Facteurs génétiques et survenue d’effets indésirables

On accorde de plus en plus d’attention ces temps-ci au rôle de facteurs génétiques dans la survenue d’effets indésirables. Les gènes actuellement connus qui peuvent être associés à la survenue d’effets indésirables se subdivisent de la façon suivante: (1) les gènes codant pour des enzymes qui interviennent dans le métabolisme des médicaments, (2) les gènes codant pour des protéines de transport et (3) les gènes codant pour des antigènes leucocytaires humains (HLA) [ N Engl J Med 2008; 359: 856-8 ].

  • En ce qui concerne les gènes codant pour des enzymes qui interviennent dans le métabolisme des médicaments, le polymorphisme génétique au niveau du CYP2D6 est un exemple connu. Les personnes dont le gène codant pour le CYP2D6 est inactif ou absent (" poor metabolizers ") métabolisent plus lentement que les " extensive metabolizers " les médicaments qui sont des substrats de cette enzyme (p.ex. certains antiarythmiques et antiépileptiques, voir tableau dans l’Introduction du Répertoire), ce qui peut entraîner une augmentation des taux plasmatiques et de la toxicité [voir Folia d' août 2003 ]. Des variantes génétiques au niveau des gènes codant pour les isoenzymes CYP impliqués dans le métabolisme du clopidogrel et de la warfarine, peuvent être responsables d’une réponse variable à ces antithrombotiques (voir p.13 dans ce numéro).
  • En ce qui concerne les gènes codant pour des protéines de transport, des données récentes suggèrent que des variantes du gène SLCO1B1, un gène codant pour une protéine de transport anions organiques, seraient associées à un risque accru de toxicité musculaire due à la simvastatine, en tout cas en ce qui concerne ses formes légères et réversibles [ N Engl J Med 2008; 359: 789-99 ]. On ignore actuellement si ces variantes ont aussi un rôle dans la survenue de la rhabdomyolyse, la forme rare mais grave de toxicité musculaire due aux statines.
  • En ce qui concerne le HLA, les réactions suivantes ont été signalées récemment.
    • Avec l’abacavir (Ziagen®), un inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse utilisé dans les infections par le VIH, les réactions d’hypersensibilité paraissent beaucoup plus fréquentes chez les patients porteurs de l’allèle HLA-B5701 que chez les patients qui n’en sont pas porteurs: fréquence d’environ 60% par rapport à environ 4%. On estime que 5 à 7% de la population d’Europe Occidentale est porteuse de cet allèle. Ces réactions, parfois très graves, se caractérisent par de la fièvre, des éruptions cutanées, des troubles gastro-intestinaux et/ou des problèmes respiratoires. Le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) de Ziagen® recommande de vérifier la présence de l’allèle HLA-B5701 avant d’initier le traitement. Ce n’est qu’en l’absence d’autres options thérapeutiques qu’un traitement par l’abacavir peut être initié chez les patients porteurs de cet allèle, en surveillant bien sûr de près l’apparition d’une toxicité [plus d’informations via www.fda.gov/cder/drug/InfoSheets/HCP/ abacavirHCP.htm ].
    • Avec la carbamazépine, les syndromes de Stevens-Johnson ou de Lyell paraissent plus fréquents chez les patients porteurs de l’allèle HLA-B1502 que chez ceux qui n’en sont pas porteurs: fréquence d’1 à 10 pour 1.000 par rapport à 1 à 6 pour 10.000. Seules les personnes originaires d’Asie en sont porteuses. La Food and Drug Administration (FDA) aux Etats-Unis recommande de vérifier la présence de l’allèle HLA-B1502 chez les patients asiatiques chez qui on envisage un traitement par la carbamazépine [ www.fda.gov/cder/drug/InfoSheets/HCP/carbamazepineHCP. htm ]. Cette recommandation ne figure pas dans le RCP des specialités en Belgique (situation au 15/01/2009).