Messages clés

  • Les fortes chaleurs et les périodes de canicule entraînent des risques pour la santé, notamment un risque de déshydratation et de coup de chaleur, une situation potentiellement mortelle.

  • Les groupes vulnérables doivent être particulièrement attentifs aux risques de déshydratation et de coups de chaleur : notamment les personnes très âgées et les très jeunes enfants, les personnes souffrant de pathologies sous-jacentes (troubles cognitifs ou psychiques, maladies cardiovasculaires et respiratoires), les femmes enceintes : voir aussi le Tableau 1.

  • Certains médicaments peuvent favoriser une déshydratation ou un coup de chaleur ou en aggraver les effets : les diurétiques, les AINS, les IECA et sartans, les antipsychotiques, les médicaments ayant des propriétés anticholinergiques ou sérotoninergiques. Voir le Tableau 2 pour une liste plus complète. Ce risque ne concerne pas seulement les médicaments pris de manière chronique, mais aussi les médicaments qui sont pris occasionnellement ou temporairement, parfois en automédication, tels que les AINS contre la douleur ou la fièvre par exemple, ou certains antihistaminiques H1 contre le mal des transports.

  • Conseils pour le médecin généraliste :

    • Identifiez de manière proactive les personnes à risque (sur la base des facteurs de risque et de la prise de médicaments) et les informer à l’avance en leur rappelant les bonnes pratiques à adopter pendant les fortes chaleurs et les symptômes qui évoquent une déshydratation sévère ou un coup de chaleur nécessitant une attention médicale. Pensez à informer aussi les personnes dans l’entourage de la personne à risque, et de les impliquer (par exemple, les aidants proches, les soignants et/ou les infirmier·ères).

    • Pendant une vague de chaleur, soyez particulièrement vigilant aux signes de déshydratation (imminente) chez les personnes à risque, et vérifiez quels traitements médicamenteux peuvent éventuellement être adaptés pour éviter les complications liées aux fortes chaleurs.

  • Conseils pour le pharmacien :

    • Au moment de délivrer un médicament qui expose à des risques supplémentaires en cas de vague de chaleur et de déshydratation (imminente), pensez à donner des conseils au patient.

    • Donnez aussi des conseils sur la conservation des médicaments sensibles à la chaleur.

  • Le médecin généraliste et le pharmacien peuvent se concerter pour décider de la stratégie à suivre en cas de fortes chaleurs.

Quels sont les risques liés à la chaleur ?

Les fortes chaleurs et les périodes de canicule présentent des risques pour la santé, notamment l’œdème de chaleur, l’insolation, la déshydratation et le coup de chaleur. Un taux d’humidité élevé augmente encore ce risque.

La déshydratation sévère et le coup de chaleur sont des situations potentiellement mortelles. Comme indiqué dans les Folia d’avril 2022, un coup de chaleur correspond à une augmentation majeure de la température corporelle. Cette élévation majeure expose à une hypotension artérielle, à une insuffisance rénale fonctionnelle (liée à une déshydratation) et, à partir de 42°C, à des ischémies tissulaires ainsi qu’à des défaillances d’organes : insuffisance respiratoire, troubles cardiaques, convulsions et autres troubles neurologiques, rhabdomyolyse, insuffisance rénale, troubles hépatiques.

Quelles sont les personnes les plus à risque de problèmes de santé en cas de vague de chaleur ?

Le risque individuel dépend d’une combinaison de facteurs tels que l’âge, la présence de pathologies sous-jacentes, le comportement et des facteurs environnementaux. Voir le Tableau 1 pour la liste de personnes à haut risque de problèmes de santé pendant une vague de chaleur.1-3

Tableau 1 : personnes à haut risque de problèmes de santé en cas de vague de chaleur
  • Personnes âgées de plus de 65 ans, et particulièrement les personnes très âgées et les personnes âgées fragiles.

  • Enfants de moins de 5 ans, et particulièrement les nourrissons.

  • Femmes enceintes.

  • Personnes présentant des pathologies préexistantes : maladies cardiovasculaires, maladies respiratoires (BPCO, asthme), obésité, troubles cognitifs/psychiques (dépression, troubles bipolaires, schizophrénie, démence…), diabète, maladies rénales, maladie de Parkinson ; les personnes ayant des problèmes de mobilité. Le fait de vivre en milieu urbain (où la pollution de l’air est plus importante) peut encore accroître le risque chez les personnes présentant déjà des maladies respiratoires ou cardiaques.

  • Personnes étant déjà exposées à un risque de déshydratation en raison de vomissements et de diarrhées.

  • Personnes effectuant un travail physique en plein air ou une pratique sportive intense en plein air (par exemple, coureurs, cyclistes).

  • Personnes socialement isolées.

  • Sans-abri et réfugiés souffrant par exemple de maladies chroniques non traitées, d’un manque de logement et/ou de malnutrition.

  • Personnes présentant une dépendance à l’alcool ou aux drogues.

  • Personnes prenant certains médicaments : voir Tableau 2.

Quels médicaments peuvent aggraver les effets négatifs d’une vague de chaleur ?

En plus de l’âge, des pathologies sous-jacentes et des autres facteurs de risque (voir Tableau 1), certains médicaments peuvent également exposer à un risque supplémentaire en cas de déshydratation et de coup de chaleur: voir Tableau 2 pour une liste (non exhaustive) de médicaments. Ce tableau est basé sur les informations des Folia d’avril 2022 (coups de chaleur d’origine médicamenteuse) et sur les médicaments listés dans les sources 1 et 2 (voir ci-dessous).

Attention : ce risque ne concerne pas seulement les médicaments pris de manière chronique, mais aussi les médicaments qui sont pris occasionnellement ou temporairement, parfois en automédication, tels que les AINS contre la douleur ou la fièvre par exemple, ou certains antihistaminiques H1 contre le mal des transports.

Tableau 2 : médicaments pouvant favoriser une déshydratation ou un coup de chaleur, ou en aggraver les effets (liste non exhaustive)
Médicaments pouvant entraîner une déshydratation ou des troubles électrolytiques
  • Diurétiques, en particulier les diurétiques de l’anse
  • Tout médicament pouvant provoquer de la  diarrhée ou des vomissements, par exemple la colchicine, les antibiotiques, les opioïdes, les laxatifs.
  • Les médicaments cholinergiques (notamment les inhibiteurs de la cholinestérase utilisés dans la maladie d’Alzheimer), par augmentation de la sudation
Médicaments susceptibles d’altérer la fonction rénale en cas de déshydratation
  • AINS (ne pas utiliser en cas de déshydratation et de préférence les éviter en présence de diarrhée, de vomissements ou de fièvre)
  • Diurétiques
  • IECA et sartans
  • Gliflozines
  • Certains immunosupresseurs tels que la ciclosporine
Médicaments perturbant la thermorégulation Par un effet central :

  • Antipsychotiques
  • Médicaments ayant un effet sérotoninergique, en particulier les ISRS et les IRSN, les IMAO, les opioïdes tels que le fentanyl et le tramadol, mais aussi la méthadone utilisée dans le cadre d’un traitement de substitution aux opioïdes, le millepertuis (voir le Répertoire Intro.6.2.4. pour une liste plus complète des médicaments sérotoninergiques).
  • Sympathicomimétiques : notamment les amphétamines, la pseudoéphédrine, la bupropione, le méthylphénidate.
  • Produits psychotropes non médicamenteux : amphétamines, alcool, cocaïne, ecstasy.

Par limitation de la sudation :

  • Médicaments ayant un effet anticholinergique. C’est notamment le cas des médicaments suivants : bromure de butylhyoscine, anticholinergiques utilisés dans les troubles de la fonction vésicale, anticholinergiques utilisés dans la maladie de Parkinson, certains antidépresseurs (surtout les antidépresseurs tricycliques et la paroxétine), certains antihistaminiques H1, certains antipsychotiques [voir le Répertoire Intro.6.2.3. pour une liste plus complète des médicaments anticholinergiques].
  • β-bloquants
  • Diurétiques
  • Les antiépileptiques topiramate et zonisamide

Par augmentation du métabolisme de base :

  • Levothyroxine
Médicaments qui abaissent la pression artérielle (risque d’hypotension) Tous les antihypertenseurs, les anti-angoreux
Médicaments qui provoquent une baisse de la vigilance P.ex. les benzodiazépines et Z-drugs, les opioïdes
Médicaments pouvant déclencher une acidose lactique et/ou une hypo- ou hyperglycémie en cas de déshydratation Médicaments antidiabétiques tels que la metformine, les sulfamidés hypoglycémiants, l’insuline, les gliflozines
Médicaments dont les taux plasmatiques sont modifiés en cas de déshydratation (risque d’intoxication) Lithium, digoxine, antiépileptiques

Conseils

Ces conseils s’appuient essentiellement sur les informations du NHG dans Medicatiegebruik en dreigende dehydratie bij hitte1 et sur les informations du site Infosanté.be (voir « sources pour le grand public »).

Que peut faire le médecin généraliste ?

  • Le médecin généraliste peut identifier de manière proactive les personnes à risque (sur la base des facteurs de risque et de la prise de médicaments) et les informer à l’avance en leur rappelant les bonnes pratiques à adopter pendant les fortes chaleurs et les symptômes qui évoquent une déshydratation sévère ou un coup de chaleur nécessitant une attention médicale (voir plus loin). Il importe de ne pas seulement informer la personne à risque, mais d’informer aussi et d’impliquer son entourage (par exemple, les aidants proches, les soignants et/ou les infirmierères).

  • Pendant une vague de chaleur, le médecin généraliste peut faire preuve d’une vigilance accrue en surveillant les signes de déshydratation (imminente) chez les personnes à risque, et vérifier quels traitements médicamenteux peuvent éventuellement être adaptés pour éviter les complications liées aux fortes chaleurs (voir plus loin).

  • Le médecin généraliste et le pharmacien peuvent se concerter pour décider de la stratégie à suivre en cas de fortes chaleurs (voir « Que peut faire le pharmacien ? »).

Que peut faire le pharmacien ?

  • Le pharmacien peut donner des conseils sur les risques liés à la chaleur au moment de délivrer un médicament qui expose à des risques supplémentaires en cas de vague de chaleur et de déshydratation (imminente).

  • Le pharmacien peut donner des conseils sur la conservation des médicaments sensibles à la chaleur.

  • Le médecin généraliste et le pharmacien peuvent se concerter pour décider de la stratégie à suivre en cas de fortes chaleurs (voir « Que peut faire le médecin généraliste ? »).

Bonnes pratiques en cas de fortes chaleurs

Pendant une vague de chaleur, il est important que les personnes à risque adoptent les bons gestes :

  • boire plus que d’habitude, au moins 2 litres par jour ; en cas de vomissements, boire par petites quantités ; éviter l’alcool et les boissons riches en caféine ;

  • éviter autant que possible les efforts physiques, en particulier pendant les heures les plus chaudes de la journée (11-22h) ;

  • se protéger du soleil en portant un chapeau ou une casquette et des vêtements légers ;

  • veiller à garder un intérieur frais (stores, ventilation, climatisation).

Il est important d’informer les personnes à risque et leur entourage des symptômes de déshydratation sévère ou de coup de chaleur qui nécessitent une assistance médicale.

Adaptation de traitements médicamenteux en cas de déshydratation (imminente)

En cas de canicule (annoncée), la dose des médicaments à risque peut être réduite ou le traitement peut être temporairement interrompu. Quelques conseils pratiques en cas de déshydratation (imminente)1 :

  • Diminuer temporairement de moitié la dose des inhibiteurs du SRA (IECA, sartans) et interrompre temporairement les diurétiques chez les patients souffrant d’une atteinte rénale chronique (chez les patients souffrant également d’une insuffisance cardiaque, diminuer temporairement de moitié la dose du diurétique de l’anse).

  • Interrompre temporairement la prise d’AINS chez les patients souffrant d’une atteinte rénale chronique.

  • Antidiabétiques

    • Interrompre temporairement la metformine et/ou la gliflozine et/ou le glimépiride (le gliclazide doit uniquement être interrompu si, en plus de la déshydratation, l’apport en hydrates de carbone est considérablement réduit) [Note de la rédaction : la référence 1 ne précise pas s’il est nécessaire d’ajuster la dose de glibenclamide et de gliquidone. Pour ces médicaments également, envisager une interruption temporaire ou un ajustement temporaire de la dose, certainement quand l’apport en hydrates de carbone est considérablement réduit].

    • Ne pas arrêter l’insuline (à durée d’action intermédiaire) (même si le patient mange moins), mais envisager un ajustement de la dose en fonction de la glycémie. Chez le patient qui ne s’alimente plus ou très peu, on peut envisager d’interrompre temporairement l’insuline à durée d’action rapide.

    • Il est conseillé de mesurer la glycémie plusieurs fois par jour.

  • Réduire ou interrompre temporairement les médicaments qui augmentent le taux de potassium (par exemple, les inhibiteurs du SRA, les diurétiques d’épargne potassique).

  • Interrompre temporairement les médicaments antihypertenseurs pour éviter une hypotension.

  • Pour évaluer la nécessité d’adapter un traitement médicamenteux, une surveillance plus fréquente des risques liés aux médicaments peut s’avérer nécessaire :

    • Dosage du potassium chez les personnes à risque accru d’hyperkaliémie : personnes ≥ 75 ans (plus l’âge est élevé, plus le risque augmente), patients à fonction rénale altérée, patients prenant des médicaments qui augmentent le taux de potassium (par exemple, inhibiteurs du SRA, diurétiques d’épargne potassique) ;

    • Dosage du sodium chez les personnes ≥75 ans (plus l’âge est élevé, plus le risque augmente) prenant des ISRS, pour éviter une hyponatrémie ;

    • Dosage du lithium pour éviter une intoxication.

Il convient également de tenir compte des risques liés aux médicaments pris temporairement et en automédication. Ainsi, il est préférable d’éviter les AINS, surtout en cas d’efforts physiques intenses par temps chaud.

Pour la prise en charge de la déshydratation, nous renvoyons au guide de traitement du NHG « Misselijkheid en braken » (décembre 2022) et au Répertoire 3.6. > Positionnement > Réhydratation.

Attention à la conservation des médicaments sensibles à la chaleur !

De nombreux médicaments doivent être conservés à une température inférieure à 25°C. Pendant une vague de chaleur, il est d’autant plus important de surveiller l’endroit de stockage qui doit rester suffisamment frais et sec, et à l’abri du soleil. Ne conservez pas les médicaments dans des endroits qui peuvent devenir très chauds (par exemple, dans la voiture ou sur le rebord d’une fenêtre). Les médicaments ne doivent être conservés au réfrigérateur que si cela est explicitement indiqué dans le RCP ou la notice.
Certaines formes pharmaceutiques sont sensibles à la chaleur : les suppositoires, les ovules, les crèmes, les pommades. Si le produit a fortement changé d’aspect après avoir été exposé à la chaleur, il est préférable de ne plus l’utiliser (Vidal, ANSM).

Sources spécifiques

NHG (Nederlands Huisartsen Genootschap). Medicatiegebruik en dreigende dehydratie bij hitte.
UK Health Security Agency. Gov.uk. Supporting vulnerable people before and during hot weather: healthcare professionals. Guidance. Updated 21/03/2024.
3 WHO. Heat and health in the WHO European Region: updated evidence for effective prevention. Februari 2021 I Guidance.

Sources pour le grand public