Grossesse et allaitement: traitement médicamenteux du reflux gastro-œsophagien
- Pendant la période d’allaitement, aucun signe de problèmes chez l’enfant allaité n’a été décrit avec les antiacides, la ranitidine et les IPP, mais les données sur l’utilisation de la ranitidine et des IPP sont très limitées.
- Les gastroprocinétiques n’ont pas de place dans le traitement du reflux gastro-œsophagien pendant la grossesse et la période d’allaitement.
Introduction
Pendant la grossesse, les symptômes de reflux gastro-œsophagien sont fréquents et répondent généralement bien aux mesures hygiéno-diététiques comme l’évitement des repas riches en graisses, des aliments acides ou épicés, de l’alcool, du café et du tabac, et de la position allongée juste après un repas ou penchée en avant. Si ces mesures s’avèrent insuffisantes, des médicaments peuvent être utilisés. Cet article se penche sur la place et l’innocuité des antiacides, de la ranitidine et des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) dans la prise en charge du reflux gastro-œsophagien pendant la grossesse et l’allaitement.
Grossesse
Antiacides
Les antiacides constituent le traitement de premier choix dans la prise en charge médicamenteuse du reflux gastro-œsophagien pendant la grossesse. Il n’existe pas de recommandations claires permettant de faire un choix entre les différents antiacides pendant la grossesse, sauf en cas d’hypertension ou de troubles intestinaux (voir plus loin). Bien qu’il existe peu de données sur leur utilisation pendant la grossesse, les antiacides sont largement utilisés depuis longtemps et ne semblent pas présenter de risque particulier pour la femme enceinte ni pour le fœtus lorsqu’ils sont utilisés aux doses recommandées et pendant une courte durée.
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Les données provenant d’études réalisées chez l’animal sont rassurantes quant au risque de tératogénicité.
Chez l’animal, le bicarbonate de sodium n’est pas apparu tératogène ni toxique pour le fœtus. Il n’y a pas de signes de tératogénicité avec les sels de calcium. On manque de données sur les sels d’aluminium et de magnésium. L’hydroxyde d’aluminium (ou algeldrate) et le carbonate calcique ne se sont avérés nocifs pour le fœtus qu’en cas de surdosage important chez la mère (anomalies de l’ossification et retard de calcification du squelette fœtal).
- Chez la femme enceinte, on possède une longue expérience avec le bicarbonate de sodium, pour lequel aucune tératogénicité n’a été décrite. Par contre, une utilisation prolongée de doses élevées peut mener à une rétention d’eau, de l’œdème, des troubles électrolytiques et une modification du pH sanguin chez la femme enceinte.
- Le carbonate de calcium peut également être utilisé pendant la grossesse mais une utilisation chronique de doses élevées peut exposer le fœtus à une alcalose métabolique.
- Les données concernant les sels d’aluminium et les sels de magnésium sont limitées. La prise de sels d’aluminium à doses élevées et pendant une période prolongée est à éviter car elle peut mener à des effets indésirables osseux et neurologiques chez le fœtus.
- Certains antiacides sont associés à des alginates ; étant donné que ces derniers ne sont pas résorbés, un risque pour le fœtus est peu probable.
- En cas d’hypertension chez la mère, on évitera les antiacides contenant du sodium. Si la mère souffre de constipation, les sels d’aluminium sont à éviter et en cas de transit intestinal accéléré, les sels de magnésium ne sont pas recommandés.
Si les symptômes ne sont pas suffisamment contrôlés avec les antiacides, on peut avoir recours aux inhibiteurs de la sécrétion acide gastrique, à savoir la ranitidine (antihistaminique H2) ou un inhibiteur de la pompe à proton.
Antihistaminiques H2
La ranitidine est le seul antihistaminique H2 encore sur le marché. Il n’est ni tératogène ni toxique pour le fœtus chez l’animal. Les études chez la femme enceinte ne mettent pas en évidence de risque accru de malformations congénitales, quel que soit le stade de la grossesse, mais ces données se basent sur un faible nombre d’expositions in utero. Les effets d’une exposition in utero à long terme à la ranitidine ne sont pas connus.
Inhibiteurs de la pompe à protons (IPP)
Les IPP peuvent être utilisés à n’importe quel stade de la grossesse. Vu la plus grande expérience avec l’oméprazole, celui-ci constitue l’IPP de premier choix.
- Les études animales n’ont pas montré d’effet tératogène avec les différents IPP.
- Chez la femme enceinte, les nombreuses données disponibles concernant l’oméprazole n’indiquent pas d’augmentation du risque de malformations congénitales majeures. Cependant, les études n’ont pas permis de détecter une faible augmentation du risque d’anomalies congénitales ou de malformations mineures.
- Les données concernant l’utilisation du pantoprazole, du lansoprazole et de l’esoméprazole chez la femme enceinte sont limitées mais tendent vers la même conclusion.
- Les données concernant l’utilisation du rabéprazole chez la femme enceinte sont insuffisantes pour confirmer son innocuité.
- Les effets d’une exposition in utero à long terme à un IPP ne sont pas connus.
Allaitement
Antiacides
Les antiacides sont compatibles avec l’allaitement s’ils sont utilisés aux doses thérapeutiques recommandées et pendant une courte période. Le carbonate de calcium et le bicarbonate de sodium sont excrétés dans le lait maternel. Le carbonate de calcium n’influence pas la concentration en calcium du lait maternel. On manque de données concernant l’utilisation du bicarbonate de sodium pendant la période d’allaitement mais aucun risque particulier pour l’enfant allaité n’a été décrit. Les sources consultées ne disposent pas de données concernant les sels d’aluminium, les sels de magnésium et les alginates.
Pendant la période d’allaitement, une utilisation chronique de doses élevées d’antiacides, surtout ceux contenant du bicarbonate de sodium ou des sels d’aluminium, est à éviter vu le risque potentiel d’effets indésirables chez la femme enceinte ou le fœtus (décrits plus haut).
Les antihistaminiques H2
La ranitidine, le seul antihistaminique encore sur le marché, peut être utilisée pendant la période d’allaitement. Elle est excrétée dans le lait maternel. Bien qu’aucun effet indésirable n’ait été décrit, l’ouvrage de référence Briggs recommande la prudence vu le nombre très limité de données. Par ailleurs, l’impact sur la sécrétion acide gastrique de l’enfant allaité ainsi que les effets à long terme d’une exposition de l’enfant allaité ne sont pas connus. Cependant, ces risques potentiels sont contrebalancés par le bénéfice du traitement chez la femme allaitante. De plus, des données sur l’utilisation off-label de la ranitidine chez le nouveau-né montrent que celle-ci est bien tolérée. Enfin, les doses qui atteignent l’enfant par le lait maternel sont bien inférieures à celles utilisées chez le nouveau-né, de sorte qu’un effet clinique est peu probable.
Les inhibiteurs de la pompe à protons
Les IPP sont excrétés dans le lait maternel. On ne dispose que de très peu de données (oméprazole, pantoprazole) voire d’aucune donnée (esoméprazole, lansoprazole, rabéprazole) sur leur utilisation pendant la période d’allaitement, ni sur les effets à long terme d’une exposition de l’enfant allaité à un IPP. Mais il n’existe pas d’indice de problèmes particuliers chez le fœtus. L’oméprazole est utilisé off-label dans le traitement de la maladie de reflux gastro-œsophagien du nouveau-né et est bien toléré. Selon l’ouvrage de référence Briggs, il existe un risque potentiel de suppression de la sécrétion acide gastrique chez le nouveau-né, mais les IPP sont toutefois instables en milieu acide et donc probablement rapidement détruits par l’acide gastrique du nouveau-né.
Note: Gastroprocinétiques
L’efficacité des gastroprocinétiques métoclopramide et dompéridone dans le reflux est douteuse. De plus, l'absence de tératogénicité n'a pas été clairement prouvée, surtout pour la dompéridone [voir Folia de mars 2012 et Répertoire 3.4.]. Les gastroprocinétiques ne sont donc pas à recommander pour le traitement du reflux gastro-œsophagien pendant la grossesse et la période d’allaitement.
Sources générales
- Patientes enceintes ayant un reflux gastro-œsophagien. La Revue Prescrire 2015 ; 35 : 521-6.
- A Reference Guide To Fetal and Neonatal Risk: Drugs in Pregnancy and Lactation, 10th edition: Gerald G Briggs BPharm, Roger K Freeman MD.: version électronique.
- Lareb, consulté pour la dernière fois le 18/02/17, via https://www.lareb.nl/teratologie-nl/zwangerschap/#TOC_Middelen_ter_behandeling et https://www.lareb.nl/teratologie-nl/borstvoeding/#TOC_Middelen_ter_behandeling1
- RCP ranitidine, RCP oméprazole
- Drugs and Lactation Database (LactMed), consulté pour la dernière fois le 21/02/17, via toxnet.nlm.nih.gov/newtoxnet/lactmed.htm
- Medications & Mother’s milk, 2012 : Thomas W. Hale PhD, Hilary Rowe PharmD