Information pour experts > Consensus médecine de voyage 2016 (terme de recherche: « diarrhea »)
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www.medecinedesvoyages.be > Maladies et vaccinations > Diarrhée du voyageur > Informations générales (ou cliquer ici).
Sources spécifiques
2 International travel and antimicrobial resistance. Drug and Therapeutics Bulletin 2017;55(3):5 (doi:10.1136/dtb.2017.1.0447).
3 Briggs GG and Freeman RK. A Reference Guide To Fetal and Neonatal Risk: Drugs in Pregnancy and Lactation. 10th edition (version électronique).
4 https://www.lareb.nl/teratologie-nl/zwangerschap/#TOC_Macroliden_en
5 https://www.lareb.nl/teratologie-nl/zwangerschap/#TOC_Antidiarrhoica
6 https://www.lareb.nl/teratologie-nl/borstvoeding/#TOC_Antidiarrhoica1