Message clé

  • Une vaste étude de cohorte rétrospective ne constate aucune augmentation du risque de malformations congénitales graves en cas d’exposition à des antidiabétiques en période périconceptionnelle, par rapport à l’insuline1,2.

  • Le CBIP maintient sa position actuelle, conformément aux guidelines (voir Répertoire 5.1. Diabète), à savoir que les femmes diabétiques de type 2 doivent passer à l’insuline avant la conception. Mais cette étude fournit des données rassurantes pour les femmes accidentellement exposées à d’autres antidiabétiques que l’insuline en début de grossesse, et pour les femmes sous metformine en raison d’un syndrome des ovaires polykystiques.

  • L’étude confirme aussi que, indépendamment de la prise de médicaments, la prévalence des malformations congénitales graves était plus élevée chez les femmes qui souffraient déjà d’un diabète de type 2 avant leur grossesse, par rapport à la population générale (5,3% contre 3,7%).

En quoi cette étude est-elle importante ?

  • L’incidence du diabète de type 2 est en forte augmentation dans les populations plus jeunes. Aux États-Unis, 35% des nouveaux diagnostics de diabète sont posés chez des femmes en âge de procréer. Cela signifie que 1 à 2% des femmes qui tombent enceintes aux États-Unis sont atteintes de diabète de type 2.

  • Une glycémie mal contrôlée pendant la grossesse entraîne un risque accru de prééclampsie, de macrosomie, d’accouchement prématuré, ainsi qu’un risque accru de malformations congénitales. Un bon équilibre glycémique avant la grossesse est donc absolument essentiel.

  • Selon les guidelines actuels, les femmes atteintes de diabète de type 2 devraient idéalement passer à l’insuline avant la conception. Il est donc essentiel de planifier la grossesse chez les femmes atteintes de diabète de type 2. Une grossesse imprévue étant toutefois toujours possible, il est important de pouvoir mieux cerner le profil de sécurité des antidiabétiques non insuliniques au cours du premier trimestre de la grossesse1.

  • L’insuline bénéficie d’un long recul d’utilisation pendant la grossesse. L’insuline est le seul antidiabétique à ne pas traverser la barrière placentaire. Il n’y a pas de signal de malformations congénitales ou d’autres effets indésirables chez l’enfant selon le Lareb3.

  • La metformine a déjà été largement utilisée au cours du premier trimestre de la grossesse, sans aucun signal de risque accru de malformations congénitales ou d’autres effets indésirables sur la grossesse (à court terme). Ces données sont disponibles parce que la metformine est parfois proposée comme traitement du syndrome des ovaires polykystiques5,6.

  • On sait peu de choses toutefois sur les risques liés aux autres antidiabétiques non insuliniques en cas d’utilisation au cours du premier trimestre d’une grossesse non planifiée, ou au-delà. L’étude abordée dans cet article vise à répondre à cette question1.

Conception de l’étude

  • Il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective ayant évalué trois grands groupes de femmes : une cohorte nationale des pays norvégiens (2009-2020), une des États-Unis (2011-2021) et une d’Israël (environ 25% de la population israélienne étant représentée).

  • La population étudiée était composée de femmes auxquelles un antidiabétique (insuline, metformine, sulfamidés hypoglycémiants, inhibiteurs de la DPP-4, analogues du GLP-1 ou gliflozines) avait été prescrit dans les 90 jours précédant la date des dernières menstruations, à utiliser jusqu’à la fin du premier trimestre.

  • Le critère d’évaluation primaire était la prévalence de toute malformation congénitale grave et anomalie cardiaque grave.

  • Plusieurs facteurs de confusion ont été décrits, notamment l’âge, l’obésité, l’hypertension, les maladies cardiovasculaires, les complications dues au diabète, le syndrome des ovaires polykystiques et les autres médicaments prescrits (tels que des antihypertenseurs et des hypolipidémiants), mais l’obésité est le seul facteur dont l’effet ait été corrigé.

Résultats en bref

  • Sur un total de 3 514 865 grossesses, 51 826 (1,5%) présentaient un diabète de type 2 pré-gestationnel. Parmi celles-ci, 15 148 (29,9%) ont été traitées par antidiabétiques en période périconceptionnelle : 50% par metformine en monothérapie, 34% par insuline, 9% par sulfamidés hypoglycémiants  4,5% par inhibiteurs de la DPP-4, 6,2% par analogues du GLP-1 et 2,2% par gliflozines.

  • Il y avait 132 283 enfants atteints de malformations congénitales majeures dans la cohorte complète (3,8%) et 2 584 enfants atteints de malformations congénitales majeures chez les femmes atteintes de diabète de type 2 pré-gestationnel (5,3%).

    La prévalence des malformations congénitales majeures était plus faible chez les enfants de mères atteintes de diabète de type 2 préexistant qui n’avaient pas été exposés en période périconceptionnelle à des antidiabétiques (4,77%) ou à la metformine seule (5,32%), par rapport à ceux qui avaient été exposés à l’insuline (7,83%), aux sulfamidés hypoglycémiants (9,71%), aux inhibiteurs de la DPP-4 (6,14%), aux analogues du GLP-1 (8,23%) ou aux inhibiteurs du SGLT-2 (7,04%).
    En ce qui concerne les anomalies cardiaques, la prévalence était également plus élevée chez les enfants de mères atteintes de diabète de type 2 (2,25% contre 1,31% dans l’ensemble de la cohorte). La prévalence des anomalies cardiaques était plus faible chez les enfants n’ayant pas été exposés en période périconceptionnelle à des antidiabétiques (2,3%) ou à la metformine (2,04%), par rapport à ceux qui avaient été exposés à l’insuline (4,2%), aux sulfamidés hypoglycémiants (4,85%), aux inhibiteurs de la DPP-4 (3,26%), aux analogues du GLP-1 (3,22%) et aux gliflozines (3,88%).
  • Par rapport aux enfants exposés à l’insuline pendant la période périconceptionnelle, le risque relatif de malformations congénitales majeures était similaire en cas d’exposition à d’autres antidiabétiques tels que les sulfamidés hypoglycémiants, les inhibiteurs de la DPP-4, les analogues du GLP-1 ou les gliflozines. Les résultats concernant les anomalies cardiaques étaient similaires. (voir +Plus d’infos pour les chiffres).

    En cas d’exposition aux

    • sulfamidés hypoglycémiants : risque relatif de 1,18 (IC à 95% de 0,94 à 1,48)
    • inhibiteurs de la DPP-4 : RR de 0,83 (IC à 95% de 0,64 à 1,06)
    • analogues du GLP-1 : RR de 0,95 (IC à 95% de 0,72 à 1,26)
    • gliflozines : RR de 0,98 (IC à 95% de 0,65 à 1,46).

Limites de l’étude

  • Il s’agit ici d’une étude observationnelle, qui ne permet donc pas de démontrer une relation causale.

  • L’étude est basée sur des prescriptions, ce qui signifie qu’il n’y a pas de certitude absolue que les médicaments prescrits ont effectivement été pris. L’exposition réelle au médicament peut donc varier.

  • Une autre limite de cette étude est qu’elle ne tient pas compte des différences qu’il peut y avoir au niveau des profils de risque : par exemple, les femmes à qui l’on a prescrit des analogues du GLP-1 avaient tendance à avoir un profil de risque plus élevé, avec des glycémies plus élevées et un IMC plus élevé, par rapport aux femmes traitées uniquement avec de la metformine.

  • L’analyse de cette étude n’a pas tenu compte du taux d’HbA1c (et donc du degré de sévérité du diabète), et n’a pas corrigé l’effet des comorbidités, à l’exception de l’obésité.

  • L’étude ayant seulement examiné les naissances vivantes, elle ne permet pas de connaître la prévalence des fausses couches au sein de la population étudiée.

  • La taille de la population étudiée avec exposition périconceptionnelle aux antidiabétiques était limitée à seulement 15 148 grossesses, ce qui a été considéré par les auteurs comme relativement faible et probablement trop faible pour évaluer correctement l’effet dans tous les sous-groupes étudiés. Cela limite la puissance statistique et donc la possibilité d’en tirer des conclusions significatives sur les malformations congénitales graves.

  • L’étude a seulement évalué l’impact en termes de malformations congénitales, sans examiner les autres effets possibles sur la grossesse.

Commentaires du CBIP

  • Cette étude observationnelle ne montre pas une augmentation supplémentaire, chez les femmes souffrant de diabète de type 2, du risque de malformations congénitales lors de l’utilisation d’antidiabétiques non insuliniques avant la conception et pendant le premier trimestre de la grossesse.

  • Ces données montrent surtout que l’utilisation occasionnelle d’antidiabétiques non insuliniques pendant la grossesse n’augmente probablement pas le risque de malformations congénitales. Le Lareb souligne que cette étude ne permet pas de combler le manque de données concernant la sécurité d’emploi des analogues du GLP-1, des inhibiteurs de la DPP4 et des gliflozines en période périconceptionnelle, et qu’il est donc préférable de les arrêter en cas de grossesse planifiée ou de grossesse confirmée1,4,7-9.

  • Le message selon lequel l’insuline est le traitement standard du diabète pendant la grossesse reste d’actualité. Un contrôle glycémique inadéquat pendant la période périconceptionnelle peut avoir des conséquences négatives pour la mère et pour l’enfant. Il faut donc suivre de près les femmes qui envisagent une grossesse, afin d’assurer un contrôle optimal de leur glycémie avant la conception (voir Folia de décembre 2020).

Sources

Cesta CE, Rotem R, Bateman BT, Chodick G, Cohen JM, Furu K, Gissler M, Huybrechts KF, Kjerpeseth LJ, Leinonen MK, Pazzagli L, Zoega H, Seely EW, Patorno E, Hernández-Díaz S. Safety of GLP-1 Receptor Agonists and Other Second-Line Antidiabetics in Early Pregnancy. JAMA Intern Med. 2024 Feb 1;184(2):144-152. doi: 10.1001/jamainternmed.2023.6663. PMID: 38079178; PMCID: PMC10714281.
Ghaffari N. Promising Safety Profile of Noninsulin Medications for Type 2 Diabetes in Early Pregnancy. JAMA Intern Med. 2024 Feb 1;184(2):152-153. doi: 10.1001/jamainternmed.2023.8422. PMID: 38315209.
3 Lareb. Insulines bij diabetes tijdens de zwangerschap. Dernière consulation le 26 mars 2024. Site web du Lareb.
4 Briggs GG & Freeman RK. A reference guide to fetal and neonatal risk: drugs in pregnancy and lactation (11e édition, en ligne), dernière consulation le 26 mars 2023.
5 Lareb. Metformine en diverse andere bloedsuikerverlagende middelen tijdens de zwangerschap. Dernière consulation le 26 mars 2024. Site Web du Lareb.

6 Le Crat. Metformine-Grossesse. Dernière consulation le 26 mars 2023. Site web du Crat.
7 Lareb. Semaglutide, liraglutide en andere GLP-1 agonisten tijdens de zwangerschp. Dernière consulation le 26 mars 2024. Site web du Lareb
8 Lareb. DPP4 remmers bij-diabetes tijdens de zwangerschap. Dernière consulation le 26 mars 2024. Site web du Lareb
9 Lareb. SGLT-2 remmers bij diabetes tijdens de zwangerschap. Dernière consulation le 26 mars 2024. Site web du Lareb.