Communiqué du Centre de Pharmacovigilance
Acide valproïque chez l’homme : prévenir des risques en cas de désir d’enfants
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Chez la femme enceinte, l’utilisation du valproate est contre-indiquée en raison d’un risque augmenté de malformations congénitales (e.a. anomalies du tube neural) et de troubles neurodéveloppementaux. Chez la fille et la femme en âge de procréer, l’acide valproïque ne peut être utilisé que moyennant le respect de précautions strictes reprises dans un programme de prévention de la grossesse [cf. Folia de juin 2018 et le symbole en regard des spécialités]. Faisant suite aux mesures de réduction du risques prises par l’EMA en 2018 quant à l’utilisation du valproate chez la femme, les fabricants de médicaments à base de valproate ont été invités à évaluer les risques liés à l’exposition au valproate chez des hommes avec un désir d’enfants. Les résultats de cette étude suggèrent un potentiel risque accru de troubles neurodéveloppementaux chez les enfants de pères traités par valproate 3 mois avant la conception1. La population étudiée était restreinte et l’étude présentait diverses limitations empêchant de confirmer une relation causale entre l’utilisation de valproate chez les hommes fertiles et le troubles neurodéveloppementaux chez leurs enfants.
Suite aux données de cette étude, le Comité européen de pharmacovigilance (PRAC) a évalué les risques liés à l’exposition des hommes fertiles au valproate et a formulé des mesures de réduction du risque.
L’étude en bref
Il s’agit d’une étude observationnelle rétrospective menée sur la base de 3 registres scandinaves. Cette étude n’a pas encore été publiée.
L’objectif de l’étude était d’évaluer les troubles neurodéveloppementaux chez les enfants nés de pères traités par valproate aux alentours de la conception, par rapport à ceux nés d’hommes traités par lamotrigine ou lévétiracétam (tous en monothérapie).
Le rapport de risque (hazard ratio) pour les troubles neurodéveloppementaux chez les enfants nés de pères traités par valproate, par rapport aux enfants nés de pères traités par lamotrigine ou lévétiracétam, était de 1,5 (IC à 95 % : 1,09-2,07).
Le risque de troubles neurodéveloppementaux variait de 4,0 % à 5,6 % dans le groupe valproate, et de 2,3 % à 3,2 % dans le groupe lamotrigine/lévétiracétam.
Principales conclusions du PRAC
Le PRAC1 conclut qu’il existe possiblement un risque accru de troubles neurodéveloppementaux (5 % vs 3 %) chez les enfants (âgés de 0 à 11 ans) nés d’hommes traités par valproate en monothérapie dans les 3 mois précédant la conception, par rapport à ceux nés d’hommes traités par lamotrigine ou lévétiracétam en monothérapie. Il souligne cependant aussi les limites de l’étude, comme les différences d’indications pour l’utilisation de valproate et la taille restreinte de la population étudiée.
Mesures de réduction du risque chez l’homme fertile
Pour éviter l’exposition au valproate chez l’homme fertile, les mesures suivantes s’appliquent désormais pour réduire les risques1:
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L’avis d’un spécialiste est indiqué au moment d’instaurer un traitement par valproate.
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Les patients doivent être informés du risque potentiel de troubles neurodéveloppementaux et de la nécessité d’une contraception efficace, y compris pour leur partenaire féminine, pendant toute la durée du traitement par valproate et jusqu’à 3 mois après l’arrêt du traitement.
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Le traitement doit être évalué régulièrement pour déterminer si le valproate reste le traitement le plus approprié pour le patient.
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Les hommes qui souhaitent concevoir doivent consulter un spécialiste. Il convient de réévaluer le traitement par valproate et de discuter des alternatives thérapeutiques.
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Les patients doivent être informés qu’ils ne peuvent pas faire de don de sperme pendant le traitement et pendant au moins 3 mois après l’interruption du traitement.
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Du matériel éducationnel relatif au risque tératogène sera remis aux patients de sexe masculin [pas encore disponible à la date du 05/03/2024].
Quelques commentaires
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Selon les RCP, le valproate est indiqué dans le traitement de certaines formes d’épilepsie, ainsi que dans le traitement d’épisodes maniaques lors de trouble bipolaire lorsque le lithium est contre-indiqué ou n’est pas toléré. Le valproate est aussi utilisé off-label (hors indication) pour le traitement prophylactique de la migraine.
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Le CRAT déclare que, à la lumière des données actuellement disponibles et dans l’attente de compléments d’information sur cette étude, il n’est pas justifié de changer, ni d’arrêter, un traitement par valproate chez un homme qui souhaite concevoir2.
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Le Lareb émet une note critique sur l’interprétation de l’étude observationnelle rétrospective sur laquelle repose la recommandation du PRAC. Il régnait notamment dans cette étude un certain flou sur le type d’épilepsie dont les hommes étaient atteints (impliquant un risque de confusion liée à l’indication) et, de manière générale, la taille de l’étude n’était pas suffisante pour établir les troubles du développement pour lesquels le risque était plus élevé. Le Lareb insiste également sur le fait que le risque potentiel lié à l’utilisation paternelle de valproate dans cette étude (5 %) est nettement inférieur au risque établi de troubles du développement (entre 30 et 40 %) chez les enfants nés de mères traitées par valproate pendant la grossesse3.
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Selon une autre étude (Tomson et al.4), l’incidence d’autisme et de déficience intellectuelle était légèrement plus élevée chez les enfants de pères traités par valproate que chez les enfants nés de pères n’utilisant aucun antiépileptique. L’augmentation du risque observée dans cette étude n’était pas statistiquement significative.
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La Revue Prescrire écrit que ces résultats justifient de reconsidérer l’utilisation de l’acide valproïque chez les hommes qui souhaitent concevoir, surtout lorsque d’autres options peuvent être envisagées, comme la lamotrigine, le lévétiracétam, le propranolol, l’amitriptyline et le lithium, pour le traitement de l’épilepsie, de la migraine et de troubles bipolaires, respectivement5.
Noms des spécialités concernées:
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Valproate : Depakine®, Valproate (cf. Répertoire)
Sources
1 https://www.ema.europa.eu/en/news/potential-risk-neurodevelopmental-disorders-children-born-men-treated-valproate-medicines-prac-recommends-precautionary-measures . Een DHPC werd rondgestuurd naar de zorgverstrekkers : via https://basededonneesdesmedicaments.be/usage-humain > zoekterm: valproate > download de DHPC voor elke specialiteit via “DHPC”
2 CRAT. https://www.lecrat.fr/1778/ geraadpleegd op 03/05/2023
3 Lareb. Valproinezuur gebruik door de man met kinderwens. Consulté le 3 mai 2024. Website van Lareb
4 Tomson T, Muraca G, Razaz N. Paternal exposure to antiepileptic drugs and offspring outcomes: a nationwide population-based cohort study in Sweden. J Neurol Neurosurg Psychiatry. 2020;91(9):907-13. PMID:32651245
5 Exposition paternelle à l’acide valproïque avant la conception: troubles du développment neuropsychique chez les enfants? Rev Prescrire 2024; 44 (485): 190-192