Communiqué du Centre de Pharmacovigilance
Dénosumab (Prolia®) : risque d’hypocalcémie sévère

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En janvier 2024, l’agence américaine des médicaments (FDA) a émis un avertissement concernant un risque accru d’hypocalcémie sévère lié à l’utilisation de dénosumab chez les patients atteints d’une insuffisance rénale sévère, y compris les patients dialysés. Ce risque est encore plus élevé en cas d’insuffisance rénale chronique avec troubles du métabolisme phospho-calcique.

Le dénosumab est un anticorps monoclonal humain utilisé à une concentration de 60 mg / 1 ml pour le traitement de l’ostéoporose (posologie : 60 mg en 1 injection sous-cutanée tous les 6 mois). Son action consiste à diminuer la résorption osseuse dans l'os cortical et dans l’os trabéculaire.

L’hypocalcémie est depuis longtemps une contre-indication et aussi un effet indésirable connus du dénosumab. Afin de réduire le risque d’hypocalcémie, l’Agence Européenne des Médicaments (EMA) avait déjà pris des mesures de minimisation des risques il y a plusieurs années : voir Folia janvier 2017.

Avertissement de la FDA

En janvier 2024, l’agence américaine des médicaments (FDA) a émis un avertissement (appelé
« black box warning » aux Etats-Unis) concernant un risque accru d’hypocalcémie sévère lié à l’utilisation de dénosumab chez les patients atteints d’une insuffisance rénale sévère (eGFR<30ml/min/1,73m²), y compris les patients dialysés1,2. Ce risque est encore plus élevé en cas d’insuffisance rénale chronique avec troubles du métabolisme phospho-calcique. Aux États-Unis, la « black box warning » est le niveau d’avertissement le plus élevé concernant un effet indésirable dans les notices de médicaments.

Cet avertissement concerne le Prolia®, et non le Xgeva (120 mg dénosumab/1,7 ml) qui est utilisé à des doses plus élevées et dans d’autres indications thérapeutiques.
Par rapport au risque d’hypocalcémie sévère soulevé par la FDA, l’EMA n’a jusqu’à présent pas publié de nouvelles mesures de précaution (situation au 21/05/2024).

L’avertissement de la FDA est basé sur deux études utilisant le Prolia®.

  • La première étude3 comprend une population de 1 523 femmes dialysées traitées par dénosumab et 1 281 femmes dialysées traitées par bisphosphonates oraux. Une incidence nettement plus élevée d'hypocalcémie sévère a été identifiée chez les patientes dialysées traitées par Prolia® par rapport aux bisphosphonates oraux (41% avec le dénosumab contre 2 % avec les bisphosphonates oraux, sur 12 semaines).

  • La seconde étude4 a porté sur le risque d'hypocalcémie sévère nécessitant un traitement d'urgence. La population étudiée comprenait des femmes traitées soit par Prolia®, soit par des bisphosphonates oraux, ou soit par des bisphosphonates intraveineux. La population était classée selon le stade de la maladie rénale chronique et selon la présence ou non de troubles du métabolisme phosphocalcique secondaires à une maladie rénale chronique. L’aggravation de l’insuffisance rénale chronique a été associée à une augmentation du nombre d’hypocalcémies sévère induite par le Prolia®. L’association à un trouble du métabolisme phosphocalcique augmentait le risque d’hypocalcémie sévère induite par le Prolia®.

    Concernant la seconde étude : La population étudiée comprenait 495 269 femmes traitées par dénosumab, 899 331 femmes traitées par bisphosphonates oraux et 212 430 femmes traitées par bisphosphonates intraveineux. Une hypocalcémie sévère nécessitant un traitement d'urgence a été observée chez 242 femmes traitées par dénosumab (218,9/100 000 années-personnes), 57 femmes traitées par bisphosphonates intraveineux (52,1/100 000 années-personnes) et 20 femmes traitées par bisphosphonates oraux (19,4/100 000 années-personnes). L'augmentation du risque d'hypocalcémie sévère avec le Prolia® a atteint son maximum à la semaine 2 après l'administration et est restée élevée par rapport aux bisphosphonates oraux jusqu'à la semaine 10. Dans les 30 jours suivant l'apparition d'une hypocalcémie sévère avec Prolia®, 21 (8,7%) patients présentant ce résultat ont développé des crises d'épilepsie ou des arythmies cardiaques et 8 (3,3 %) patients sont décédés.

L’hypocalcémie sévère se produit généralement entre la 2ème à la 10ème semaine après l’injection de dénosumab. Elle peut être asymptomatique ou se manifester par des spasmes musculaires et crampes, des paresthésies (au niveau des doigts, des orteils, ou autour de la bouche), de la confusion, des convulsions, des arythmies cardiaques et aussi le décès du patient.

Recommandations proposées par la FDA pour réduire le risque d’hypocalcémie sévère

  • Pour tous les patients, y compris ceux en insuffisance rénale sévère :

    • évaluer la fonction rénale avant de débuter un traitement,

    • informer les patients du risque d’hypocalcémie et leur expliquer les symptômes évocateurs,

    • contrôler la calcémie entre la 2ème et la 10ème semaine après l’injection, et au besoin administrer du calcium rapidement,

    • maintenir un apport adéquat en calcium et en vitamine D tout au long du traitement.

  • Pour les patients en insuffisance rénale sévère uniquement :

    ​                                                               En concertation avec le néphrologue :

    • sélectionner rigoureusement le patient en déterminant la pertinence du traitement sur base des facteurs de risque d’hypocalcémie : évaluer la fonction rénale, rechercher les signes de troubles du métabolisme phosphocalcique, et surveiller la calcémie,

    • contrôler et corriger les troubles du métabolisme phosphocalcique, et y compris l’hypocalcémie, avant et tout au long du traitement.

Commentaires du CBIP

Le dénosumab est beaucoup utilisé en Belgique et fait partie du top 25 des principes actifs dans les dépenses de l’INAMI depuis plusieurs années (voir le Folia de février 2024). Pourtant, outre l'hypocalcémie, le dénosumab présente d’autres effets indésirables non négligeables : un « effet rebond » sévère à l’arrêt du dénosumab (avec diminution rapide des valeurs de densité osseuse et un risque de fractures vertébrales spontanées), un risque accru d’infections sévères (notamment une endocardite ou une cellulite), des douleurs musculosquelettiques très fréquentes, une ostéonécrose de la mâchoire (ou plus rarement du conduit auditif externe) et des fractures de stress atypiques.
Sur base des recommandations de la FDA, l’administration de dénosumab chez les patients en insuffisance rénale sévère se fera en concertation avec le néphrologue, après une sélection rigoureuse des patients et en prévoyant une surveillance fréquente.


Nom de spécialités

  • Dénosumab : Prolia® (60mg/1 ml), Xgeva® (120 mg/1 ml) (voir Répertoire)

Sources spécifiques

In Brief: Severe Hypocalcemia with Denosumab (Prolia) in Chronic Kidney Disease. The Medical Letter® on Drugs and Therapeutics Volume 66 March 4, 2024, Volume 56 ISSUE No. 1697 p 40
Worst Pills, Best Pills 2/01/2024 FDA REQUIRES BOXED WARNING FOR DENOSUMAB (PROLIA) BECAUSE OF AN INCREASED RISK OF SEVERE HYPOCALCEMIA FOR SOME PATIENTS
3 Bird ST, Smith ER, Gelperin K, et al. Severe hypocalcemia with denosumab among older female dialysis-dependent patients. JAMA. Published online January 19, 2024.
4 Food and Drug Administration. FDA adds boxed warning for increased risk of severe hypocalcemia in patients with advanced chronic kidney disease taking osteoporosis medicine prolia (denosumab). January 19, 2024. https://bit.ly/3I7zGjb