Message clé

Le NEJM (New England Journal of Medicine) a publié les résultats d’une étude annexe de l’étude VITAL. L’étude VITAL est une grande étude randomisée contrôlée par placebo qui a pour but d’évaluer si la supplémentation en vitamine D ou oméga 3 ou leur association permet de prévenir les cancers et les maladies cardiovasculaires chez les hommes de plus de 50 ans et les femmes de plus de 55 ans aux Etats-Unis [voir Folia de juillet 2022].1 L’étude annexe, quant à elle, a cherché à déterminer si la prise de vitamine D sans calcium peut réduire l’incidence des fractures.
 
Selon cette étude annexe, la supplémentation en vitamine D sans calcium n’a pas diminué le risque de fractures totales, non vertébrales et de la hanche par rapport au placebo chez des adultes en bonne santé âgés en moyenne de 67 ans.

En quoi cette étude est-elle importante ?

Les fractures, principalement de la hanche, sont un problème majeur de santé publique. En outre, ces dernières années, des effets protecteurs de la vitamine D ont été suggérés, sans beaucoup d’arguments, dans une multitude de conditions, que ce soit pour la COVID-19, la santé osseuse et d’autres maladies telles que les cancers et les maladies cardiovasculaires. En revanche, une RCT a conclu qu’un apport préventif en vitamine D n’a pas d’effet protecteur sur la mortalité globale et aucun bénéfice n’a été observé en termes de mortalité cardiovasculaire ou de mortalité par cancer [voir Folia de juillet 2022]. Actuellement, les données sont insuffisantes pour recommander ou déconseiller l’utilisation de la vitamine D dans le traitement ou la prévention des patients atteints de COVID-19 [voir Folia de janvier 2021].2

Le calcium et la vitamine D sont importants dans la formation et le maintien du tissu osseux. Cette association, sans autre traitement médicamenteux, offre une légère protection aux personnes âgées institutionnalisées, mais elle s’avère insuffisante en prévention secondaire (c.-à-d. après une fracture) (voir 9.5.1. Calcium).

Une méta-analyse datant de 2014 ne révèle aucun effet positif de la vitamine D en monothérapie sur l’incidence des fractures (voir Fiche Transparence « Ostéoporose »).3

Qu’en est-il, à ce jour, de l’effet de ces suppléments en vitamine D seule sur la prévention des fractures ? L’étude annexe de l’étude VITAL a évalué leur impact chez des adultes en bonne santé dont l’âge moyen était de 67 ans. Que nous dit-elle ?

Protocole de l’étude

  • L’étude annexe a évalué l’effet de la supplémentation en vitamine D sur le risque de fractures par rapport à un placebo. Il s’agit d’une étude contrôlée randomisée durant laquelle les participants ont reçu de la vitamine D (colécalciférol) à une dose de 2 000 UI par jour, sans administration de calcium, des oméga 3 ou un placebo.

  • 25 871 patients (moyenne d’âge 67 ans) ont été inclus dans l’étude pour un suivi moyen de 5,3 ans. Les participants n’ont pas été recrutés sur base d’une carence en vitamine D, d’une faible masse osseuse ou d’ostéoporose. Au départ, 42,6% prenaient des suppléments de vitamine D limités à 800 UI par jour et 20,0% prenaient des suppléments de calcium limités à 1200 mg par jour.

    L’étude VITAL est une étude randomisée contrôlée avec un protocole factoriel (protocole élaboré pour une étude qui vise à évaluer simultanément plusieurs interventions).
    Les caractéristiques de base étaient équilibrées entre les différents groupes. L’âge moyen des participants était de 67,1 ans. 50,6% des patients sont des femmes et 20,2% sont des personnes afro-américaines. 5% des patients prenaient des médicaments pour l’ostéoporose, 2% des glucocorticoïdes. Au départ, 43% des patients prenaient des suppléments en vitamine D et 20% en calcium. 10,3% des patients avaient des antécédents de fracture de fragilité. Après une période d’inclusion avec placebo d’environ 3 mois, les participants qui avaient pris au moins deux tiers comprimés placebo ont été randomisés.
  • Les critères d’évaluation primaires étaient l’incidence des nouvelles fractures totales, non vertébrales et de la hanche.

    Les fractures ont été rapportées par les patients sur base d’un questionnaire annuel et évaluées par l’examen des dossiers médicaux et des images radiologiques.
  • Les critères d’évaluation secondaires étaient l’incidence des fractures totales, non vertébrales et de la hanche à l’exception des fractures des orteils, des doigts, du crâne, des fractures péri-prothétiques et des fractures pathologiques.

  • Les patients ont été répartis au hasard dans un des quatre groupes suivants :

    • Vitamine D (2 000 UI) et oméga 3 (1 g)

    • Vitamine D (2 000 UI) et placebo

    • Oméga 3 (1 g) et placebo

    • Double placebo

Dans l’étude annexe, seule la comparaison de la vitamine D au placebo a été évaluée. La comparaison avec les oméga 3 n’y est pas abordée.

Résultats en bref

L’administration de vitamine D seule, sans calcium, n’a pas réduit de manière significative le risque de fractures (fractures totales, fractures non-vertébrales et fractures de la hanche), par rapport au placebo chez des adultes en bonne santé, même après ajustement en fonction de l’âge, du sexe, de l’appartenance ethnique et de l’utilisation personnelle de suppléments en calcium.

  • Des fractures totales ont été observées chez 769 sur 12 927 participants (6%) dans le groupe vitamine D, par rapport à 782 sur 12 944 participants (6%) dans le groupe placebo (RH 0,98%, IC à 95% de 0,89 à 1,08).
  • Des fractures non vertébrales ont été observées chez 721 participants (5,6%) dans le groupe vitamine D, par rapport à 744 (5,7%) dans le groupe placebo (RH 0,97%, IC à 95% de 0,87 à 1,07).
  • Des fractures de la hanche ont été observées chez 57 participants (0,4%) dans le groupe vitamine D, par rapport à 56 dans le groupe placebo (0,4%) (RH 1,01%, IC à 95% de 0,10 à 1,47).
  • En ce qui concerne les effets indésirables « hypercalcémie » et « calculs rénaux », aucune différence n’a été observée entre les groupes .

Limites de l’étude

  • Une seule dose de vitamine D (2 000 UI) et un seul mode d’administration (journalière) ont été étudiés.

  • Les participants n’ont pas été recrutés sur base d’une carence en vitamine D, d’une faible masse osseuse ou d’ostéoporose. Les résultats ne sont pas généralisables aux adultes atteints d’ostéoporose, d’ostéomalacie ou aux personnes institutionnalisées.

Commentaire du CBIP

Cette étude ne modifie pas le message actuel du Répertoire.
Le calcium et la vitamine D sont importants dans la formation et le maintien du tissu osseux.
La supplémentation en vitamine D seule n’est recommandée que chez les groupes à risque de déficit en vitamine D : femmes enceintes (en particulier chez les femmes avec une peau foncée et chez les femmes voilées), personnes âgées (lorsque les activités en plein air et l’exposition à la lumière extérieure sont insuffisantes), nourrissons. Sur base de plusieurs études, il n’y a pas d’arguments, à ce jour, pour recommander chez l’adulte une supplémentation en vitamine D en dehors de ces groupes à risque (voir 14.2.1.2. Vitamine D et dérivés).

Sources

LeBoff, Meryl S., et al. « Supplemental vitamin D and incident fractures in midlife and older adults. » New England Journal of Medicine 387.4 (2022): 299-309.
Routine Supplemental Vitamin D Does Not Prevent New Fractures in Healthy Midlife and Older Adults, Study Finds, Worst Pills, Best Pills, 2023.
3 Avenell A, Mak JCS, O’Connell DL. Vitamin D and vitamin D analogues for preventing fractures in post‐menopausal women and older men. Cochrane Database of Systematic Reviews 2014, Issue 4. Art. No.: CD000227. DOI: https://doi.org/10.1002/14651858.CD000227.pub4