Traitement hormonal de la (péri)ménopause : le point sur les avantages et les inconvénients

Le traitement hormonal de la ménopause (traitement hormonal, THM) par estrogènes par voie systémique est efficace pour réduire les symptômes vasomoteurs sévères associés à la (péri)ménopause.
Il est efficace pour réduire le risque ostéoporotique et fracturaire déjà à court terme et pendant toute la durée du traitement.
Il expose à court terme à un risque thrombo-embolique et à plus long terme à un risque d’AVC.
Il peut légèrement augmenter le risque de certains cancers hormonodépendants.
L’éventuel impact des différents types d’estrogènes et de progestatifs et un éventuel effet protecteur  sur la démence ne sont pour l’instant pas démontrés.
Des facteurs de risque cardiovasculaires et de cancers tels que le tabac et l’obésité sont aussi des facteurs de risque de symptômes vasomoteurs sévères. Le contrôle de ces facteurs de risque par des mesures non-médicamenteuses peut donc être doublement bénéfique, à court et long terme.
La décision de traiter se fera sur base individuelle, en concertation avec la femme, en prenant en compte ces facteurs de risque.
Si un traitement est instauré pour traiter les symptômes vasomoteurs sévères, il doit l’être pour la période la plus courte possible et à la dose la plus faible possible, en évaluant régulièrement la balance bénéfice-risque.
Il est préférable d’instaurer le traitement le plus tôt possible après la ménopause (et avant 60 ans).
En cas d’utérus en place, un progestatif doit toujours être associé à l’oestrogène pour limiter le risque d’hyperplasie et de cancer de l’endomètre.
L’administration d’estrogènes par voie transdermique est préférable pour limiter le risque thrombo-embolique et d’AVC.
En cas de symptômes principalement génito-urinaires, les estrogènes par voie vaginale sont efficaces et sûrs.

Introduction

Les médias néerlandophones ont récemment relayé des points de vue divergents d’experts concernant les avantages et risques supposés du traitement hormonal de la ménopause (traitement hormonal, THM).
Ce 18 décembre 2024, l’INAMI a publié le rapport du jury de la conférence de consensus du 30 mai 2024 sur « La prise en charge de la ménopause » (version courte et version longue).
C’est l’occasion pour le CBIP de faire le point sur les avantages et inconvénients d’un THM par voie systémique (voie orale ou transdermique) chez les femmes ménopausées à un âge physiologique (≥ 45 ans) et sans comorbidités particulières.
Cet article est aussi basé sur le guideline du NICE « Menopause : identification and management »1, mis  à jour le 7 novembre 2024.

Pour la liste des différentes spécialités concernées par cet article, voir

Effets du traitement hormonal sur les symptômes de la (péri)ménopause

Symptômes vasomoteurs

  • Les symptômes vasomoteurs de la ménopause sont définis par des bouffées de chaleur surtout dans la partie supérieure du corps et le visage, qui peuvent être accompagnées de sueurs, palpitations, anxiété. La nuit, ces bouffées de chaleur peuvent être la cause de réveils fréquents.2

  • Le THM par estrogènes est le traitement le plus efficace pour les symptômes vasomoteurs sévères de la (péri)ménopause (voir chapitre 6.3. Ménopause et substitution hormonale).

Symptômes génito-urinaires

  • En cas de plaintes principalement locales dues à l’atrophie vulvo-vaginale telles que sécheresse vaginale, dyspareunie, infections vaginales et urinaires, incontinence urinaire ou hyperactivité vésicale, un traitement local est recommandé.1,2

  • Ce traitement peut inclure, selon les symptômes, l’utilisation de lubrifiant, de la kiné périnéale ou l’utilisation d’estrogènes par voie vaginale (voir 6.3. Ménopause et substitution hormonale-Positionnement et 6.3.1.3. Estrogènes par voie vaginale).1,2

Troubles psychologiques et cognitifs

  • Ces dernières années, on a accordé plus d’attention à des symptômes psychologiques et cognitifs expérimentés parfois par les femmes, en particulier en périménopause. Ceci inclut des troubles de l’humeur voire des symptômes dépressifs, des troubles du sommeil (aussi indépendamment de la présence de bouffées de chaleur nocturnes), troubles de la concentration, de la mémoire, impression de « brouillard cérébral ».

  • A l’heure actuelle, les preuves d’efficacité d’un THM sur ces symptômes sont limitées.

  • Les estrogènes pourraient avoir un effet bénéfique sur les symptômes dépressifs associés à la (péri)ménopause, mais ceci ne constitue pas une indication pour l’utilisation d’un THM sans symptômes vasomoteurs associés.1,2

  • En cas de dépression sévère ou d’antécédents de dépression et de symptômes dépressifs en périménopause, un THM n’est pas indiqué et une prise en charge psychologique et éventuellement un traitement antidépresseur sont nécessaires.1

Effets préventifs et délétères du traitement hormonal

Ostéoporose

  • Le THM par estrogènes réduit de manière significative le risque d’ostéoporose et/ou de fractures associées. Cet effet est déjà observable après moins d’un an de traitement, quel que soit l’âge auquel le traitement est commencé et persiste pendant toute la durée du traitement. Le bénéfice diminue après l’arrêt.1,2

  • Selon le rapport de la conférence de consensus, un THM peut être envisagé en prévention de l’ostéoporose chez les femmes ménopausées depuis moins de 10 ans ou qui ont moins de 60 ans à haut risque fracturaire et sans contre-indication au THM, même en l’absence de symptômes vasomoteurs.2

  • Selon le guideline du NICE sur l’ostéoporose, un THM peut est considéré comme un traitement chez les femmes ménopausées de moins de 60 ans à haut risque fracturaire et à faible risque pour les thrombo-embolies et les cancers.5

  • Si ces guidelines considèrent qu’un THM peut être un bon choix chez les femmes à haut risque fracturaire, il précisent aussi que la prévention passe avant tout par des mesures avec une meilleure balance bénéfice-risque : activité physique , éviction du tabac, limitation de l’alcool, alimentation équilibrée, apports adéquats en calcium et vitamine D.2,5

Risque thrombo-embolique

  • L’administration orale d’estrogènes seuls ou d’oestro-progestatifs augmente le risque de thrombo-embolie veineuse (TEV), en particulier la 1ère année de traitement. Etant donné l’âge des femmes en périménopause ou ménopausées, le risque dû aux hormones est d’autant plus important à prendre en compte.2

  • Les estrogènes par voie transdermique n’augmentent pas le risque de TEV, même en présence d’autres facteurs de risque importants. Ils constituent une alternative plus sûre dans ce cas.1,2

  • En cas de traitement oral combiné, le jury de la conférence de consensus privilégie la progestérone et la dydrogestérone qui n’augmentent pas ou très peu le risque thrombo-embolique  par rapport aux autres progestatifs pour lesquels le risque est augmenté ou inconnu.2 Le NICE ne se prononce pas au sujet d’une différence entre les différents progestatifs.1

Risque cardiovasculaire

  • Le risque cardiovasculaire et d’AVC augmente chez toutes les femmes après la ménopause1,2, en particulier chez les femmes avec symptômes vasomoteurs importants ou précoces.2

  • A la ménopause peuvent s’ajouter des facteurs de risque tels que tabagisme, hypertension, hypercholestérolémie. Indépendamment de la décision d’instaurer un THM, le moment de la ménopause est l’occasion de faire le point avec les femmes sur leur risque cardiovasculaire et de tenter de contrôler les facteurs de risque modifiables.2

AVC

  • Le risque de base d’AVC est faible chez les femmes entre 50 et 60 ans mais augmente rapidement ensuite.

  • Les oestrogènes par voie transdermique n’augmentent pas le risque d’AVC.

  • L’utilisation d’un THM où les estrogènes sont administrés par voie orale augmente légèrement le risque d’AVC, que ce soit un traitement par estrogènes seuls ou un traitement combiné. Ce risque augmente surtout en cas d’utilisation de dosages élevés d’estrogènes, de traitement de longue durée (≥ 5 ans), si le traitement est débuté à un âge plus élevé, et dans certaines ethnies (en particulier chez les africaines). 1-3

  • Les données sont insuffisantes pour évaluer l’impact des différents progestatifs sur le risque d’AVC.1

Maladie coronarienne

  • Les études ne montrent globalement pas d’effet d’un traitement hormonal combiné (continu ou séquentiel) ou par estrogènes seuls sur le risque de maladie coronarienne ou de mortalité cardiovasculaire chez des femmes de moins de 60 ans. Ceci est également valable pour les femmes avec facteurs de risque cardiovasculaires. 1-3

  • Des données suggèrent que le moment où le THM est instauré peut avoir un impact sur le risque : protecteur avant 60 ans et nocif au-delà de 70 ans (hypothèse de la fenêtre temporelle critique), mais ceci est basé sur des analyses de sous-groupe et n’a pas fait l’objet de RCT spécifique. Le NICE estime que les données sont insuffisantes pour tirer des conclusions à ce sujet.1

Guidelines

  • L’utilisation d’un THM en prévention cardiovasculaire primaire ou secondaire n’est pas indiquée.1,2

  • Si un THM est instauré pour contrôler des symptômes vasomoteurs, il doit l’être le plus tôt possible après la ménopause et/ou avant 60 ans vu la rapide augmentation du risque d’AVC chez les femmes au-delà de 60 ans.2

  • En cas de facteurs de risque cardiovasculaire, si des estrogènes sont nécessaires, ils doivent être administrés de préférence par voie transdermique, à la dose la plus faible possible.1,2

Tumeurs hormono-dépendantes

  • Un THM systémique à long terme peut modifier le risque de cancer hormono-dépendant (cancer du sein, de l’endomètre et de l’ovaire), mais ce risque est différent selon le type d’hormone et le type de cancer.

  • Les guidelines insistent sur l’importance de l’évaluation des facteurs de risque connus et plus importants de cancer, notamment le tabac, l’alcool et l’obésité. Même en cas de facteurs de risque de cancer, le bénéfice à court terme du THM sur les symptômes vasomoteurs sévères peut être plus important que le risque encouru à long terme.1,2

Cancer du sein

  • L’impact des estrogènes seuls sur le risque de cancer du sein semble faible ou nul. Selon le rapport de la conférence de consensus, ils ne modifient pas ou diminuent légèrement le risque de cancer du sein.2 Selon le NICE, ils ne modifient pas ou augmentent très légèrement le risque.1

  • Le THM combiné (estrogène + progestatif) augmente légèrement le risque de cancer du sein, déjà après 5 ans d’utilisation. Le risque est lié au progestatif utilisé. Selon le NHG Standaard Menopauze utilisé comme source dans le rapport de la conférence de consensus, le risque de développer un cancer du sein est moindre avec la dydrogestérone suivie de la progestérone par rapport aux autres progestatifs.2 Le NICE est moins affirmatif et considère que les preuves sont insuffisantes pour conclure à une différence de risque entre les différents progestatifs.1  Ce risque décline à l’arrêt mais peut persister jusqu’à 10 ans après l’arrêt du traitement.1

  • Selon le NICE, un traitement combiné séquentiel (avec une pause entraînant une hémorragie de privation) entraîne moins de risque de cancer du sein qu’un traitement combiné continu (sans pause donc sans hémorragie de privation). L’impact du schéma de traitement est inversé pour le cancer de l’endomètre (voir plus bas).2

  • Pour des données chiffrées, voir aussi Folia de février 2021.

Cancer de l’endomètre

  • Il est connu depuis longtemps qu’un traitement par estrogènes seuls systémiques augmente le risque d’hyperplasie et de cancer de l’endomètre chez les femmes avec un utérus en place.1-3

  • Le risque existe aussi bien pour la voie orale que pour la voie transdermique.1,3

  • Le risque pour un THM combiné (estrogène + progestatif) varie suivant le schéma de traitement (et est le contraire de l’impact sur le risque de cancer du sein, voir plus haut).1,2 Le NICE donne les précisions suivantes :

    • Un THM combiné continu entraîne une diminution du risque de cancer de l’endomètre par rapport à une absence de traitement.3

    • Un THM combiné séquentiel augmente le risque de cancer de l’endomètre par rapport à une absence de traitement. Cette augmentation de risque est liée à la durée de traitement, au faible nombre jour de prise de progestérone par mois, au dosage élevé d’estrogène. Ce risque est cependant moindre qu’avec la prise d’estrogènes seuls.3

  • Pour limiter le risque de cancer de l’endomètre, si un traitement hormonal doit être instauré, les guidelines s’accordent pour proposer :

    • Chez les femmes sans utérus, un estrogène seul.

    • Chez les femmes avec utérus en place, un THM combiné (avec un progestatif pendant au moins 12 jours par mois selon le rapport de la conférence de consensus).1,2

Cancer de l’ovaire

  • Un THM par estrogènes seuls ou combiné augmente le risque de cancer de l’ovaire, déjà après moins de 5 ans de traitement.1,2

Cancer colorectal

  • Un THM combiné semble légèrement réduire le risque de cancer colorectal.2,4

  • Une étude observationnelle montre également une réduction du risque avec les estrogènes seuls.2

  • Le rapport de la conférence de consensus conclut qu’un THM réduit le risque de cancer colorectal mais que la prise d’un THM chez des femmes sans symptômes vasomoteurs dans le seul but de réduire le risque de cancer colorectal n’est pas recommandée.2

Démence

  • Aucune étude randomisée n’a trouvé de preuves d’un effet protecteur du THM sur la démence.1

  • Les résultats d’études observationnelles au sujet du THM combiné sont contradictoires. Il pourrait ne pas augmenter le risque ou l’augmenter lorsqu’il est commencé à partir de l’âge de 65 ans.1 Selon des études observationnelles, un traitement à base d’estrogènes seuls ne semble pas augmenter le risque.1

  • Le THM est contre-indiqué en cas de démence avérée.1,2

  • Etant donné l’absence de preuves probantes, il est déconseillé de commencer un THM dans le seul but de prévenir une démence ou un déclin cognitif.2

Mortalité globale

  • Les données disponibles ne suggèrent pas d’effet significatif du THM sur la mortalité globale.

Commentaires et conclusions

  • Un THM systémique est efficace pour diminuer les symptômes vasomoteurs sévères qui peuvent affecter la qualité de vie, et pour réduire le risque ostéoporotique et fracturaire. Il entraîne un risque d’événements thromboemboliques et d’AVC.

  • L’impact sur le risque de cancers hormonodépendants est variable suivant le type de cancer et le type d’hormone.

  • Les données sont insuffisantes pour affirmer que certains types d’estrogènes ou de progestatifs sont plus sûrs.1,2

  • Il n’y a à ce jour pas de preuve d’un effet sur la prévention des démences, la qualité de vie à long terme ou la mortalité globale.

  • La prise en charge de la ménopause doit se faire sur base individuelle en évaluant soigneusement les facteurs de risque cardiovasculaires et de cancer tels que le tabac, l’alcool ou l’obésité. Les femmes doivent être informées du fait que la réduction de certains de ces facteurs de risque peut avoir un impact positif sur leurs symptômes vasomoteurs. Elles doivent aussi être informées des avantages et inconvénients à court et long terme du THM.

  • Le NICE a développé un outil d’aide à la décision pour évaluer le risque lié au THM dans les 5 à 10 ans : voir « HRT and the likehood of some medical conditions. A discussion aid for healthcare professionnals and patients ».

  • Selon les guidelines, pour le contrôle des symptômes vasomoteurs

    • Il est conseillé de commencer le traitement le plus proche possible de la ménopause pour réduire les risques et augmenter les bénéfices.

    • Il faut privilégier un traitement le plus court possible et au plus faible dosage possible étant donné le risque d’effets indésirables à court et long terme.

    • En cas d’utérus en place, un progestatif doit toujours être associé à l’oestrogène pour réduire le risque d’hyperplasie et de cancer de l’endomètre.

    • La voie transdermique est préférable pour limiter le risque thromboembolique et cardiovasculaire. Si un traitement combiné oestro-progestatif est indiqué, la seule spécialité combinée par voie transdermique est pour l’instant en indisponibilité. Un progestatif par voie orale peut être ajouté.

  • Il n’est jamais indiqué de poursuive le traitement au-delà de 65 ans.

  • En cas de symptômes principalement génito-urinaires, un traitement par estrogènes par voie vaginale est efficace et sûr.


Sources

National Institute for Health and Care Excellence (NICE). Menopause: Diagnosis and Management (NICE Guideline NG23). NICE; 2015 Last updated 07 November 2024. Geraadpleegd op november 26, 2024. https://www.nice.org.uk/guidance/ng23
La prise en charge de la ménopause. Rapport du jury de la réunion de consensus. Texte long. INAMI 30 mai 2024.
3 NG23 Menopause : Discussion aid on HRT and the likelihood of some medical conditions. 07 November 2024.
4 US Preventive Services Task Force. Menopausal Hormone Therapy for the Primary Prevention of Chronic Conditions: US Preventive Services Task Force Recommendation Statement. JAMA. 2022;328(24):2463-2473. Beschikbaar op: https://www.uspreventiveservicestaskforce.org/uspstf/document/RecommendationStatementFinal/menopausal-hormone-therapy-preventive-medication.
5 Clinical Guideline for the prevention and treatment of osteoporosis updated 2024. NOGG. https://www.nogg.org.uk/full-guideline