Une étude sur la relation entre les hypnotiques et le risque de mortalité et de cancer a paru récemment dans BMJ Open (une revue médicale générale du British Medical Journal Group qui publie en ligne des études de recherche selon un concept peer review accessible à tous)  [BMJ Open2012;2:e000850 (doi:10.1136/bmj-open-2012-000850), via https://bmjopen.bmj.com]. Les résultats ont fait l’objet d’une attention particulière des médias.

 

Cette étude, réalisée aux Etats-Unis, incluait un groupe de personnes auxquelles un hypnotique avait été prescrit au moins une fois (n=10.253) et un groupe contrôle (personnes qui n’avaient pas reçu de prescriptions d’hypnotiques, n= 23.676); ces personnes ont été suivies  pendant 2,5 ans concernant la mortalité et la survenue de cancer. L’hypnotique le plus souvent utilisé était le zolpidem (environ 40 % du total) et, en deuxième position, le témazépam (environ 20 % du total); d’autres hypnotiques utilisés beaucoup moins fréquemment comprenaient l’eszopiclone (non disponible en Belgique), le zaléplon, d’autres benzodiazépines, des barbituriques et des antihistaminiques (surtout la diphenhydramine).

– En ce qui concerne la mortalité, les chercheurs ont constaté un risque accru chez les personnes auxquelles un hypnotique avait été prescrit, en comparaison au groupe contrôle. Le risque était d’autant plus élevé que l’emploi était important.

  • Pour 0,4 à 18 doses prescrites par an: risque relatif de 3,6 (intervalle de confiance à 95% ou IC à 95%  2,92 à 4,44)
  • Pour 18 à 132 doses prescrites par an: risque relatif de 4,43 (IC à 95%  3,67 à 5,36)
  • Plus de 132 doses prescrites par an: risque relatif de  5,32 (IC à 95% 4,5 à 6,3).

– En ce qui concerne le cancer, un risque accru a été constaté dans le groupe auquel plus de 132 doses par an avaient été prescrites: risque relatif de 1,35 (IC à 95% 1,18 à 1,55).

 

Discussion

Les résultats de cette étude ne peuvent être interprétés que comme un signal. Il s’agit d’une étude de cohorte, et des biais et variables confondantes ne peuvent être exclus, et sont même probables. Ces résultats doivent être confirmés par des études randomisées ou du moins encore par d’autres études de cohorte prospectives. Les chercheurs ne fournissent pas d’informations sur la cause du décès: quelle est la cause de cette mortalité 3 à 4 fois plus élevée ? En outre, on ne parle pas de la cause de l’insomnie.  Celle-ci peut être liée par exemple à la douleur (due au cancer) ou à des problèmes (cause de suicide subséquent). Aucune information n’est par ailleurs donnée quant à une co-médication éventuelle, ou sur l’incidence de dépression ou d’angoisse dans les groupes d’étude. Des maladies sous-jacentes telles que l’asthme, la BPCO, une affection cardio-vasculaire ou cérébro-vasculaire et une insuffisance rénale chronique étaient statistiquement plus fréquentes dans le groupe auquel un hypnotique avait été prescrit.

Il n’est donc pas possible de conclure que le lien retrouvé entre l’emploi d’hypnotiques et la surmortalité et le cancer est causal. Mis à part ces résultats, la place des hypnotiques dans la prise en charge de l’insomnie est limitée. L’emploi des hypnotiques ne peut être envisagé que dans des circonstances spécifiques, par exemple en cas d’insomnie aiguë sévère, qui peut alors être traitée par des médicaments pendant une très courte période.  Dans ce cas, une benzodiazépine à durée d’action intermédiaire à la plus faible dose possible et pour une durée maximale d’une semaine, est à préférer. 

Les “z-drugs” tels que le zolpidem, constituent en ce moment les hypnotiques les plus fréquemment utilisés aux Etats-Unis; il n’existe toutefois pas de preuves qu’ils offrent des avantages en terme d’efficacité ou d’innocuité par rapport aux benzodiazépines.

 

Voir aussi Fiche de transparence  “Prise en charge de l’insomnie” (https://www.cbip.be/pdf/tft/TF_Insomnie_Lng.pdf) et Folia mai 2009 (https://www.cbip.be/Folia/2009/F36F05B.cfm)