Comme il le fait chaque année, l’INAMI a récemment publié les dépenses réalisées pour les médicaments dans le secteur ambulatoire.1 Il s’agit du top 25 des principes actifs dans les dépenses de l’INAMI en 2018 pour les médicaments remboursés délivrés par les officines publiques. Les dépenses de l’INAMI pour les médicaments du top 25 s’élèvent au total à environ 940.500.000 euros. Le top 25 représente 35% du montant total des dépenses pour les médicaments remboursés délivrés par les officines publiques. Outre ces 25 principes actifs, il existe 724 autres principes actifs remboursés dans le secteur ambulatoire. Les dépenses sont classées par principe actif.

Quelques commentaires sur cette liste

  • D’une part, cette liste contient des médicaments coûteux utilisés par un nombre limité de patients tels que (1) les inhibiteurs du TNF adalimumab (1er rang dans le top 25), étanercept et golimumab, et les antagonistes des interleukines sécukinumab et ustékinumab pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et d’autres maladies immunitaires, (2) des facteurs de coagulation pour les patients hémophiles, (3) le fumarate de diméthyle pour le traitement de la sclérose en plaques, et (4) un certain nombre de combinaisons d’inhibiteurs du VIH.

  • D’autre part, la liste contient des médicaments moins coûteux qui sont utilisés par un nombre bien plus grand de patients. Parmi ces médicaments, on compte quelques “vieux habitués” du top 25.

    • Les IPP pantoprazole (3e rang dans le top 25) et oméprazole représentent ensemble environ 2.000.000 d’utilisateurs. Les données ne permettent pas de déterminer s’il s’agit de traitements de courte durée ou de traitements chroniques. Pour le total de ces deux IPP, on observe peu de changements au cours des 4 dernières années (les top 25 de 2015 à 2018), que ce soit en termes du nombre d’utilisateurs, du nombre de DDD (Defined Daily Doses ou doses moyennes journalières) ou du montant pour l’INAMI. En 2017, l’INAMI a décidé de ne plus rembourser les grands conditionnements d’IPP à dose élevée pour le traitement symptomatique des pathologies gastro-duodénales classiques (ulcères et reflux) (voir à ce sujet les Folia de juillet 2017). Cette mesure ne semble pas avoir eu un impact significatif en 2018, et on constate même une légère augmentation en 2018, par rapport à 2017, du nombre d’utilisateurs, des dépenses et du nombre de DDD (pour l’oméprazole et le pantoprazole considérés ensemble). Pour info : le e-learning du CBIP « Utilisation prolongée d’IPP » aide à déterminer pour quels patients il est préférable d’arrêter leur traitement par IPP, à effectuer un rapport bénéfice/risque de l’utilisation prolongée d’IPP, à établir un schéma d’arrêt progressif sur mesure du patient, à guider le patient dans son arrêt progressif et à suggérer des alternatives si un arrêt complet a échoué. Un “schéma de sevrage” (destiné aux médecins) et une “Fiche pour le patient” peuvent être téléchargés. L’INAMI a publié récemment, en collaboration avec Test-Achats, un dépliant et une brochure pour patients sur le bon usage des IPP dans le traitement des maux d’estomac.

      Le contenu du dépliant et de la brochure s’appuie sur les conclusions de la réunion de consensus « L’usage rationnel des Inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) en cas de pathologie gastro-œsophagienne non ulcéreuse (ulcère gastroduodénal exclu) » du 31 mai 2018 [voir site Web de l’INAMI pour le rapport du jury de la réunion de consensus, la « brochure orateurs » et l’étude de la littérature].
    • Les statines atorvastatine, rosuvastatine et simvastatine. La rosuvastatine, qui occupait le 4e rang en 2017, tombe au 23e rang, et l’atorvastatine est désormais la première statine (13e rang). La chute dans le top 25 de la rosuvastatine ne s’explique pas par une diminution du nombre d’utilisateurs (elle représente toujours environ 22% des utilisateurs de statines), mais par une baisse des dépenses de l’INAMI grâce au lancement des génériques au cours de l’année 2017-2018. Cette forte consommation persistante de la rosuvastatine n’est toujours pas étayée par les données scientifiques (voir Folia de juillet 2015), qui justifient un champ d’application limité de la rosuvastatine.

    • Le β-bloquant bisoprolol.

  • En 2018, le top 25 comprend les quatre anticoagulants oraux directs (AOD) disponibles, dont deux dans le top 5: le rivaroxaban (2e rang) et l’apixaban (4e rang) ; l’édoxaban apparaît pour la première fois dans le top 25. Pour info: dans les Folia de janvier 2020, nous discutons en détail de la place des AOD (en les positionnant les uns par rapport aux autres et par rapport aux antagonistes de la vitamine K) dans la prévention et le traitement des évènements thromboemboliques.

  • Il reste surprenant que la palipéridone et le dénosumab figurent dans le top 25.

    • La palipéridone, le métabolite actif de la rispéridone, figure dans le top 25 depuis 2014 déjà. Rien ne prouve pourtant sa supériorité par rapport aux autres antipsychotiques, que ce soit en termes d’efficacité ou de risques, et elle coûte beaucoup plus cher à la communauté (pas au patient) que certains autres antipsychotiques. Il n’y a donc aucune raison de privilégier la palipéridone par rapport aux autres antipsychotiques [voir Folia de janvier 2015 (Nouveautés 2009, état de la question 5 ans plus tard) et Folia de janvier 2017 (Informations récentes suite à la commercialisation de la suspension injectable à libération prolongée pour administration trimestrielle dans le traitement d’entretien de la schizophrénie)].

    • Le dénosumab, utilisé dans le traitement de l’ostéoporose et certaines tumeurs avec métastases osseuses, figure dans le top 25 depuis 2013 déjà. Dans la prise en charge médicamenteuse de l’ostéoporose post-ménopausique, le dénosumab n’est cependant pas un premier choix, mais peut être envisagé lorsque les bisphosphonates oraux sont contre-indiqués ou non tolérés. Les effets indésirables restent un point d’attention [voir Folia de janvier 2017].

La prescription rationnelle consiste à choisir un traitement qui s’appuie sur les meilleurs arguments scientifiques, tout en tenant compte également de son prix. On s’intéressera bien évidemment prioritairement au bénéfice que représente un traitement en termes de santé pour le patient, mais le coût qu’il représente pour le patient et pour la communauté est aussi un facteur important.
 

Sources spécifiques

1 Infospot. Le TOP 25 des principes actifs dans les dépenses du secteur ambulatoire de l’assurance soins de santé en 2018. Sur https://www.inami.fgov.be/, cliquez sur “Publications” et tapez “Infospot” dans la barre de recherche, publication du 06/12/2019