Prise en charge de l’hypertrichose et de l’hirsutisme


Abstract

L’hypertrichose et l’hirsutisme sont deux situations caractérisées par une pilosité excessive, mais qui diffèrent entre elles par leur origine et leur tableau clinique. Dans les deux cas, il faut songer à une origine médicamenteuse, et dans l’hirsutisme, il est important de rechercher une affection endocrinienne. Lorsqu’un traitement étiologique n’est pas possible ou est insuffisant, un traitement local peut être essayé. Dans l’hirsutisme, un traitement médicamenteux peut être envisagé en cas d’échec du traitement local: l’acétate de cyprotérone, le plus souvent en association avec l’éthinylestradiol, et la spironolactone sont alors proposés comme premiers choix.

L’hypertrichose et l’hirsutisme sont des affections caractérisées par une pilosité excessive. Il est important de distinguer ces deux affections étant donné qu’elles diffèrent entre elles en ce qui concerne le tableau clinique, l’origine et la prise en charge.

  • L’hypertrichose consiste en une pilosité excessive au niveau des zones cutanées non androgéno-dépendantes (le plus souvent sous forme de duvet), et peut apparaître tant chez l’homme que chez la femme. L’hypertrichose est le plus souvent héréditaire, mais elle peut être due à des médicaments: p. ex. la ciclosporine, la phénytoïne et le minoxidil, et dans une moindre mesure, les corticostéroïdes, le diazoxide, la pénicillamine et les psoralènes. L’hypertrichose disparaît généralement 3 à 12 mois après l’arrêt de la prise du médicament responsable. L’hypertrichose n’est pas due à un excès d’androgènes, mais peut être aggravée par celui-ci.
  • L’hirsutisme consiste en une pilosité excessive chez la femme au niveau des zones cutanées androgéno-dépendantes, c’est-à-dire des zones où une pilosité n’existe normalement que chez l’homme comme la lèvre supérieure, le menton, la poitrine, les fesses; l’hirsutisme est souvent associé à de l’acné ou de la séborrhée. Sa prévalence est estimée à 5 à 15 %. Les principales causes d’hirsutisme sont le syndrome des ovaires polykystiques (associé à des troubles menstruels et souvent aussi à une surcharge pondérale et de l’acné) ainsi que des médicaments (surtout les androgènes et les progestatifs à propriétés androgéniques). Des causes rares sont p. ex. une tumeur virilisante, un lutéome, le syndrome de Cushing, l’acromégalie, l’hyperplasie congénitale des surrénales, un carcinome du cortex surrénal. Il existe aussi une forme d’hirsutisme "idiopathique" (sans hypersécrétion d’androgènes, p. ex. chez les femmes provenant de régions méditerranéennes). La détermination des taux d’androgènes dans le plasma (entre autres la testostérone) n’est pas recommandée de manière systématique, mais peut être indiquée dans certains cas, p. ex. dans des formes graves et progressives d’hirsutisme.

En ce qui concerne les problèmes induits par des médicaments, il n’est pas toujours possible de trancher entre un diagnostic d’hypertrichose ou d’hirsutisme.


Prise en charge

En premier lieu, il convient d’essayer de traiter la cause de l’hypertrichose ou de l’hirsutisme. Si cela s’avère impossible ou que le traitement étiologique n’est pas suffisant, des traitements locaux peuvent être essayés dans un premier temps, suivis éventuellement en cas d’échec ou d’efficacité insuffisante, par un traitement systémique.


Traitement local

Les traitements locaux consistent en rasage, épilation mécanique, crèmes dépilatoires à base de thioglycolates ou de mercaptan, décoloration avec des crèmes ou solutions à base d’eau oxygénée ou d’ammoniac; il existe aussi des techniques plus spécialisées tels le traitement par électrolyse ou par laser. Il existe peu de données permettant de comparer l’efficacité des différentes méthodes. Le coût (surtout élevé pour le traitement par électrolyse ou par laser), le risque d’effets indésirables (p. ex. dermatite et réactions allergiques causées par des produits dépilatoires ou décolorants) et le délai avant la repousse des poils (court après rasage ou épilation chimique) sont dès lors les principaux facteurs qui détermineront le choix du traitement.

Récemment, une crème à base d’eflornithine (un inhibiteur de l’enzyme participant à la production du poil par le follicule pileux) a été enregistrée au niveau européen pour le traitement de l’hirsutisme au niveau du visage, mais elle n’est pas commercialisée en Belgique (situation au 1 er juillet 2006). L’effet bénéfique disparaît à l’arrêt du traitement, et les principaux effets indésirables observés dans les études cliniques consistaient surtout en de l’acné, une pseudofolliculite et un érythème.


Traitement systémique

Les médicaments discutés ici ont, en raison de leur mécanisme d’action (inhibition de la production d’androgènes ou de leur action au niveau des follicules pileux), uniquement un effet dans le traitement de l’hirsutisme et non de l’hypertrichose.

Dans quelques études, un effet bénéfique a été observé avec certains médicaments, mais il s’agit d’études de petite taille et rarement contrôlées par placebo. Le traitement doit en outre être poursuivi pendant au moins 6 mois avant d’obtenir un effet, et celui-ci disparaît à l’arrêt du traitement. Sur base des données disponibles et tenant compte des risques, seuls l’acétate de cyprotérone (généralement en association à l’éthinylestradiol) et la spironolactone peuvent être recommandés en cas d’échec des traitements locaux. Avec ces médicaments, il convient également de tenir compte des effets indésirables.

  • Pour la spironolactone, surtout hyperkaliémie, hyponatrémie, douleurs ou tensions mammaires, troubles menstruels, troubles gastro-intestinaux.
  • Pour la cyprotérone, surtout hépatite (rare aux doses utilisées dans l’hirsutisme), thrombo-embolie, douleurs ou tensions mammaires, galactorrhée, troubles menstruels, rétention hydrique et anémie; la cyprotérone est tératogène (féminisation du foetus masculin).

Note

  • L’association d’acétate de cyprotérone (2 mg) et d’éthinylestradiol (0,035 mg) est utilisée de manière cyclique (21 jours, avec un intervalle de 7 jours) dans les formes légères d’hirsutisme. Dans les formes graves, on y ajoute l’acétate de cyprotérone à une dose jusqu’à 50 mg par jour pendant les 10 premiers jours du cycle.
  • Avec la spironolactone, des signes de féminisation chez le foetus masculin ont été observés, à doses élevées, dans certaines études chez l’animal; on ne dispose pas de données à ce sujet chez l’homme.
  • L’hirsutisme n’est mentionné comme indication que dans la notice des spécialités à base d’acétate de cyprotérone + éthinylestradiol et d’une spécialité à base d’acétate de cyprotérone seul (Androcur® 10 mg et 50 mg) (situation au 1er juillet 2006).

D’après

  • Anonyme.: Pilosité excessive chez les femmes. Différencier hypertrichose et hirsutisme. La Revue Prescrire 2006; 26: 116-22
  • Carmina E.: A risk-benefit assessment of pharmacological therapies for hirsutism. Drug Safety 2001; 24: 267-76
  • Rosenfield R.L.: Hirsutism. N Engl J Med 2005; 353: 2578-88
  • The Cochrane Database of Systematic Reviews.