Quelle est la place des médicaments dans la prise en charge de l’énurésie nocturne?


Abstract

Chez les enfants qui, outre l’énurésie nocturne, présentent aussi des problèmes mictionnels pendant la journée ou de la constipation, ces problèmes doivent d’abord être traités. Dans la prise en charge de l’énurésie nocturne, les aspects psychosociaux sont importants, et des méthodes visant à récompenser l’enfant pour les nuits sèches ainsi que l’usage d’un calendrier peuvent l’aider à devenir propre. Chez beaucoup d’enfants, le problème d’énurésie nocturne disparaît spontanément, et il est admis qu’un traitement ne doit être envisagé qu’à partir de l’âge de 7 ans. Le système d’alarme et la desmopressine sont considérés comme traitements de premier choix. Le système d’alarme exige une implication importante des parents et de l’enfant, mais il est associé à une plus grande chance de réussite et à un risque moindre de récidive par rapport à la desmopressine. En cas d’emploi de la desmopressine, il faut veiller à ce que l’enfant ne boive pas trop le soir. Un anticholinergique peut être utilisé chez les enfants qui ont une faible capacité vésicale et/ou une instabilité vésicale. L’ imipramine n’est à envisager qu’en dernier recours, et sous supervision attentive.

L’énurésie nocturne (" enuresis nocturna ") se définit comme une miction involontaire chez un enfant pendant le sommeil, et ce à un âge auquel le développement neurologique de l’enfant devrait en principe lui permettre d’être propre. Trois mécanismes jouent un rôle dans la pathogénèse de l’énurésie nocturne.

  • Production nocturne d’urine élevée. La sécrétion nocturne de l’hormone antidiurétique (ADH ou vasopressine) est insuffisante pour réduire suffisamment la diurèse nocturne.
  • Elévation du seuil d’éveil. Un enfant présentant une énurésie nocturne ne se réveille pas lorsque la vessie est remplie ou lorsque le muscle detrusor se contracte.
  • Faible capacité vésicale fonctionnelle avec hyperactivité du muscle detrusor.

On admet de plus en plus que les enfants présentant une énurésie nocturne forment un groupe hétérogène, dans lequel une distinction peut être faite entre les enfants présentant une énurésie nocturne "dépendante de la diurèse" (avec surtout une production urinaire élevée pendant la nuit), et les enfants présentant une énurésie nocturne "dépendante du muscle detrusor" (avec surtout une hyperactivité du muscle detrusor pendant la nuit). Cette distinction devrait permettre d’adapter le traitement au type d’énurésie. On ne dispose cependant pas pour le moment de critères adéquats pour distinguer ces patients.

Une anamnèse approfondie, avec une attention particulière en ce qui concerne les habitudes de défécation (la constipation peut influencer l’activité du detrusor), les habitudes alimentaires, le comportement mictionnel pendant la journée, les antécédents familiaux d’énurésie nocturne, et les traitements préliminaires, ainsi qu’un examen clinique suffisent le plus souvent à exclure une affection sous-jacente (p. ex. diabète, infection des voies urinaires), et à poser le diagnostic. Une analyse de sang et des examens invasifs ne sont pas indiqués en routine. Chez les enfants qui présentent aussi des problèmes mictionnels pendant la journée ou de la constipation, ces problèmes doivent d’abord être traités.

Dans la prise en charge d’un enfant présentant une énurésie nocturne, il ne faut pas négliger les aspects psychologiques. Il faut faire comprendre à l’enfant qu’il n’est pas responsable de l’énurésie nocturne, et que d’autres enfants connaissent aussi ce problème.


Qui traiter?

Quel que soit l’âge, le problème disparaît spontanément chez 15% des enfants par année. Tant que l’énurésie nocturne n’exerce pas une influence négative sur l’image de soi et sur le comportement psychosocial de l’enfant, et que l’enfant et/ou les parents ne considèrent pas l’énurésie comme un problème, on peut opter pour une attitude d’expectation. Si cette situation pose des problèmes, un traitement peut être envisagé, mais seulement à partir de l’âge de 7 ans.


Efficacité des traitements proposés

Seuls quelques traitements ont été évalués dans des études cliniques rigoureuses.

Le traitement non médicamenteux pour lequel il existe le plus de preuves d’efficacité est le système d’alarme. Les avantages du système d’alarme sont le pourcentage de réussite important (60 à 70 %), et le fait que des récidives ne surviennent après un traitement réussi que chez 5 à 30% des enfants. L’emploi d’un système d’alarme exige toutefois une motivation et une implication importantes des parents et de l’enfant, et son utilisation doit être généralement poursuivie pendant plusieurs semaines, sans interruption, pour obtenir un effet favorable. Le système d’alarme est considéré, comme la desmopressine (voir plus loin), comme un traitement de premier choix (d’après les recommandations de la NHG-standaard "enuresis nocturna", le système d’alarme est à préférer à la desmopressine).

L’utilisation d’un calendrier pour noter les nuits mouillées et les nuits sèches, et la motivation de l’enfant (par ex. en le récompensant pour une nuit sèche) peuvent l’aider à devenir propre.

L’efficacité de la méthode de réveil, c.-à-d. réveiller l’enfant à heure fixe, est controversée.

En ce qui concerne le traitement médicamenteux, la desmopressine, l’imipramine et les anticholinergiques ont surtout été étudiés.


Desmopressine

La desmopressine, un analogue de la vasopressine, a l’avantage d’agir rapidement. Les pourcentages de réussite varient entre 40 et 80 %, mais beaucoup d’enfants rechutent à l’arrêt du traitement. La dose habituelle est de 20 à 40 μg par voie nasale, administrée au coucher; dans de rares cas, des doses plus élevées peuvent être nécessaires. Chez les enfants qui mouillent leur lit le plus souvent dans les premières heures du sommeil, il peut être préférable d’administrer la desmopressine en début de soirée.

Si aucun effet n’apparaît à court terme (par ex. après deux semaines), il n’est pas justifié de poursuivre le traitement. En cas d’effet bénéfique, il appartient aux parents et à l’enfant de choisir d’administrer la desmopressine chaque soir, ou uniquement de façon occasionnelle, par ex. lorsque l’enfant déloge. Les résultats d’études récentes suggèrent que l’efficacité de la desmopressine persiste sûrement pendant 2 ans. Dans tous les cas, une interruption d’une semaine tous les trois mois est recommandée afin de voir si l’énurésie nocturne a disparu. La chance de réussite d’un traitement par la desmopressine serait plus importante lorsque celle-ci est diminuée de manière progressive.

Les effets indésirables de la desmopressine sont rares à condition que l’enfant ne boive pas trop le soir et la nuit. En effet, une prise trop importante de liquide peut entraîner une hyponatrémie pouvant être grave (convulsions, coma). Chez les enfants, des effets psychiatriques (p. ex. agitation, agressivité) ont été rapportés dans de rares cas avec la desmopressine en présence ou non d’une hyponatrémie [ Geneesmiddelenbulletin 2005; 39: 56].


Anticholinergiques

Dans des études anciennes réalisées avec l’oxybutinine dans un groupe non sélectionné d’enfants présentant une énurésie nocturne, aucune différence n’a été démontrée par rapport au placebo. Des études plus récentes avec l’oxybutinine chez des enfants présentant une hyperactivité du muscle detrusor et chez des enfants ne répondant pas à la desmopressine et au système d’alarme sont encourageantes. Une dose de 5 à 15 mg le soir est proposée (la première semaine la moitié de cette dose). Les effets indésirables de l’oxybutinine sont surtout une sécheresse de la bouche, de la constipation, des vertiges et des troubles du comportement; la constipation limite son utilisation, surtout parce qu’elle peut aggraver l’hyperactivité du muscle detrusor. En cas de traitement prolongé, l’enfant doit être examiné régulièrement à la recherche d’un résidu urinaire [n.d.l.r.: par échographie], vu le risque de colonisation bactérienne et d’infection des voies urinaires. Un traitement associant la desmopressine et l’oxybutinine semble donner des résultats encourageants. La toltérodine est une alternative possible à l’oxybutinine, mais les données chez l’enfant sont rares [n.d.l.r.: le Detrusitol®, à base de toltérodine, n’est pas enregistré en Belgique pour l’emploi chez l’enfant (situation au 16 février 2005)].


Imipramine

Plusieurs études montrent que l’imipramine est efficace chez environ 50 % des enfants traités, mais les récidives à l’arrêt du traitement sont fréquentes. Aux doses thérapeutiques, on observe surtout des effets anticholinergiques et centraux, et des nausées, mais si les doses thérapeutiques sont dépassées, des effets cardiaques pouvant être fatals, peuvent survenir. L’imipramine peut être une alternative en cas d’échec des autres traitements, mais son utilisation requiert la plus grande prudence et une surveillance rapprochée.


Remarque complémentaire

Chez des enfants qui ont des récidives après avoir été propres pendant une longue période (plus de 6 mois), la cause est souvent un événement stressant; une maladie sous-jacente doit être exclue. Selon la NHG-standaard "Enuresis nocturna", la prise en charge sera identique à celle recommandée pour les enfants qui n’ont jamais été propres durant la nuit.


Principales références

  • Darras J, Bogaert G: : Enuresis nocturna: feiten, diagnose en therapie anno 2003. Tijdschr voor Geneeskd 2003; 59: 1387-93
  • Nederlands Huisartsen Genootschap: NHG-standaard Enuresis nocturna (septembre 1996), via www.nhg.artsennet.nl
  • Nevéus T, Lackgren G, Tuvemo T, Hetta J, Hjalmas K, Stenberg A.: Enuresis – background and treatment. Scand J Urol Nephrol Suppl 2000; 206: 1-44
  • Sing RAH, Van Leerdam FJM, Sukhai RN, Van Capelle JW, Froeling FMJA, Vijverberg MAW.: Uitwerking richtsnoer "Enuresis nocturna" voor kinderen met hardnekkige klachten. Ned Tijdschr voor Geneeskd 2003; 148: 17-21