Bon à savoir
Etude VERTIS-CV (étude de sécurité cardiovasculaire évaluant l’ertugliflozine)

Dans l’étude VERTIS-CV, l’ertugliflozine en traitement add-on apporte la preuve de sa sécurité cardiovasculaire, mais pas celle d’un bénéfice sur des événements cliniques cardiovasculaires et rénaux, chez des patients diabétiques de type 2 avec macroangiopathie avérée.
  • Message clé

    • Selon l’étude VERTIS CV, l’ertugliflozine ne semble pas présenter de bénéfice sur la survenue d’événements cardiovasculaires (ou rénaux) majeurs, mais sa sécurité cardiovasculaire est démontrée.

  • En quoi cette étude est-elle importante ?

    • L’étude VERTIS CV est une étude de sécurité cardiovasculaire dont l’objectif est de rassurer quant à l’innocuité cardiovasculaire de l’ertugliflozine. Les précédentes gliflozines mises sur le marché ont fait l’objet de la même évaluation, discutées dans nos précédentes publications (voir Folia de novembre 2015 pour l’empagliflozine, Folia de août 2017 pour la canagliflozine et Folia de mars 2019 pour la dapagliflozine.

  • Protocole de l’étude

    • RCT en double aveugle, contrôlée par placebo, avec un design de non-infériorité pour le critère d’évaluation primaire (marge de non-infériorité de 1,3). L’analyse de la supériorité n’a pas été prévue dans le protocole pour ce critère d’évaluation primaire, contrairement aux études de sécurité cardiovasculaires avec l’empagliflozine, la canagliflozine et la dapagliflozine.

    • L’analyse de la supériorité n’a été prévue dans le protocole que pour les critères d’évaluation secondaire et de façon hiérarchique.

      L’évaluation de la supériorité est d’abord testée sur le critère d’évaluation secondaire principal. Si cette évaluation montre une supériorité statistique, alors la supériorité des autres critères secondaires est testée. Ceci n’a pas été le cas (voir ci-dessous).
    • Deux dosages d’ertugliflozine ont été testés (5 et 15 mg/j), mais les résultats avec ces 2 dosages ont été évalués ensemble.

    • L’étude a inclus environ 8 000 patients diabétiques de type 2 avec macroangiopathie avérée (soit antécédent cardiovasculaire, soit preuve d’atteinte athéroscléreuse). Environ 20 % des patients présentaient une maladie rénale chronique (eGFR < 60ml/min). Les patients ont été suivis en moyenne pendant 3 ans et demi.

  • Résultats en bref

    • Le critère d’évaluation primaire (soit décès d’origine cardiovasculaire, soit infarctus du myocarde ou AVC non mortel) est survenu chez 11,9% des patients tant dans le groupe ertugliflozine que dans le groupe placebo (HR = 0,97 avec IC à 95 % 0,85 à 1,11 ; p < 0,001 pour la non infériorité).

    • Le critère d’évaluation secondaire principal (soit un décès d’origine cardiovasculaire, soit une hospitalisation pour insuffisance cardiaque) est survenu chez 8,1 % des patients dans le groupe ertugliflozine et chez 9,1 % des patients dans le groupe placebo (HR = 0,88 avec IC à 95 % 0,75 à 1,03 ; p = 0,11 pour la supériorité).

    • L’analyse des autres critères d’évaluation secondaires évoque un bénéfice possible de l’ertugliflozine dans l’insuffisance cardiaque, mais pas de bénéfice rénal. S’agissant de critères secondaires, aucune conclusion ne peut être tirée à partir de ces résultats.

      - Le Hazard Ratio (ertugliflozine versus placebo) pour les hospitalisations pour insuffisance cardiaque est de 0,70 (avec IC à 95 % de 0,54 à 0,90).
      - Le Hazard Ratio (ertugliflozine versus placebo) pour le critère combiné en lien avec la néphropathie (décès d’origine rénale, nécessité de dialyse rénale et doublement du taux de créatinine sérique) est de 0,81 (avec IC à 95 % de 0,63 à 1,04).
    • Les effets indésirables rencontrés avec l’ertugliflozine sont en ligne avec ceux déjà décrits avec les gliflozines : infections génitales (différence statistiquement significative, tant chez la femme que chez l’homme), amputations et acidocétose diabétique (supériorité numérique, mais pas de test statistique, dans les 2 cas).

  • Limites de l’étude

    • Celle des études de sécurité cardiovasculaires, non conçues initialement pour démontrer un bénéfice, mais pour rassurer quant à l’innocuité cardiovasculaire de la molécule (voir Folia de mai 2019). La confiance que l’on peut accorder aux résultats issus de ce format d’études est moins forte que pour des études randomisées contrôlées en double aveugle, avec un design de supériorité.

  • Commentaire du CBIP

    • Le design de cette étude VERTIS CV, sans analyse de la supériorité pour le critère d’évaluation primaire, ne permet pas de conclusions définitives à propos d’un éventuel avantage de l’ertugliflozine sur le risque cardiovasculaire, seule sa sécurité d’emploi sur le plan cardiovasculaire est démontrée. Il est dommage que les auteurs ne mentionnent pas ce qui motive la décision de ne pas analyser la supériorité du critère d’évaluation primaire de l’étude.

    • Le profil de sécurité de l’ertugliflozine est similaire à celui des autres gliflozines.

    • D’une manière plus générale, le design des études de sécurité cardiovasculaire atténue la confiance que l’on peut avoir dans leur résultat. Néanmoins, on constate une différence entre les gliflozines sur le critère primaire de ces études, un combiné d’événements cardiovasculaires majeurs (décès d’origine cardiovasculaire, infarctus du myocarde et AVC non mortels), ce qui suscite des questions et génère des hypothèses. L’empagliflozine (étude EMPAREG ; voir  Folia de novembre 2015) et la canagliflozine (étude CANVAS ; voir Folia de août 2017) ont montré un bénéfice sur ce critère primaire, mais ce n’est pas le cas de la dapagliflozine (étude DECLARE-TIMI ; voir Folia de mars 2019) ni ici de l’ertugliflozine (étude VERTIS CV). Le bénéfice est-il influencé par le design de l’étude, le type de patients inclus ?  Y a-t-il une réelle différence d’efficacité, sur le plan cardiovasculaire, au sein de la classe des gliflozines ?

      - Dans notre Folia de mars 2019 à propos de l’étude DECLARE-TIMI avec la dapagliflozine, nous évoquions que l’absence de bénéfice pourrait s’expliquer en partie par l’inclusion d’une proportion moindre de patients avec antécédents cardiovasculaires et par l’absence de patients avec maladie rénale chronique en comparaison à l’étude EMPAREG. Le résultat de l’étude VERTIS CV décrite ici semble ne pas confirmer cette hypothèse. En effet, le profil de la population incluse dans cette étude évaluant l’ertugliflozine (ainsi que le nombre de patients, la durée de suivi) est proche de celui inclus dans l’étude EMPAREG évaluant l’empagliflozine, alors que les résultats de ces 2 études diffèrent également.
      - Idéalement, pour déterminer si certaines gliflozines présentent des avantages cliniquement pertinents en comparaison à d’autres, et chez quels types de patients, il faudrait disposer d’études randomisées contrôlées en double aveugle comparant directement les différentes molécules de la classe, chez des patients diabétiques avec et sans complications de leur diabète.
    • Certaines gliflozines ont également fait l’objet d’évaluation dans l’insuffisance cardiaque et dans la néphropathie, chez des patients qui ne sont pas forcément diabétiques (empagliflozine et dapagliflozine). Nous avons consacré un article sur ce sujet dans notre Folia de février 2021. L’EMA a récemment accordé de nouvelles indications pour ces 2 molécules (voir Informations récentes de mai 2021, août 2021 et septembre 2021). L’ertugliflozine est actuellement en cours d’évaluation dans ces indications.

 

Sources

- Cannon CP, Pratley R, Dagogo‑Jack S, et al. Cardiovascular Outcomes with Ertugliflozin in Type 2 Diabetes. N Engl J Med 2020; 383:1425-1435. DOI: 10.1056/NEJMoa2004967.