Réactions cutanées induites par les anticoagulants

Plusieurs types de réactions cutanées sont décrites avec les anticoagulants (héparines et antagonistes de la vitamine K).

  • Avec les héparines non fractionnées et les héparines de faible poids moléculaire, la formation d’hématomes au site d’injection a surtout été décrite. Des réactions d’hypersensibilité immédiate (type I), des réactions d’hypersensibilité retardée (type IV) et une nécrose cutanée, bien que rares, sont également décrites, et sont plus fréquentes avec les héparines non fractionnées qu’avec les héparines de faible poids moléculaire.
  • Avec les antagonistes de la vitamine K, des rash urticariens et des exanthèmes maculopapuleux sont décrits. La nécrose cutanée et le syndrome des orteils violacés (&quot purple toe syndrome &quot) sont des réactions rares.

La nécrose cutanée induite par les anticoagulants (héparines et antagonistes de la vitamine K) et le syndrome des orteils violacés induit par les antagonistes de la vitamine K sont discutés de façon plus détaillée ci-dessous.


Nécrose cutanée induite par les anticoagulants

  • La nécrose cutanée induite par les héparines survient surtout après une injection sous-cutanée, le plus souvent mais pas toujours au site d’injection. Quatre à 10 jours après le début du traitement, apparaît d’abord une plaque érythémateuse, douloureuse, bien délimitée, qui évolue en quelques heures vers un purpura, un décollement hémorragique de la peau et/ou une nécrose centrale. En cas de nécrose cutanée, il est important de mesurer les plaquettes sanguines.
  • En cas de thrombopénie associée, il existe aussi le plus souvent des anticorps IgG dirigés contre le complexe héparine/PF4 (" thrombopénie immunologique&quot), entraînant une activation plaquettaire localisée avec un risque d’accidents thrombo-emboliques artériels ou veineux graves.
  • En l’absence de thrombopénie, l’étiologie de la nécrose cutanée n’est pas claire.
  • Lorsqu’une nécrose cutanée survient, l’héparine doit être immédiatement arrêtée. En cas de thrombopénie immunologique induite par l’héparine, un traitement par un antagoniste de la vitamine K ne peut être administré pendant les premiers jours suivant l’arrêt de l’héparine, étant donné qu’une nécrose ischémique distale associée à une thrombose veineuse profonde peut survenir en cas d’instauration immédiate d’un tel traitement. Certains auteurs signalent à propos de la nécrose cutanée induite par les héparines la possibilité de réactions croisées entre les héparines non fractionnées et les héparines de faible poids moléculaire.
  • La nécrose cutanée induite par les antagonistes de la vitamine K survient approximativement chez 1 patient sur 1.000 à 10.000 patients. Cette réaction survient classiquement chez des patients chez qui l’anticoagulation a été trop forte au départ [n.d.l.r.: par ex. lors de l’utilisation d’une dose de charge, ce qui ne se fait pratiquement plus à l’heure actuelle]. Les lésions sont précédées de paresthésies, de douleur et/ou d’une sensation de froid. Un érythème bien délimité apparaît ensuite, et 24 heures plus tard apparaissent des pétéchies et des vésicules hémorragiques en bordure de la lésion. Ces lésions cutanées surviennent le plus souvent 3 à 10 jours après le début du traitement, mais parfois après plusieurs années. Les zones adipeuses sont le plus souvent atteintes: les cuisses, les fesses, les seins et l’abdomen. Chez l’homme, l’atteinte génitale est classique. Le traitement doit être interrompu, mais peut éventuellement être réinstauré plus tard, après un traitement adéquat.

Syndrome des orteils violacés

Le syndrome des orteils violacés ("purple toe syndrome&quot) est une réaction cutanée très rare induite par les antagonistes de la vitamine K, qui survient surtout chez l’homme. Trois à 8 semaines après le début du traitement, une coloration violacée apparaît, le plus souvent bilatéralement, sur les orteils et les bords latéraux du pied. Ces zones sont sensibles et froides à la palpation, bien que le patient se plaigne d’une sensation de brûlure. Il s’agit le plus souvent de patients atteints d’un diabète, d’hypertension artérielle ou d’athérosclérose. La douleur et la sensation de brûlure s’estompent rapidement à l’arrêt du traitement, mais la coloration violacée peut persister plusieurs mois. Le médicament ne peut plus être réintroduit.

D’après:

  • S. Roussel: Réactions cutanées induites par les anticoagulants. Louvain Md. 120 : 192-198(2001)