Avis négatif de l’EMA pour le molnupiravir : quelle leçon en tirer ?
L’agence européenne des médicaments (EMA) recommande le refus de l’autorisation de mise sur le marché du molnupiravir (Lagevrio®) (EMA, 23/02/23). La firme a demandé une révision de cet avis négatif le 13/03/23.
Le molnupiravir a été développé comme médicament antiviral oral pour le traitement de la COVID-19 chez les patients non hospitalisés ne nécessitant pas de supplémentation en oxygène mais à risque de développer une forme grave. En novembre 2021, l’EMA avait publié un avis, basé sur des résultats intermédiaires, pour assister les états membres qui décideraient d’utiliser le molnupiravir avant l’octroi d’une autorisation [à ce sujet, voir également les Folia de janvier 2022]. Aujourd’hui, en février 2023, l’EMA décide, après avoir analysé toutes les données de l’étude MOVe-OUT, qu’un bénéfice clinique du molnupiravir n’est pas prouvé dans la population étudiée : l’EMA ne peut pas conclure que le molnupiravir réduit le risque d’hospitalisation ou de décès, ou réduit la durée de la maladie ou le délai de rétablissement. Le KCE rapporte que le molnupiravir n’est plus disponible en Belgique suite à l’avis négatif de l’EMA.
En Belgique, le molnupiravir était repris dans les balises pour le traitement médicamenteux de la COVID-19 non sévère en contexte ambulatoire, pour une utilisation exceptionnelle en MRS et chez les patients sévèrement immunodéprimés.
Que nous apprend l’avis négatif de l’EMA pour l’autorisation du molnupiravir ? Tant que la Commission européenne n’accorde pas une autorisation de mise sur le marché à un médicament, il n’y a pas de reconnaissance "officielle", au niveau européen, d’un rapport bénéfice/risque positif. Au moment où l’EMA émettait son avis préliminaire en novembre 2021, les résultats des études n’avaient pas encore été publiés dans une revue révisée par des pairs. Même si les résultats intermédiaires font espérer un effet favorable, et que, dans les situations d’urgence (ce qui était assurément le cas au plus fort de la pandémie), le besoin de traitement est considérable, il reste important de prouver de manière adéquate l’efficacité des médicaments. La publication des résultats complets de l’étude MOVe-OUT dans le NEJM du 10/02/22 a été suivie de commentaires critiques dans des éditoriaux (NEJM, BMJ) et des lettres de lecteurs (NEJM). Même dans les situations d’urgence, les médicaments doivent être autorisés et utilisés sur la base de preuves, et non d'optimisme : “We need evidence, not optimism”.
En avril 2020, l'International Society of Drug Bulletins, organisation à laquelle le CBIP est également affilié, déclarait que la recherche urgente de médicaments et de vaccins contre la COVID-19 ne devait pas nous faire oublier les principes de la pharmacothérapie rationnelle [Folia de mai 2020]. En émettant son avis négatif, l'EMA suit les principes de la pharmacothérapie rationnelle.
Noms de spécialité :
-
Molnupiravir : Lagevrio® (n’a jamais été repris dans le Répertoire).