Pharmacovigilance: risque cardiovasculaire des stimulants centraux utilisés dans l’ADHD

Comme déjà signalé antérieurement dans les Folia, il existe depuis plusieurs années une inquiétude quant aux risques cardio-vasculaires liés à l’utilisation de stimulants centraux tels que le méthylphénidate (Rilatine®) et l’atomoxétine (Strattera®), dans le traitement de l’ADHD [voir Folia de juillet 2006 et juin 2008 ].

Dans les Folia de juin 2008 , les recommandations suivantes ont été formulées. Avant d’instaurer un traitement par un stimulant central, il convient d’effectuer un examen clinique et une anamnèse personnelle et familiale afin de rechercher d’éventuels facteurs de risque cardio-vasculaire. La réalisation systématique d’un ECG, comme recommandé par l’American Heart Association, fait l’objet de discussions. Il faut rappeler qu’avec l’atomoxétine, il existe un risque d’allongement de l’intervalle QT (au sujet de l’allongement de l’intervalle QT, voir l’Introduction du Répertoire Commenté des Médicaments).

En 2011, le groupe de travail pharmacovigilance de l’Agence Européenne des Médicaments (EMA) a réévalué les effets cardio-vasculaires de l’atomoxétine, en particulier au niveau du rythme cardiaque et de la pression artérielle. Dans la majorité des cas, l’effet cardio-vasculaire de l’atomoxétine semble faible (accroissement du rythme cardiaque < 10 battements/minute, élévation de la pression artérielle < 5 mmHg). Chez 6 à 12% des enfants et des adultes traités, on constate toutefois une élévation plus importante du rythme cardiaque et de la pression artérielle (respectivement ≥ 20 battements/minute et ≥ 15-20 mmHg); chez certains de ces patients, ces effets cardio-vasculaires ne disparaissent pas en cas de poursuite du traitement et peuvent même s’aggraver. Suite à cette évaluation, l’EMA recommande de ne pas utiliser l’atomoxétine en cas d’affections cardio-vasculaires ou cérébro-vasculaires graves, de suivre la fonction cardiaque avant et pendant le traitement, et en cas de problème cardiaque, d’évaluer la nécessité de poursuivre le traitement. Dans le cadre de cette problématique, deux études de cohortes rétrospectives avec des critères d’évaluation cliniques ont été publiées récemment [ JAMA 2011; 306 2673-83 (doi:10.1001/jama.2011.1830) et N Engl J Med 2011; 365 1896-04 (doi: 10.1056/NEJMoa1110212)]. Les résultats sont rassurants. L’utilisation de médicaments dans le cadre de l’ADHD (surtout l’atomoxétine, le méthylphénidate et les amphétamines) chez les enfants et les adultes n’était pas associée à un risque accru d’évènements cardio-vasculaires graves (mort subite cardiaque, infarctus du myocarde et accident vasculaire cérébral). De telles études ne permettent cependant pas de détecter une faible augmentation de risque. On peut toutefois s' attendre à ce que dans le cas d’une augmentation de risque, celle-ci soit minime.

Ces données rassurantes ne modifient pas la recommandation dans le Répertoire de n’utiliser le méthylphénidate et l’atomoxétine qu’après que le diagnostic ait été posé par une équipe spécialisée et pour autant que la prise en charge non médicamenteuse s’avère insuffisante [voir aussi Fiche de transparence " Prise en charge de l’ADHD "].