La digoxine (Lanoxin ®) suscite ces derniers temps un grand intérêt dans les média, où l’on signale que son usage chez les patients présentant des troubles du rythme cardiaque est associé à une mortalité accrue.

Ces communiqués se basent sur les données de l’étude AFFIRM (Atrial Fibrillation Follow-Up Investigation of Rhytm Management), publiée en 2002, et que nous avons abordée dans les Folia de janvier 2004 (www.cbip.be/Folia/Index.cfm?FoliaWelk=F31F01B). Cette étude auprès de plus de 4000 patients, avec un suivi de 32 mois en moyenne, a été menée afin de vérifier si le pronostic en cas de diminution de la réponse ventriculaire (rate control, sans rétablissement du rythme sinusal) différait du pronostic en cas de rétablissement du rythme sinusal (rhythm control). Les données de cette étude ont maintenant été analysées post hoc afin d’évaluer s’il y avait une mortalité accrue chez les patients traités par la digoxine. Cette analyse post hoc a récemment été publiée dans le European Heart Journal (doi:10.1093/eurheartj/ehs348). Cette analyse récente suggère que, chez les patients présentant une fibrillation auriculaire, un traitement à la digoxine est associé à une mortalité totale accrue, après correction pour la comorbidité, indépendamment du sexe des patients ou de la présence ou non d’insuffisance cardiaque (définie par une fraction d’éjection < 40 %). Le hazard ratio est estimé à 1,41 (intervalle de confiance à 95% 1,19 à 1,67; p = 0,009) [Le hazard ratioest en quelque sorte comparable au risque relatif, mais tient également compte de la durée pendant laquelle les différents patients ont été étudiés]. Les limites de cette étude viennent du fait que cette étude n’a pas été menée dans l’objectif d’évaluer l’effet de la digoxine (il n’y avait pas de randomisation entre des groupes utilisant de la digoxine et d’autres n’en utilisant pas), et que l’analyse a été menée post hoc. Par ailleurs, l’étude AFFIRM ne fournit pas de données concernant les taux plasmatiques de digoxine, la dose de digoxine utilisée et la fonction rénale des patients.

Pour la prise en charge de la fibrillation auriculaire visant un contrôle de la fréquence ventriculaire (rate control), on peut recourir à des antagonistes du calcium, des ß-bloquants ou de la digoxine. Depuis longtemps déjà, la digoxine n’est plus considérée comme premier choix dans ce cas-là en raison de sa toxicité, de l’apparition tardive de son effet et de son effet insuffisant sur la fréquence ventriculaire en cas d’effort [voir les Folia de janvier 2004 et la Fiche de transparence “Fibrillation auriculaire” (www.cbip.be/pdf/tft/TF_VKF.pdf)]. Cette analyse confirme l’affirmation que la digoxine ne constitue pas un premier choix dans le traitement de la fibrillation auriculaire; en raison des limites méthodologiques, il n’est pas possible d’affirmer de manière irréfutable que la digoxine augmente réellement le taux de mortalité.