L’état de somnambulisme peut être associé à divers comportements anormaux parmi lesquels des troubles alimentaires. Il s’agit alors de l’ingestion d’aliments ou de substances non comestibles ou même toxiques pendant le sommeil. Au réveil, la personne n’a généralement pas le souvenir de ce qui s’est passé pendant la nuit. Ces comportements peuvent entraîner des blessures ou accidents lors de la recherche de nourriture ou lors de la cuisson d’aliments, et des intoxications, et peuvent mener à une prise de poids si ce comportement se répète. Ces troubles alimentaires en état de somnambulisme sont à distinguer de l’hyperphagie nocturne correspondant à la prise régulière de nourriture pendant la nuit mais en état d’éveil.

La Revue Prescire1 a récemment publié un article concernant les résultats d’une recherche des cas de troubles alimentaires en état de somnambulisme figurant dans la base de données de pharmacovigilance de l’OMS (Vigibase ; qui contient les notifications de tous les centres de pharmacovigilance dans le monde), effectuée par le Centre régional de pharmacovigilance de Nice et portant sur la période 1967-20212. On a recensé 676 cas, dont environ la moitié (n=343) ont été jugés graves, le plus souvent en raison de traumatismes lors des épisodes de somnambulisme. Les cas concernaient surtout des femmes (61,4%) et, dans la moitié des cas, les troubles sont survenus dans les deux mois suivant le début du traitement.

Les médicaments les plus souvent impliqués étaient les suivants.

  • Z-drugs (et dans une mesure beaucoup moins importante les benzodiazépines): surtout le zolpidem (environ un tiers des notifications, n=243 ; voir aussi Folia décembre 2019) ; la zopiclone : n=16. Le nombre de cas rapportés avec les benzodiazépines (clonazépam, alprazolam, témazépam) était faible.

  • Oxybate (médicament de la narcolepsie), impliqué dans plus d’un quart des cas (n=185)

  • Antipsychotiques atypiques (n=141), surtout la quétiapine (n=97), mais aussi aripiprazole (n=24) et olanzapine (n=11)

  • Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline : duloxétine (n=18) et venlafaxine (n=14)

  • Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine : escitalopram (n=9), sertraline (n=8), fluoxétine (n=5) et vortioxétine (n=4)

  • Trazodone (n=14)

  • Méthylphénidate (n=5)

Vu que les données ci-dessus sont basées sur des notifications spontanées, elles doivent être interprétées avec prudence et ne permettent pas de quantifier le risque pour chacun des médicaments incriminés. Ces données ne permettent pas non plus de considérer que le risque n’existe pas avec d’autres benzodiazépines, antipsychotiques ou antidépresseurs que ceux retrouvés dans la base de données.

Quelques commentaires

  • Les comportements anormaux pendant le sommeil (« complex sleep behaviours »), tels que le somnambulisme, sont un effet indésirable connu des Z-drugs, la plupart des cas rapportés impliquant le zolpidem [voir aussi Folia décembre 2019]. Dans le RCP des spécialités à base de zolpidem, plusieurs avertissements sont formulés : (1) le produit est contre-indiqué chez les personnes ayant présenté un comportement du sommeil inhabituel lors d’un traitement antérieur au zolpidem, (2) le traitement au zolpidem doit être immédiatement arrêté si le patient développe des comportements du sommeil inhabituels, (3) le risque de comportements anormaux pendant le sommeil est majoré lorsque le zolpidem est pris simultanément avec de l’alcool ou d’autres médicaments dépresseurs du système nerveux central, et lorsqu’il est utilisé à des doses supérieures à la dose maximale recommandée.

  • La survenue de comportements anormaux pendant le sommeil (tels que le somnambulisme alimentaire abordé dans le présent article) au cours d’un traitement par psychotropes est un effet indésirable rare, mais dont les conséquences peuvent être graves. Lorsque vous constatez un comportement anormal pendant le sommeil, il est conseillé d’envisager le rôle du médicament. Ceci est d’autant plus important que ce risque ne figure dans le RCP que de quelques-uns des médicaments cités dans cet article (zolpidem, oxybate, quétiapine).

Sources

Somnambulismes d’origine médicamenteuse et troubles alimentaires pendant le sommeil. La Revue Prescrire 2023;43:194-195
Merino D et al. Medications as a trigger of sleep-related eating disorder: a disproportionate analysis. J Clin Med 2022; 11:3890 (doi: 10.3390/jcm11133890)