Interactions médicamenteuses susceptibles de provoquer un échec de la contraception hormonale et de la contraception d'urgence

Cet article traite des interactions médicamenteuses qui diminuent l’efficacité des contraceptifs hormonaux et des contraceptifs d'urgence et exposent donc à un risque d’échec contraceptif et de grossesse non planifiée.
- Les femmes sous contraception hormonale doivent être informées du risque potentiel d’interaction de leur contraception avec d’autres médicaments. Lors de l’instauration d’un médicament susceptible d’interagir, le prescripteur doit tenir compte du moyen de contraception de la patiente. Si la prise du médicament responsable de l’interaction est indispensable, il convient de revoir la méthode contraceptive de la patiente.
- En cas de traitement par inducteur enzymatique, il faut tenir compte du fait que l'effet inducteur enzymatique peut persister jusqu’à un mois après l'arrêt du traitement inducteur enzymatique, et que les mesures pour éviter l'interaction doivent être poursuivies pendant 1 mois après l'arrêt d’un tel traitement.
- Voici les points sont abordés dans le présent article :

Cet article traite des interactions médicamenteuses qui diminuent l’efficacité des contraceptifs hormonaux et des contraceptifs d'urgence et exposent donc à un risque d’échec contraceptif et de grossesse non planifiée.

  • Il est essentiel que les femmes en âge de procréer qui prennent des médicaments tératogènes (p .ex. méthotrexate, certains antiépileptiques (voir Répertoire 10.7.), rétinoïdes (voir Répertoire 15.5.)) et qui peuvent devenir enceintes, aient une contraception efficace. Il faut faire particulièrement attention aux éventuelles interactions médicamenteuses chez ces femmes.

  • L’efficacité contraceptive des dispositifs intra-utérins (DIU) au cuivre (stérilet au cuivre) et au lévonorgestrel (stérilet hormonal) ainsi que de la médroxyprogestérone en injection i.m. (piqûre contraceptive) n’est pas influencée par des interactions médicamenteuses.

  • Les antibiotiques ne sont pas des inducteurs enzymatiques, exceptés la rifabutine et la rifampicine (voir plus loin). L'hypothèse selon laquelle les antibiotiques perturbent le cycle entéro-hépatique des estroprogestatifs et réduiraient ainsi leur absorption a été abandonnée. La plupart des sources ne recommandent pas de mesures contraceptives supplémentaires chez les femmes sous antibiothérapie (à l'exception de la rifampicine et de la rifabutine, voir plus loin), sauf si l’antibiothérapie induit des vomissements sévères ou des diarrhées aqueuses sévères (voir plus loin).

  • Points abordés dans cet article :
    Interactions liées à une augmentation du métabolisme des contraceptifs hormonaux et contraceptifs d'urgence.
    Interactions liées à une diminution de l’absorption orale des contraceptifs hormonaux et contraceptifs d'urgence.
    Interactions diverses.

Interactions liées à une augmentation du métabolisme des contraceptifs hormonaux et contraceptifs d'urgence

  • Les inducteurs de l’isoenzyme CYP3A4 (voir Tableau Ic dans le Répertoire, en particulier certains antiépileptiques ou le millepertuis) augmentent le métabolisme hépatique des estrogènes, des progestatifs et de l’ulipristal.

    L’estrogène estétrol (récemment commercialisé comme contraceptif, en association avec la drospirénone, voir Infos récentes octobre 2021) n’est pas métabolisé par le CYP3A4, mais par glucuronoconjugaison (par induction de l'UDP-glucuronyltransférase). Certains inducteurs enzymatiques du CYP3A4 (tels que la rifampicine) sont aussi des inducteurs de la  glucuronoconjugaison, et on considère actuellement que les interactions pour l’estétrol sont identiques à celles des estrogènes en général.
  • Le ritonavir, un médicament anti-VIH, est un inducteur de la glucuronoconjugaison. De cette manière, le ritonavir accélère le métabolisme des estrogènes et probablement aussi celui des progestatifs. D’après les preuves cliniques disponibles, il ne semble pas y avoir d’interaction avec l’ulipristal [voir Folia de janvier 2017].

    Le ritonavir étant également un inhibiteur du CYP3A4, on peut théoriquement s'attendre à une augmentation des concentrations d’estrogènes et de progestatifs. Sur le plan clinique, l'induction de la glucuronoconjugaison (par induction de l’UDP-glucuronyltransférase) prédomine, ce qui aboutit à une diminution de l'exposition aux estrogènes et aux progestatifs.
  • L'effet inducteur enzymatique peut persister jusqu'à 1 mois après l'arrêt de l'inducteur enzymatique.

  • Le tableau 1 reprend les inducteurs enzymatiques qui exposent à une diminution de l’efficacité contraceptive, ainsi que les contraceptifs concernés. Le tableau 2 mentionne les recommandations permettant d’éviter l’interaction. En ce qui concerne les antirétroviraux, nous vous renvoyons également au site Web www.hiv-druginteractions.org.


Tableau 1. Inducteurs enzymatiques exposant à une diminution de l’efficacité contraceptive, et contraceptifs concernés

Inducteurs enzymatiques Contraceptifs concernés
Inducteurs du CYP3A4 (voir aussi Tableau Ic dans Intro.6.3.):
  • inducteurs puissants du CYP3A4
    • certains antiépileptiques : carbamazépine, phénobarbital, phénytoïne primidone
    • antibactériens rifampicine et rifabutine
    • millepertuis
    • autres :
      • dabrafénib
      • enzalutamide
      • lumacaftor
      • mitotane
  • inducteurs moins puissants du CYP3A4
    • bosentan, brigatinib, éfavirenz, étravirine, lésinurad, lorlatinib, modafinil, névirapine, oxcarbazépine, pitolisant, rufinamide, télotristat, topiramate à forte dose (à partir de 200 mg par jour ou plus)a, vandétanib
    • aprépitant et fosapépitant : pendant les 3 jours de traitement, le CYP3A4 est inhibé. Après la fin du traitement, on observe une légère induction du CYP3A4, qui peut persister jusqu’à 2 à 4 semaines.
  • Estroprogestatifs oraux, vaginaux et transdermiques
  • Progestatifs oraux (syn. progestatifs seuls)
  • Progestatif sous forme d’implant (étonogestrel)
  • Contraceptifs d’urgence (lévonorgestrel, ulipristal)
ritonavir estrogènes et probablement aussi progestatifs

a: selon certaines sources, le topiramate est un inducteur du CYP3A4, selon d'autres sources, il n'est pas clair quelles sont les enzymes hépatiques induites.


Tableau 2. Recommandations pour éviter l’interaction

L'effet inducteur enzymatique pouvant persister jusqu’à un mois après l'arrêt du traitement inducteur enzymatique, les mesures doivent être poursuivies pendant 1 mois après l'arrêt du traitement.
Chez les femmes sous estroprogestatifs
(oraux, transdermiques ou vaginaux)
  • En cas de traitement de courte durée (< 2 mois) par un inducteur enzymatique : poursuivre l’estroprogestatif et utiliser une méthode contraceptive supplémentaire (préservatif) jusqu'à un mois après l'arrêt de l'inducteur enzymatique.
  • En cas de traitement de longue durée (> 2 mois) par un inducteur enzymatique :  
    • Si possible, passer à un médicament non inducteur enzymatique.
    • S’il n’est pas possible de remplacer l’inducteur enzymatique : passer à un DIU au cuivre, un DIU au lévonorgestrel ou à la piqûre contraceptive.
    • Note: certaines sources considèrent un estroprogestatif fortement dosé comme une alternative, mais la plupart des sources ne le recommandent pas.
      Selon la FSRH1, une autre méthode possible consiste à augmenter la dose de l’estroprogrestatif oral (à au moins 50 µg d'éthinylestradiol) (sauf lorsque les inducteurs enzymatiques rifampicine ou rifabutine sont utilisés). Cette stratégie d'augmentation posologique des contraceptifs oraux n'est toutefois plus recommandée dans les Commentaren Medicatiebewaking2, en raison du manque de preuves quant à l’efficacité d’une telle méthode. Les experts que nous avons consultés ne considèrent pas non plus l'augmentation posologique comme une bonne solution, et signalent que le passage à des schémas à fortes doses peut affecter l'observance thérapeutique. Si cette méthode est choisie malgré ces objections, les Commentaren Medicatiebewaking soulignent qu’il faut augmenter aussi bien la dose d'estrogène que la dose de progestatif par rapport aux pilules contenant moins de 50 µg d'éthinylestradiol.
Chez les femmes sous progestatif oral (syn. progestatif seul) ou porteuses d’un implant progestatif (étonogestrel)
  • Si possible, passer à un médicament non inducteur enzymatique.
  • S’il n’est pas possible de remplacer l’inducteur enzymatique : passer à un DIU au cuivre, un DIU au lévonorgestrel ou à la piqûre contraceptive.
Chez les femmes nécessitant un contraceptif d'urgence
  • En cas de traitement par un inducteur du CYP3A4 :
    • Premier choix : DIU au cuivre ou DIU au lévonorgestrel (off-label) (dans les 5 jours suivant un rapport sexuel non protégé).
    • Lorsque la pose d’un DIU au cuivre ou d'un DIU au lévonorgestrel est irréalisable ou contre-indiquée (p.ex. en présence d’une infection génitale) :
      • une double dose de lévonorgestrel peut être proposée dans les 72 heures suivant un contact sexuel non protégé.
      • L'ulipristal n'est pas recommandé.
  • En cas de traitement par ritonavir :
    • Premier choix : DIU au cuivre, DIU au lévonorgestrel (off-label) ou ulipristal (dans les 5 jours suivant un rapport sexuel non protégé).
    • Lorsqu’un DIU au cuivre, un DIU au lévonorgestrel ou l'ulipristal ne peut pas être envisagé ou est contre-indiqué : une double dose de lévonorgestrel peut être proposée dans les 72 heures suivant un rapport sexuel non protégé.


Interactions liées à une diminution de l’absorption orale des contraceptifs hormonaux et contraceptifs d'urgence

Médicaments provoquant des diarrhées aqueuses sévères et/ou des vomissements

  • Quels sont les médicaments concernés ?

    • Médicaments susceptibles de provoquer des diarrhées aqueuses sévères : p.ex. les laxatifs, l'orlistat [voir Folia de mai 2017].

    • Médicaments susceptibles de provoquer des vomissements : p.ex. les chimiothérapies, la colchicine, la morphine.

  • Quels sont les contraceptifs influencés ? Contraceptifs oraux, contraceptif d'urgence au lévonorgestrel ou à l'ulipristal.

  • Recommandations pour éviter l'interaction :

    • Pour les contraceptifs oraux :

      • Si les vomissements ont lieu dans les trois heures après la prise de la pilule contraceptive ou si la diarrhée aqueuse sévère persiste plus de 24 heures : il faut suivre les mêmes règles que lors d’un oubli de pilule (voir Tableau 6a dans le Répertoire).

      • En cas de diarrhée ou de vomissements persistants : il est conseillé de choisir une autre méthode de contraception (qui ne soit pas orale). 

    • Pour les contraceptifs d’urgence : 

      • Si les vomissements ont lieu dans les trois heures après la prise de la pilule contraceptive ou si la diarrhée aqueuse sévère persiste plus de 24 heures: il est conseillé de reprendre un comprimé de lévonorgestrel ou d’ulipristal.

      • En cas de diarrhée ou de vomissements persistants : le DIU au cuivre ou le DIU au lévonorgestrel (off-label) constituent le premier choix.  


Résines échangeuses d'anions : colestipol et colestyramine

  • Quels sont les contraceptifs influencés ? Contraceptifs oraux, contraceptif d'urgence au lévonorgestrel
  • Recommandations pour éviter l'interaction : il semble prudent de recommander de prendre le contraceptif oral, ou le contraceptif d’urgence au lévonorgestrel, au moins 1 heure avant la colestyramine ou le colestipol ou 4 à 6 heures après.

Charbon actif (même utilisé à faible dose)

  • Quels sont les contraceptifs influencés ? Contraceptifs oraux, contraceptif d'urgence au lévonorgestrel ou à l'ulipristal.
  • Recommandations pour éviter l'interaction : les RCP recommandent de prévoir une autre méthode de contraception. Stockley note que le charbon actif à faible dose semble avoir peu d'effet sur l’absorption des contraceptifs oraux lorsque les deux sont pris séparément (prise du charbon actif 3 heures après et au moins 12 heures avant le contraceptif).


Interactions diverses

Progestatifs + contraceptif d’urgence à l’ulipristal

  • Mécanisme : compétition possible (antagonisme) au niveau du récepteur de la progestérone entre les progestatifs et l'ulipristal. Les progestatifs pourraient ainsi diminuer l’efficacité de l’ulipristal.

  • Recommandations pour éviter l'interaction : L’ulipristal n’est pas le premier choix de contraception d’urgence chez les femmes qui prennent une contraception hormonale contenant un progestatif : voir aussi Folia de novembre 2019 et Positionnement dans chapitre 6.2.4. du Répertoire. Dans ce cas, le lévonorgestrel, le DIU au cuivre ou le DIU au lévonorgestrel (off-label) sont le premier choix. Pour la même raison, il est recommandé d’attendre 5 jours après la prise d’ulipristal avant de reprendre un progestatif seul (un estroprogestatif peut être repris sans attendre).

Lamotrigine + contraception hormonale (orale)

  • Mécanisme : inconnu. Des cas de grossesse ont été notifies chez des femmes sous contraception hormonale orale et prenant de la lamotrigine. Aucune donnée n’est disponible pour les contraceptifs hormonaux administrés par d’autres voies. (note : les contraceptifs oraux peuvent diminuer les concentrations plasmatiques de la lamotrigine. Durant la semaine sans prise de pilule, une augmentation des taux de lamotrigine a été observée, avec risque de toxicité.)
  • Recommandations pour éviter l'interaction : le DIU au cuivre ou le DIU au lévonorgestrel sont le premier choix de méthode contraceptive chez une femme devant prendre de la lamotrigine.

Felbamate + associations estroprogestatives orales contenant du gestodène

  • Mécanisme : clairance accrue du gestodène, sans effet sur la clairance de l'éthinylestradiol. Il n'est pas clair si d'autres progestatifs sont également influencés. Le felbamate pourrait ainsi réduire l'efficacité des contraceptifs oraux contenant du gestodène.
  • Recommandations pour éviter l'interaction : si le traitement par le felbamate ne peut être remplacé, il est conseillé d’éviter une contraception hormonale orale contenant du gestodène et de choisir une autre méthode contraceptive.


Sources généraux et spécifiques

Clinical Guidance: Drug interactions with hormonal contraception. The Faculty of Sexual and Reproductive Healthcare (FSRH) 2019, via https://www.fsrh.org/documents/ceu-clinical-guidance-drug-interactions-with-hormonal/
Commentaren medicatiebewaking (version électronique, dernière consultation le 15/09/21)
3 Stockley’s drug  interactions (version électronique, dernière consultation le 15/09/21)
4 Prescrire Guide des interactions médicamenteuses
5 Anticonceptie. NHG Richtlijnen, 2020.
6 La Revue Prescrire 2018 ; 38 (420) : 747 Implants contraceptifs à l’étonogestrel et inducteurs enzymatiques : grossesses
7 La Revue Prescrire 2016 ; 36 (397) : 826-7. : contraceptif hormonal + inducteur enzymatique : grossesses non désirées
8 Martindale. The complete drug reference. Consulté pour la dernière fois le 04/03/2021.
9 FSRH CEU Statement: Response to Recent Publication Aronson and Ferner, 2020 “Analysis of reports of unintended pregnancies associated with the combined use of non-enzymeinducing antibiotics and hormonal contraceptives” 2 February 2021. Via https://www.fsrh.org/standards-and-guidance/documents/fsrh-ceu-response-to-study-analysis-of-reports-of-unintended/
10 Turok DK, Gero A et al. Levonorgestrel vs. Copper Intrauterine Devices for Emergency Contraception. N Engl J Med. 2021;384(4):335-44 (doi: 10.1056/NEJMoa2022141)