Pour l’autorisation de mise sur le marché d’un nouveau médicament, l’Agence européenne des médicaments (EMA) n’exige pas de démontrer une valeur thérapeutique ajoutée par rapport aux traitements existants, mais seulement un rapport bénéfice/risque favorable. Peu après l’autorisation européenne, les autorités nationales tentent de déterminer la « valeur thérapeutique » du médicament, c’est-à-dire la valeur ajoutée par rapport aux traitements existants, en vue de négocier le prix avec les firmes pharmaceutiques et de fixer le remboursement.

Un article récent publié dans le BMJ a évalué la « valeur thérapeutique » des médicaments approuvés par l’EMA entre 2011 et 20201. La « valeur thérapeutique » de la première indication approuvée a été comparée avec celle des indications revendiquées ultérieurement. Les chercheurs ont distingué les indications à forte valeur thérapeutique et celles qui ne l’étaient pas, en s’appuyant sur les évaluations menées par des agences françaises et allemandes.

  • Pour la première indication approuvée, seuls 47% des médicaments ont une « forte valeur thérapeutique ».

  • Pour les indications approuvées ultérieurement, ce chiffre descend à 36% des médicaments.

  • En limitant l’analyse aux trois premières indications approuvées, on a constaté que la probabilité d’être « à forte valeur thérapeutique » diminuait de manière significative avec le temps. Par rapport à la première indication, la probabilité d’être « à forte valeur thérapeutique » diminuait de 37% pour la deuxième indication et de 52% pour la troisième indication.

Commentaires du CBIP

  • Il n’est plus inhabituel de voir un médicament approuvé ultérieurement pour d’autres indications, en particulier dans le domaine de l’oncologie (par exemple, les inhibiteurs de points de contrôle immunitaires). Ce phénomène ne fera qu’augmenter dans l’avenir. Il s’agit souvent de médicaments très coûteux. L’étude du BMJ montre que pour ces nouvelles indications, le médicament a souvent une valeur ajoutée plus limitée que pour l’indication initiale.

  • À l’heure actuelle, chaque médicament a un prix unique, quelle que soit l’indication. Pour obtenir un prix élevé pour un médicament, il est tentant pour l’industrie pharmaceutique de se concentrer d’abord sur une indication à forte valeur ajoutée et de négocier un prix. Ensuite, l’indication du médicament peut être élargie tout en gardant le même prix, malgré une valeur thérapeutique ajoutée plus faible. De nouveaux modèles de fixation des prix et de remboursement sont nécessaires, selon lesquels le prix du médicament serait corrélé à sa valeur thérapeutique ajoutée.

  • Un modèle de fixation des prix plus transparent pourrait également être utile aux modalités de remboursement. On observe aujourd’hui de grandes différences dans le remboursement des médicaments anticancéreux par exemple, entre pays similaires2. Lors des décisions de remboursement, la priorité devrait être accordée aux médicaments à forte valeur thérapeutique.

  • Pour les nouveaux médicaments, la valeur thérapeutique ajoutée de chacune des indications devrait être clairement communiquée aux patients et aux médecins pour leur permettre de prendre des décisions thérapeutiques éclairées et optimales.

Sources

Vokinger KN, Glaus CEG, Kesselheim AS, et al. Therapeutic value of first versus supplemental indications of drugs in US and Europe (2011-20): retrospective cohort study. BMJ. 2023 Jul 5;382:e074166. doi: 10.1136/bmj-2022-074166.
Jenei K, Raymakers AJN, Bayle A, et al. Health technology assessment for cancer medicines across the G7 countries and Oceania: an international, cross-sectional study. Lancet Oncol. 2023 Jun;24(6):624-635. doi: 10.1016/S1470-2045(23)00175-4.