La rédaction du Formulaire de soins aux Personnes Âgées modifie sa sélection pour le contrôle glycémique dans le diabète de type 2 (voir Formulaire de soins aux Personnes Âgées,  contrôle glycémique, modifications principales). Le risque d’hypoglycémies (et ses conséquences) est potentiellement plus important dans cette population plus âgée. Les sulfamidés hypoglycémiants et l’insuline ne font plus partie des sélections. L’accent est mis sur l’importance de revoir régulièrement la situation du patient diabétique qui vieillit et perd en autonomie, et de revoir, le cas échéant, les cibles glycémiques à la hausse, à mesure que l’autonomie du patient diminue. Ceci implique parfois la décision de ne pas augmenter le nombre de médicaments, voire même d’en stopper certains (désescalade thérapeutique ou deprescribing). Chez le patient âgé sans comorbidités importantes, avec une autonomie conservée et dont le contrôle glycémique (à la cible glycémique définie de façon individuelle au moyen d’un processus de décision partagée) n’est plus suffisant avec l’adaptation du style de vie et la metformine seule, une seconde étape médicamenteuse pourrait être envisagée. En l’absence de données permettant un choix motivé chez des patients (très) âgés, aucune sélection n’est faite dans le cadre de ce Formulaire. Le choix doit se faire en concertation avec le patient et ses intervenants de soins, en fonction de sa situation.

La prise en charge du diabète de type 2 chez les patients âgés, à l’ère de l’individualisation thérapeutique: contrôle glycémique encore souvent jugé excessif

Depuis quelques années, les guidelines internationaux insistent sur l’importance de tenir compte de divers paramètres pour adapter la cible glycémique. Les patients âgés diabétiques, plus vulnérables, appartiennent aux  catégories de patients pour lesquels  le contrôle glycémique peut être moins strict. Dans le Formulaire de soins aux Personnes Âgées, nous avions déjà mentionné une étude épidémiologique menée en Europe occidentaledans laquelle on montrait que quasi la moitié des patients diabétiques âgés de 65 ans et plus avaient un contrôle glycémique jugé excessif pour leur âge (données analysées pendant la période 2009-2010, soit avant que l’individualisation de la cible thérapeutique ne soit une recommandation unanime).
Une étude épidémiologique américaine (analyse cross-sectionnelle) a évalué plus récemment la situation de patients diabétiques âgés (données analysées entre 2014 et 2016)2 . Un peu plus de 30.000 patients diabétiques prenant un traitement médicamenteux ont été analysés. Un contrôle strict (HbA1c < 7%) avec des médicaments à risque élevé d’hypoglycémies était observé chez 26% des patients. Un âge plus avancé, le sexe masculin, l’insuffisance cardiaque, la néphropathie, une coronaropathie sont les facteurs qui semblent associés de façon indépendante à ce contrôle strict avec médicaments à risque. Même si la proportion diminue en comparaison à l’étude précédente, le nombre de patients âgés dont le contrôle glycémique est potentiellement trop strict reste néanmoins encore élevé.

Risque de traumatisme associé aux médications hypoglycémiantes chez les personnes âgées

Une étude épidémiologique3 rétrospective française a évalué, chez des patients âgés de 65 ans ou plus, le risque d’hospitalisations pour traumatisme associé à l’usage de médicaments antidiabétiques. Les auteurs ont séparé les médicaments en 2 groupes : ceux qui sont à risque d’hypoglycémies (insuline, sulfamidés hypoglycémiants et glinides) et les autres. Le risque d’hospitalisations pour traumatisme  était 25% plus élevé parmi les patients utilisateurs de médicaments à risque d’hypoglycémie (pour les 3 médicaments confondus). Dans l’analyse en fonction du médicament, le risque était 47% plus élevé avec l’insuline et 34% plus élevé avec les glinides. Par contre, avec les sulfamidés hypoglycémiants, on n’a pas mis en évidence d’excès de risque significatif.

Cadre conceptuel pour une prise de décision partagée

L’Endocrine Society (composée de l’European Society of Endocrinology, de la Gerontological Society of America et de l’Obesity Society) a publié en 2019 son Guideline pour le traitement du diabète chez la personne âgée4. L’évaluation de l’état de santé du patient âgé diabétique est un préalable essentiel à l’établissement d’une prise en charge individualisée. Ils proposent un cadre conceptuel qui prend en compte l’état de santé du patient, mais également ses valeurs et ses attentes pour permettre une prise de décision partagée quant à une cible glycémique adéquate. Ce cadre conceptuel s’inspire des travaux de Blaum et al.5 qui suggère de définir un statut fonctionnel de la personne âgée en tenant compte de la présences de maladie(s) chronique(s), de troubles cognitifs et/ou visuels et de son degré de dépendance (mesuré par iADL et ADL). Le risque d’hypoglycémies (et ses conséquences) est un autre élément clé de ce guideline. Celui-ci augmente chez la personne âgée, à mesure que son autonomie diminue, ce qui justifie l’importance d’individualiser la cible glycémique en fonction du patient. La décision partagée est un processus qui fait interagir le patient (et/ou son entourage) et ses intervenants de soins. Le choix de la cible thérapeutique (et du traitement) se fait en fonction de son profil, de ses antécédents et comorbidités. Pour cette prise de décision, il est utile de prendre en compte les paramètres suivants : les bénéfices attendus du traitement, les risques à craindre, l’expérience et les souhaits du patients tout en veillant à limiter la polymédication.

Conclusions et modifications dans les sélections du Formulaire de soins aux Personnes Âgées

La rédaction du Formulaire de soins aux Personnes Âgées a pris la décision de ne plus sélectionner la gliquidone et l’insuline à durée d’action intermédiaire dans le cadre de leur Formulaire (seconde étape du traitement médicamenteux). Aucun autre médicament antidiabétique n’est sélectionné en seconde étape également, en raison de l’absence de données permettant un choix motivé chez des patients (très) âgés. Cette décision fait suite au constat que les personnes âgées diabétiques sont encore souvent « sur-traitées » et que les risques et conséquences des hypoglycémies sont plus importants chez ces patients. La désescalade thérapeutique (« deprescribing ») devrait faire partie des habitudes de prescription chez le patient diabétique âgé avec comorbidités  et/ou en perte d’autonomie, qui sont majoritaires une fois passé les 80 ans. Il n’existe aucune preuve d’un bénéfice en morbi-mortalité d’un contrôle strict de la glycémie dans ces populations fragiles. Les adaptations du style de vie et la metformine restent des sélections dans le Formulaire de soins aux Personnes Âgées. L’accent est mis sur l’importance de revoir régulièrement la situation du patient diabétique qui vieillit et perd en autonomie, et de revoir, le cas échéant, les cibles glycémiques à la hausse, à mesure que l’autonomie du patient diminue. Chez les patients diabétiques âgés sans comorbidités importantes, avec une autonomie conservée et dont le contrôle glycémique (à la cible glycémique définie de façon individuelle au moyen d’un processus de décision partagée) n’est plus suffisant avec l’adaptation du style de vie et la metformine seule, une seconde étape médicamenteuse pourrait être envisagée. Le choix devrait se faire selon le même processus de décision partagée. Aucune sélection n’est faite dans le cadre de notre Formulaire.

Sources spécifiques

1 Muller, N. & Khunti, K. & Kuss, O. Is there evidence of potential overtreatment of glycaemia in elderly people with type 2 diabetes? Data from the GUIDANCE study. Acta Diabetol 2017;54(2):209-14. doi: 10.1007/s00592-016-0939-9. Epub 2016 Nov 11.
2 Arnold SV, Lipska KJ, Wang J, et al. Use of Intensive Glycemic Management in Older Adults with Diabetes Mellitus. J Am Geriatr Soc 2018;66:1190-4.
3 Arnaud M, Pariente A, Bezin J, et al. Risk of Serious Trauma with Glucose-Lowering Drugs in Older Persons: A Nested Case–Control Study. J Am Geriatr Soc 2018;66:2086-91.
4 LeRoith D, Biessels GJ, Braithwaite SS, et al. Treatment of Diabetes in Older Adults: An Endocrine Society* Clinical Practice Guideline. J Clin Endocrinol Metab 2019;104(5):1520-74 doi: 10.1210/jc.2019-00198 (*Cosponsoring Associations: European Society of Endocrinology, The Gerontological Society of America, and The Obesity Society.)
5 Blaum C, Cigolle CT, Boyd C, et al. Clinical complexity in middle-aged and older adults with diabetes: the Health and Retirement Study. Med Care. 2010; 48(4):327–334