Introduction
L’urticaire chronique est définie comme une affection de la peau caractérisée par la présence de plaques prurigineuses et/ou d’œdème, depuis plus de 6 semaines.
L’urticaire chronique est qualifiée de spontanée si les symptômes apparaissent sans déclencheur spécifique connu, et peut se présenter sous forme d’un épisode unique ou d’épisodes répétés. Ce type d’urticaire touche environ 1% de la population mondiale, et plus fréquemment les femmes âgées de 30 à 50 ans.1
L’objectif du traitement est d’obtenir un contrôle complet de la maladie avec l’absence de signes et de symptômes.
Traitement non-médicamenteux
La première étape consiste à éviter les facteurs déclenchants tels que le stress, l’alcool, les opioïdes, l’acide acétylsalicylique et les autres anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS). Le stress peut jouer un rôle important dans l’urticaire chronique, bien que le mécanisme ne soit pas clair. Il est important d’informer et d’éduquer les patients quant à la gestion de leur stress afin d’obtenir un meilleur contrôle des symptômes.2
Traitement médicamenteux
Première ligne
Antihistaminiques peu sédatifs
Les antihistaminiques H1 peu sédatifs (antihistaminiques de seconde génération) sont une première option dans la prise en charge de l’urticaire chronique spontanée. Le choix de l’antihistaminique doit être fait de manière individuelle, en fonction de l’efficacité, du prix et des effets indésirables ressentis par le patient. En effet, il n’est pas possible de différencier les antihistaminiques de seconde génération entre eux en termes d’efficacité et d’effets indésirables (voir 12.4.1.1. Antihistaminiques peu sédatifs).2, 4
Le traitement initial se fait à posologie usuelle (voir rubrique Posologie dans le Répertoire). Si la posologie usuelle ne permet pas de contrôler les symptômes (après 2 à 4 semaines ou en cas de symptômes insupportables), la dose peut d’abord être doublée.4,8 Selon certaines sources, elle peut ensuite être augmentée jusqu’à 4 fois la posologie usuelle (usage off-label).3,5 Les effets indésirables (sédation) seront plus fréquents et doivent être discutés avec le patient . 3, 4
Antihistaminiques sédatifs : mauvais profil de sécurité
Les antihistaminiques sédatifs (antihistaminiques de première génération) ne sont pas plus efficaces que les antihistaminique peu sédatifs et sont associés à une sédation et à des effets indésirables anticholinergiques beaucoup plus marqués.4 Les antihistaminiques peu sédatifs ont donc un meilleur profil de sécurité que les antihistaminiques sédatifs dans l’urticaire chronique. Malgré leur efficacité, leur utilisation est donc limitée par leurs effets indésirables, en particulier la sédation et les effets anticholinergiques (voir 12.4.1.2. Antihistaminiques sédatifs).2
Corticoïdes systémiques : uniquement pour une courte durée en cas d’exacerbations
Les corticoïdes systémiques sont parfois nécessaires chez certains patients afin de contrôler les symptômes d’une exacerbation, pendant un maximum de 10 jours.1,4 Les corticoïdes systémiques ne sont pas utilisés sur le long terme en raison de leurs effets indésirables pouvant être graves lors d’une utilisation prolongée (hypertension, diabète, ostéoporose, …) (voir 5.4. Corticostéroïdes).
Note : les corticoïdes topiques ne sont pas efficaces dans le traitement de l’urticaire chronique spontanée.2, 3, 4
Montélukast : absence de preuve d’efficacité
Le montélukast est parfois utilisé, off-label, en association à un antihistaminique à la dose maximale. Cependant, les données concernant les antagonistes des récepteurs aux leucotriènes ne permettent pas de donner un avis quant à sa place dans la prise en charge de l’urticaire chronique.3
Seconde ligne et nouvelles options
Omalizumab
En cas d’échec du traitement antihistaminique à haute dose, l’omalizumab à la dose de 300 mg chaque 4 semaines (s.c.) peut être utilisé comme traitement adjuvant chez les patients de plus de 12 ans. Il s’agit d’un anticorps monoclonal humanisé biosynthétique anti-IgE: il entraîne une diminution de la concentration en IgE libres (voir 12.4.3. Anticorps monoclonaux dirigés contre les Ig-E).
L’omalizumab a permis d’améliorer l’urticaire chronique spontané dans différentes études, par rapport à un placebo, chez des patients réfractaires aux antihistaminiques. 1
- Dans une revue systématique et méta-analyse qui a inclus 23 études randomisées contrôlées et 2 480 participants, l’omalizumab s’est révélé plus efficace que le placebo pour diminuer les symptômes de l’urticaire (DMS : −0.77; IC 95% : −0.91 à −0.63) et pour améliorer la qualité de vie (DMS : −0.53; IC 95% : −0.67 à −0.39).
- Dans une méta-analyse qui a inclus 7 études randomisées et 1312 patients, une réponse complète (Urticaria Activity Score = 0) a été obtenue par plus de patients traités par l’omalizumab par rapport à ceux qui recevaient le placebo (36,0% vs 5,6% respectivement, p<0.001).
- Dans une méta-analyse qui a inclus 45 études observationnelles et 1158 patients, les taux moyens de réponse complète et partielle étaient respectivement de 72,2% et 17,8%.
- L’omalizumab est considéré comme sûr lors d’une utilisation à long terme. Toutefois, environ 4,0% des patients ont présenté des effets indésirables tels que des maux de tête, de la fatigue et des réactions au point d’injection.1
- Coût pour 1 seringue de 150 mg/1ml : 235,52 € remboursé en catégorie (voir conditions et remboursement).
Ciclosporine : usage off-label
La ciclosporine prévient la libération d’histamine par les mastocytes. Elle est utilisée par voie orale comme traitement adjuvant, off-label, chez les patients qui ne répondent pas au traitement avec des hautes doses d’antihistaminiques ou l’omalizumab.
Son utilisation est limitée par ses effets indésirables dose-dépendants (voir 12.3.1.4.1. Ciclosporine).2, 3
Dupilumab : pas encore autorisé dans cette indication
Il existe quelques études concernant le dupilumab (un inhibiteur des interleukines IL-4/IL-13) dans l’urticaire chronique spontanée; il s’agit pour le moment d’un usage off-label en Europe (voir 12.3.2.2.2. Inhibiteurs de l’IL-4/IL-13).
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Le dupilumab améliore le score de démangeaison et le score d’activité de l’urticaire chez les patients atteints d’urticaire chronique spontanée qui n’ont pas reçu d’omalizumab.
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Chez les patients qui ont eu une réponse incomplète ou qui sont intolérants à l’omalizumab, le dupilumab n’a ni amélioré le score de démangeaison, ni le score d’activité de l’urticaire.
Dans une étude clinique randomisée portant sur 138 patients souffrant d’urticaire chronique spontanée réfractaire aux antihistaminiques, le dupilumab s’est révélé plus efficace que le placebo à 24 semaines, avec une réduction de 5 points ou plus de la sévérité des démangeaisons hebdomadaires (minimum cliniquement important) de 72,9% vs 42,6% respectivement (p=0.001).
Dans cette même étude, le dupilumab n’a pas amélioré le score de démangeaison ou le score d’activité de l’urticaire chez les patients atteints d’urticaire chronique spontanée qui ont eu une réponse incomplète à l’omalizumab ou qui n’ont pas toléré l’omalizumab.1
Le dupilumab expose à des effets indésirables fréquents et parfois très graves (voir 12.3.2.2.2. Inhibiteurs de l’IL4-/IL-13).
Grossesse et allaitement
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Les antihistaminiques de seconde génération peuvent être utilisés chez la femme enceinte ou allaitante à la posologie usuelle.3, 4, 6, 7
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Pendant la grossesse, la loratadine et la cétirizine sont les plus sûres. Les antihistaminiques H1 sédatifs sont déconseillés en fin de grossesse car ils peuvent entraîner une sédation et une dépression respiratoire chez le nouveau-né.
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Durant la période d’allaitement, la loratadine et la cétirizine sont probablement les plus sûres. Les antihistaminiques sédatifs ne sont pas recommandés pendant l’allaitement en raison du risque de sédation chez le nourrisson.
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Les données concernant l’utilisation du montélukast pendant la grossesse et l’allaitement sont rassurantes.6, 7
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Il n’est pas possible de se prononcer sur la sécurité de l’omalizumab et du dupilumab pendant la grossesse et l’allaitement.6
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En cas d’administration de la ciclosporine durant la grossesse, il faut l’utiliser avec prudence car elle est associée à un risque accru d’infection chez le nouveau-né. Son utilisation pendant l’allaitement peut avoir des effets néfastes chez l’enfant.6, 7
Enfants
Chez les enfants, les antihistaminiques peu sédatifs peuvent être utilisés à la posologie usuelle. En cas de réponse insuffisante, le passage à un autre antihistaminique « non sédatifs » peut être utile.
En cas d’effet insuffisant des antihistaminiques peu sédatifs à posologie usuelle, il est préférable d’adresser l’enfant à un spécialiste.4
Sources
1 Kolkhir P, Bonnekoh H et al. Chronic Spontaneous Urticaria. A Review. JAMA 2024;332:1464-77 (doi: 10.1001/jama.2024.15568)
2 BMJ Best Practice, Urticaria and angio-oedema, consulté le 20/01/25.
3 DynaMed, Chronic Urticaria>Management, consulté le 20/01/25.
4 NHG-Behandelrichtlijn. Urticaria en angio-oedeem, gepubliceerd: oktober 2019 (laatste aanpassing juni 2024). Consulté le 20/01/25.
5 Federatie Medisch Specialisten, Chronische spontane urticaria, beoordeeld 03/12/2015.
6 Bijwerkingencentrum Lareb, consulté le 10/02/2025.
7 Le Centre de Référence sur les Agents Tératogènes, Le CRAT, consulté le 10/02/2025.
8 NICE, Chronic urticaria: off-label doses of cetirizine, Published 08 July 2014.