Place d’un traitement inhalé chez les jeunes enfants en pratique ambulatoire. Partie 2: wheezing

Résumé
- Le wheezing (sifflement) est fréquent chez les jeunes enfants. Bien que chez certains enfants, le wheezing n’apparaît que lors d’infections virales des voies respiratoires supérieures (wheezing épisodique d’origine virale), il est chez certains enfants également provoqué par des facteurs tels que l’effort, les pleurs, la fumée de cigarettes,… (multitrigger wheezing). 
- Les bronchodilatateurs par voie inhalée sont toujours indiqués chez les enfants présentant un épisode de wheezing aigu. Un β2-mimétique à courte durée d’action (salbutamol) constitue le premier choix. En l’absence de réponse ou en cas d’apparition de signes d’alarme, une hospitalisation d’urgence s’impose.
- Une corticothérapie inhalée constitue le premier choix lorsque l’on décide d’instaurer un traitement d’entretien. Un traitement d’entretien est particulièrement indiqué chez les enfants présentant un multitrigger wheezing et chez les enfants présentant des épisodes fréquents et/ou graves de wheezing d’origine virale.  Il est important de contrôler la réponse après 2 à 3 mois. 
- L’administration du traitement inhalé par aérosol doseur + chambre d’expansion (+ masque jusqu’à l’âge de 3 ans) est nettement à privilégier par rapport à l’administration par nébulisation.

Le présent article traite de la place en pratique ambulatoire du traitement par inhalation (corticostéroïdes, bronchodilatateurs) du wheezing chez les jeunes enfants (jusqu’à 5 ans). Les autres traitements que le traitement par inhalation ne sont que brièvement abordés. 
La place du traitement par voie inhalée en pratique ambulatoire dans la bronchiolite chez les jeunes enfants a été abordée dans les Folia d’octobre 2016.
Chez les jeunes enfants, il est très important, indépendamment de l’instauration éventuelle d’un traitement médicamenteux, de créer un environnement sécurisant et de veiller, en tant que professionnel de la santé ou parent, à ne pas transférer son stress à l’enfant ce qui peut contribuer à une augmentation significative des symptômes. 

Le wheezing (sifflement) est fréquent chez les jeunes enfants, faisant souvent suite à une infection virale des voies respiratoires supérieures (appelé wheezing épisodique viral). La valeur prédictive de tels épisodes de wheezing comme présentation initiale de l’asthme est minime. En effet, chez de nombreux enfants atteints de wheezing, les symptômes disparaissent à l’âge de 8 ans. Si toutefois les épisodes de wheezing ne sont pas uniquement provoqués par des infections respiratoires virales, mais sont par exemple également provoqués par l’effort, le rire, les pleurs, ou l’exposition à la fumée de cigarettes ou à des allergènes (appelé multitrigger wheezing) et si des facteurs de risque tels qu’atopie ou antécédents familiaux d’asthme sont également présents, le risque de développer de l’asthme est plus élevé. La distinction entre le wheezing épisodique viral et le multitrigger wheezing n’est cependant pas univoque, et chez nombre d’enfants, le tableau symptomatique change avec l’âge. 

Prise en charge d’un épisode de wheezing aigu

Un épisode de wheezing aigu se caractérise par une aggravation aiguë de l’essoufflement, de la toux et du wheezing. Une crise légère peut souvent être traitée en première ligne, mais en cas de crise plus grave, une hospitalisation s’impose. Nous renvoyons au Tableau 1 concernant les signes d’alarme nécessitant une admission immédiate en service d’urgence (avec contact éventuel du numéro d’urgence 112).

  • L’inhalation répétée d’un β2-mimétique à courte durée d’action (salbutamol) fait partie de la prise en charge immédiate d’un épisode de wheezing aigu en première ligne, même dans l’attente d’une hospitalisation.

  • Les anticholinergiques à courte durée d’action, administrés par voie inhalée (ipratropium), ne constituent pas un premier choix. Il n’y a pas de données étayant leur utilisation systématique chez les enfants âgés de moins de 5 ans. L’ipratropium peut toutefois être associé chez les enfants présentant des exacerbations modérées à sévères ne répondant pas suffisamment au β2-mimétique à courte durée d’action en monothérapie.

  • Une corticothérapie orale ne doit pas être administrée systématiquement mais doit être réservée à un épisode de wheezing sévère. Dans les cas où l’on envisage une telle thérapie, une hospitalisation est en général également justifiée.

  • Les doses du traitement d’attaque, ainsi que la démarche à suivre en fonction de la réponse initiale, mentionnées dans les Folia de mars 2008, sont reprises dans les Tableaux 2 et 3.

Traitement d’entretien

La décision d’instaurer un traitement d’entretien dépend du tableau symptomatique ainsi que de la fréquence et de la gravité des épisodes de wheezing. Un traitement d’entretien doit être instauré chez les enfants présentant un multitrigger wheezing où les symptômes persistent malgré un traitement bronchodilatateur, ainsi que chez les enfants présentant fréquemment des épisodes de wheezing viral (p. ex. 3 épisodes ou plus en une saison). Chez les enfants présentant moins fréquemment des épisodes de wheezing viral mais dont les épisodes ont une évolution sévère, un traitement d’entretien peut également être indiqué. La réponse doit être évaluée après 2 à 3 mois. La nécessité de poursuivre le traitement doit aussi être réévaluée régulièrement par la suite.

  • Un corticostéroïde inhalé constitue le premier choix. Les corticostéroïdes inhalés diminuent le nombre d’épisodes de wheezing; ils n’ont pas d’impact sur l’évolution à long terme ni sur la persistance de la pathologie. Pour les doses, nous renvoyons au Tableau 4. Si l’efficacité est insuffisante après 2 à 3 mois, la dose peut être doublée, mais seulement après avoir vérifié d’autres facteurs tels que l’observance thérapeutique et le bon usage du dispositif d’inhalation. En raison des effets indésirables potentiels, il est important de choisir la dose efficace la plus faible possible. En particulier à doses élevées, il existe un risque d’inhibition de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, avec un effet potentiel sur la croissance durant la première année de traitement (probablement sans effet significatif sur la taille finale). Des effets locaux tels qu’enrouement et candidose sont rares chez les enfants de moins de 5 ans.

  • Un antagoniste des récepteurs des leucotriènes par voie orale constitue un deuxième choix: il peut être administré en monothérapie comme alternative à un corticostéroïde inhalé à faible dose, ou associé à un corticostéroïde inhalé à faible dose comme alternative au doublement de la dose de ce dernier. [N.d.l.r.: en Belgique, seul le montélukast, à une dose de 4 mg par jour, a été approuvé pour l’utilisation chez les jeunes enfants.]

  • En ce qui concerne les β2-mimétiques à longue durée d’action, leur profil d’efficacité et d’innocuité n’est pas suffisamment étayé chez les enfants âgés de 5 ans ou moins que pour pouvoir les recommander.  

Administration du traitement inhalé

L’administration du traitement inhalé par aérosol doseur + chambre d’expansion (syn. spacer) (+ masque autour de la bouche et du nez jusqu’à l’âge de 3 ans) est nettement à privilégier par rapport à l’administration par nébulisation. La déposition pulmonaire est plus faible en cas d’administration par nébulisation (environ 10 %) qu’en cas d’administration par aérosol doseur (10 à 40 %). Chez les enfants présentant un wheezing aigu ou un asthme aigu, des données prouvent que l’administration de bronchodilatateurs par aérosol doseur avec chambre d’expansion est plus efficace, en termes de risque d’hospitalisation, que l’administration par nébulisation. L’administration par nébulisation doit être réservée aux enfants qui sont trop malades pour l’application de l’aérosol doseur ou incapables d’apprendre à l’utiliser correctement. 

Tableau 1. Critères qui semblent indiquer une crise de wheezing sévère et pour lesquels la décision de procéder à une hospitalisation sera souvent prise (D’après: Folia de mars 2008)

  • Dyspnée au repos qui empêche de prononcer une phrase facilement.

  • Fréquence cardiaque  > 130/minute (enfants de 2 à 5 ans). (Attention: en cas d’asthme mettant la vie en danger, une bradycardie peut survenir !)

  • Fréquence de respiration > 50/minute (enfants de 2 à 5 ans). (Attention: en cas d’asthme mettant la vie en danger, une insuffisance respiratoire peut survenir, avec diminution de la fréquence respiratoire !)

  • Utilisation de muscles respiratoires accessoires.

  • PEF < 50% de la valeur escomptée ou de la meilleure valeur personnelle.

  • Saturation en oxygène < 92%.

Les signes d’alarme suivants indiquent un épuisement et constituent des indications nécessitant une admission immédiate en service d’urgence.

  • Apparition de stupeur ou de confusion.

  • Baisse de la fréquence du pouls.

  • Baisse de la fréquence respiratoire.

  • Diminution ou absence du murmure vésiculaire inspiratoire.

  • Cyanose.

  • Disparition du wheezing.


Tableau 2. Traitement d’attaque chez l’enfant atteint de wheezing (source: Folia de mars 2008)

  • β2-mimétique à courte durée d’action: salbutamol

    • via aérosol doseur avec chambre d’expansion: 200 à 400 μg toutes les 10 à 20 minutes pendant la première heure (avec un maximum de 800 μg);

    • via un nébuliseur (solution de 5 mg/ml): toutes les 3 heures 2,5 mg chez les enfants de moins de 4 ans, 5 mg chez les enfants de plus de 4 ans.

  • Anticholinergique à courte durée d’action: bromure d’ipratropium (toujours en association avec un β2-mimétique)

    • 20 µg toutes les 10 à 20 minutes pendant la première heure.

  • Corticostéroïde: méthylprednisolone  

    • par jour, 1 à 2 mg/kg de poids corporel (max. 32 mg) per os ou i.m., pendant 5 jours, mais un traitement pendant 1 à 3 jours suffit généralement.


Tableau 3. Démarche à suivre chez l’enfant atteint de wheezing (source: Folia de mars 2008)

  • En cas de réponse favorable (normalisation de la fréquence cardiaque, respiration plus calme) 

    • Poursuivre le salbutamol toutes les 1 à 4 heures (en fonction de l’évolution): 200 μg (à l’aide d’une chambre d’expansion).

    • Réévaluation après 12 à 24 heures.

  • En cas de réponse insuffisante: hospitalisation immédiate.


Tableau 4. Posologie des corticostéroïdes inhalés chez les jeunes enfants (jusqu’à 5 ans compris) (Source: GINA, mise à jour 2016)*

Béclométasone diproprionate  (HFA**)

100 µg par jour en 2 administrations 

[N.d.l.r.: Qvar® aérosol doseur peut, selon le RCP, être utilisé seulement à partir de 5 ans, mais selon les experts il peut être utilisé chez de jeunes enfants, combiné à une chambre d’expansion.] 

Budésonide (nébulisation)

500 µg par jour en 2 administrations 

Fluticasone propionate (HFA**)

100 µg par jour en 2 administrations  

[N.d.l.r.: l’utilisation du Flixotide® aérosol doseur est recommandée dans le RCP avec chambre à expansion et masque facial comme le  Babyhaler. Des experts font remarquer que l’Aerochamber ou le Vortex peuvent également être utilisés]

* GINA mentionne que les doses mentionnées ne sont pas nécessairement équivalentes d’un point de vue clinique; les doses mentionnées sont celles qui n’ont pas mené à des effets indésirables importants d’un point de vue clinique dans les études cliniques.
** HFA: propulseur hydrofluoroalkane

Références importantes

GINA report mai 2015: via www.ginasthma.org > Gina Reports

BMJ 2014;348:g15 (doi: 10.1136/bmj.g15)

European Respiratory Journal 2014;43:1172–1177 (doi: 10.1183/09031936.00199913)