Le fézolinétant, une alternative à l’hormonothérapie pendant la ménopause ?
Message-clé
L’étude SKYLIGHT 1 est une étude financée par l’industrie qui a évalué la sécurité et l’efficacité du fézolinétant, un nouvel agent non hormonal qui bloque le récepteur de la neurokinine 3 au niveau de l’hypothalamus, dans le traitement des symptômes vasomoteurs (bouffées de chaleur) modérés à sévères chez 522 femmes ménopausées. Les résultats démontrent que le fézolinétant a significativement réduit la fréquence et l’intensité des bouffées de chaleur par rapport au placebo après 12 semaines. Les effets indésirables du traitement par fézolinétant comprenaient maux de tête, douleurs abdominales, diarrhée et élévation réversible des enzymes hépatiques. Les effets indésirables graves ne concernaient que de rares cas1-3.
La sécurité doit encore faire l’objet d’un suivi minutieux, car elle n’a encore été étudiée que chez un petit nombre de patientes et pendant une période relativement courte. Il n’existe pas d’études comparatives directes avec un traitement hormonal substitutif (THS).
En quoi cette étude est-elle importante ?
Les symptômes vasomoteurs (également connus sous le nom de bouffées de chaleur) constituent l’un des principaux symptômes de la ménopause. Dans l’étude Women’s Health Initiative, la prévalence des bouffées de chaleur modérées à sévères était de 24 % chez les femmes âgées de 50 à 54 ans5. D’autres études suggèrent que la prévalence des symptômes vasomoteurs peut grimper jusqu’à 80 % pendant la périménopause2.
les bouffées de chaleur quotidiennes peuvent impacter négativement la qualité de vie et entraîner des troubles du sommeil, de la fatigue ainsi que de l’anxiété et de la dépression2.
En dépit de l’efficacité établie de l’hormonothérapie estrogénique, ce traitement ne peut pas être instauré chez toutes les patientes en raison de certaines contre-indications (voir 6.3. Ménopause). Une enquête mondiale menée en 2021 a révélé qu’un grand nombre de femmes (9 % aux États-Unis, 12 % en Europe et 8 % au Japon) ne sont pas éligibles au traitement hormonal en raison de contre-indications. Par ailleurs, de nombreuses femmes font le choix d’éviter l’hormonothérapie (54 % aux États-Unis, 56 % en Europe et 79 % au Japon)6.
Il persiste donc un besoin d’alternatives non hormonales pour les femmes désireuses de soulager leurs bouffées de chaleur.
Le fézolinétant est un antagoniste sélectif du récepteur de la neurokinine 3 (NK3) qui agit au niveau du centre thermorégulateur de l’hypothalamus.
Le fézolinétant bloque la liaison de certaines neurokinines, ce qui atténue la perturbation du centre thermorégulateur de l’hypothalamus.
Cet article traite de l’étude SKYLIGHT 1, dont les résultats ont été publiés dans le Lancet2.
Conception de l’étude
L’étude SKYLIGHT 1 est une étude de phase III, menée en double aveugle, contrôlée par placebo et randomisée, qui a évalué l’efficacité du fézolinétant administré à raison de 30 mg ou 45 mg par jour par rapport au placebo pendant 12 semaines. L’étude a inclus des femmes âgées de 40 à 65 ans fort impactées par les bouffées de chaleur. Elles présentaient en moyenne au moins sept épisodes de bouffées de chaleur modérées à sévères par jour.
Au moment de l’inclusion, toutes les participantes avaient une aménorrhée spontanée depuis au moins 12 mois ou depuis au moins 6 mois avec un taux de FSH > 40 UI/l, ou avaient subi une ovariectomie bilatérale.
Le critère d’évaluation primaire combiné de l’étude était l’efficacité du fézolinétant, par rapport au placebo, concernant la fréquence et l’intensité des symptômes vasomoteurs modérés à sévères après 4 et 12 semaines. D’importants critères d’évaluation secondaires étaient la qualité du sommeil, la qualité de vie et la sécurité. Ces critères d’évaluation ont été mesurés au moyen de journaux électroniques. Il y a également eu une étude d’extension de 40 semaines, visant à évaluer la sécurité, dans laquelle 152 participantes initialement sous placebo ont été assignées en aveugle à un groupe de traitement par fézolinétant (30 ou 45 mg). L’étude d’extension n’était donc pas contrôlée par placebo, mais bien en aveugle.
Les résultats en bref
Entre juillet 2019 et août 2021, 522 femmes ont été incluses dans l’étude (175 dans le groupe placebo, 173 dans le groupe fézolinétant 30 mg et 174 dans le groupe fézolinétant 45 mg).
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Dans le groupe recevant 30 mg de fézolinétant, la fréquence moyenne des symptômes vasomoteurs modérés à sévères a baissé de 10,7 épisodes à 5,4 épisodes par jour (-48 %) à la semaine 4 et à 3,8 épisodes par jour (-56 %) à la semaine 12. Les investigateurs ont observé une tendance comparable dans le groupe sous 45 mg de fézolinétant, à savoir une diminution de 10,4 épisodes à 5,2 épisodes par jour (-51 %) à la semaine 4 et à 4,1 épisodes par jour (-61 %) à la semaine 12. Le groupe placebo a connu une réduction des symptômes, passant de 10,5 épisodes à 7,3 épisodes par jour (-30 %) à la semaine 4 et à 6,9 épisodes par jour (-35 %) à la semaine 12.
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Le fézolinétant a significativement réduit l’intensité des symptômes vasomoteurs (p = 0,002 pour le groupe fézolinétant 30 mg et p = 0,007 pour le groupe fézolinétant 45 mg) à la semaine 12.
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L’amélioration de la fréquence et de l’intensité des symptômes vasomoteurs modérés à sévères s’est déjà observée après 1 semaine de traitement (p < 0,001 pour la fréquence et p = 0,006 pour l’intensité, et ce pour les deux doses de fézolinétant, par rapport au placebo) et s’est maintenue pendant les 12 semaines de traitement.
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Des effets indésirables ont été signalés par 37 % des femmes du groupe fézolinétant 30 mg, 43 % des femmes du groupe fézolinétant 45 mg et 45 % des femmes du groupe placebo. Le plus fréquent des effets indésirables était le mal de tête (incidence de 5 à 7 %).
Les effets indésirables graves ont été rares (4 cas sur environ 350 femmes traitées par fézolinétant) et variés (voir plus d’infos).Les 5 effets indésirables graves enregistrés :- altération des tests de la fonction hépatique (n = 2) dans le groupe fézolinétant 30 mg ;
- Paresthésies (n = 1) dans le groupe fézolinétant 45 mg ;
- Varices (n = 1) dans le groupe fézolinétant 45 mg ;
- Lithiase biliaire (n = 1) dans le groupe placebo
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Des élévations des enzymes hépatiques ont été notées chez certaines participantes (tant dans le groupe placebo que dans les groupes de traitement), mais elles étaient généralement asymptomatiques et se sont résolues pendant ou après le traitement. L’augmentation des enzymes hépatiques a conduit 2 femmes à arrêter définitivement le traitement.
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Dans une étude d’extension de 40 semaines, les femmes ont conservé leur traitement et celles du groupe placebo ont été divisées aléatoirement et assignées en aveugle soit au groupe fézolinétant 30 mg soit 45 mg. L’efficacité globale du fézolinétant a été maintenue durant cette période mais, comme cette étude n’a pas été contrôlée contre placebo, son niveau de preuve est donc moindre.
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En ce qui concerne les résultats relatifs à la sécurité du traitement, 63 % des femmes passées du groupe placebo au groupe fézolinétant 30 mg, 49 % des femmes passées du groupe placebo au groupe fézolinétant 45 mg, 62 % des femmes du groupe fézolinétant 30 mg et 66 % des femmes du groupe fézolinétant 45 mg ont déclaré au moins un effet indésirable et, au total, 20 effets indésirables graves ont été observés (incidence de 4 %).
Commentaire du CBIP
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Dans cette étude menée en double aveugle et contrôlée par placebo, le traitement par fézolinétant tant à 30 mg qu’à 45 mg a démontré une diminution significative de la fréquence et de l’intensité des symptômes vasomoteurs après une période de 12 semaines, en comparaison au placebo. La diminution relative de la fréquence des symptômes vasomoteurs variait de 56 à 61 % dans les groupes de traitement, et de 30 à 35 % dans le groupe placebo. Pour le fézolinétant à 30 mg, 1 femme tire un bénéfice supplémentaire pour 5 femmes traitées pendant 12 semaines (Number needed to treat, NNT = 5). Pour le fézolinétant à 45 mg, le NNT est de 4 pour 12 semaines de traitement. L’amélioration des symptômes était notable dès la première semaine de traitement et est restée constante tout au long de la période de traitement.
L’étude SKYLIGHT 2, apparue après cette publication du Lancet, est également une étude menée en double aveugle et contrôlée par placebo. L’étude SKYLIGHT 2 a aussi évalué l’efficacité et la sécurité du fézolinétant aux doses de 30 mg et 45 mg. Après 4 semaines, la fréquence des symptômes a diminué de 51,6 % pour le groupe sous 30 mg et de 55,2 % pour le groupe sous 45 mg, contre une diminution de 33,6 % pour le placebo. Après 12 semaines, la diminution était de 58,6 % pour le groupe sous 30 mg et de 64,3 % pour le groupe sous 45 mg, contre 45,4 % pour le placebo. Le NNT après 12 semaines de traitement s’élève à 8 pour le fézolinétant à 30 mg et à 6 pour le fézolinétant à 45 mg7. -
Il est à noter que la réduction absolue du nombre de symptômes par rapport au placebo est plutôt limitée. Dans le groupe fézolinétant 45 mg de l’étude SKYLIGHT 1, le nombre de symptômes vasomoteurs n’a diminué que de 2 à 2,7 bouffées de chaleur par jour, après respectivement 4 et 12 semaines. La question est de savoir si cette différence limitée est cliniquement significative pour les patientes.
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L’expérience relative au profil de sécurité (à long terme) du fézolinétant est encore très limitée et doit faire l’objet de recherches complémentaires :
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Dans cette étude de phase III, contrôlée par placebo et d’une durée de 12 semaines, les déclarations d’effets indésirables graves ont été peu nombreuses (5/222) et comparables au groupe placebo. La possible élévation des enzymes hépatiques pendant le traitement est un sujet de préoccupation. Le RCP conseille de surveiller la fonction hépatique des femmes atteintes d’un trouble hépatique connu ou suspecté tout au long du traitement. L’article paru dans The Medical Letter conseille d’évaluer la fonction hépatique au début du traitement, puis 3, 6 et 9 mois après le début du traitement. Le traitement ne peut pas être instauré si le taux d’ALAT ou d’ASAT est plus de 2 fois plus élevé que la limite supérieure de la normale et/ou si le taux de bilirubine est augmenté1. Les auteurs de l’étude n’ont recensé que 2 cas où l’élévation des enzymes hépatiques a conduit à l’arrêt définitif du traitement. Dans la plupart des cas, l’augmentation des enzymes hépatiques s’est avérée limitée et réversible après l’arrêt du traitement.
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Dans l’étude en ouvert SKYLIGHT 4, qui a inclus 1 830 participantes pendant une période de 52 semaines, les pourcentages d’effets indésirables liés au traitement étaient comparables dans les groupes fézolinétant et dans le groupe placebo (64,1 % dans le groupe placebo, 67,9 % dans le groupe fézolinétant 30 mg et 63,9 % dans le groupe fézolinétant 45 mg)8. Ces chiffres sont comparables à ceux de l’étude d’extension de l’étude SKYLIGHT 1.
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Les études SKYLIGHT ont révélé une légère augmentation des tumeurs en comparaison du placebo, consistant principalement en tumeurs bénignes, malignes et non précisées, y compris kystes et polypes. L’incidence était faible, mais le profil de sécurité doit faire l’objet de recherches complémentaires. Les évaluations de la FDA et de l’EMA n’ont pas établi de lien direct entre le fézolinétant et la survenue de cancer.
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Comme tout nouveau médicament, le fézolinétant s’est vu attribuer un « triangle noir », indiquant la nécessité d’une surveillance supplémentaire en matière de sécurité. En cas de suspicion d’effets indésirables suite au traitement par fézolinétant, il est donc important d’en faire la déclaration à l’aide du formulaire disponible en ligne sur le site web de l’AFMPS.
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Pour ce qui concerne la sécurité après 52 semaines de traitement, nous ne disposons pas de données nous permettant de nous prononcer.
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Le fézolinétant est un substrat du CYP1A2 (voir Tableau Ic. sous Introduction 6.3.). Il existe donc un risque d’interactions médicamenteuses avec les inhibiteurs et les inducteurs du CYP1A2.
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En l’absence d’études comparatives entre le fézolinétant et un traitement hormonal substitutif, il n’est actuellement pas possible de comparer directement leur efficacité.
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La dose recommandée pour le fézolinétant (RCP) est de 45 mg une fois par jour.
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Le prix doit également être pris en compte. Le traitement par fézolinétant coûte 64,51 euros par mois.
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Compte tenu des données limitées, le fézolinétant semble être à ce stade une alternative efficace à la substitution hormonale chez les femmes fortement incommodées, mais, au vu des signaux, le profil d’e sécurité doit être suivi de près et les mesures de précaution doivent être respectées.
Sources
1 Fezolinetant (Veozah) for menopausal vasomotor symptoms. Med Lett Drugs Ther. 2023;65(1679):97-99. doi:10.58347/tml.2023.1679a
2 Lederman S, Ottery FD, Cano A, et al. Fezolinetant for treatment of moderate-to-severe vasomotor symptoms associated with menopause (SKYLIGHT 1): a phase 3 randomised controlled study. Lancet. 2023;401(10382):1091-1102. doi:10.1016/S0140-6736(23)00085-5
3 Prague JK. Neurokinin 3 receptor antagonists for menopausal vasomotor symptoms. Lancet. 2023;401(10382):1055-1058. doi:10.1016/S0140-6736(23)00353-7
4 Douxfils J, Beaudart C, Dogné JM. Risk of neoplasm with the neurokinin 3 receptor antagonist fezolinetant. Lancet. 2023;402(10413):1623-1625. doi:10.1016/S0140-6736(23)01634-3
5 BMJ Best Practice > Menopause > Epidemiology. https://bestpractice.bmj.com/topics/en-gb/194/epidemiology (Laatst geraadpleegd op 09/01/2024).
6 Nappi RE, Kroll R, Siddiqui E, et al. Global cross-sectional survey of women with vasomotor symptoms associated with menopause: prevalence and quality of life burden. Menopause 2021; 28: 875–82.
7 Johnson KA, Martin N, Nappi RE, et al. Efficacy and Safety of Fezolinetant in Moderate to Severe Vasomotor Symptoms Associated With Menopause: A Phase 3 RCT. J Clin Endocrinol Metab. 2023;108(8):1981-1997. doi:10.1210/clinem/dgad058
8 Neal-Perry G, Cano A, Lederman S, et al. Safety of Fezolinetant for Vasomotor Symptoms Associated With Menopause: A Randomized Controlled Trial. Obstet Gynecol. 2023;141(4):737-747. doi:10.1097/AOG.0000000000005114