L'association de tilidine/naloxone (Valtran®) sera retirée du marché
L'association de tilidine + naloxone (un opioïde associé à un antagoniste opioïde), mieux connue sous le nom de Valtran® (voir le Répertoire 8.3.2.), ne sera plus commercialisée. Tant les gouttes que les comprimés à libération prolongée ne seront plus disponibles sur le marché après épuisement des stocks. Si la demande de Valtran® reste égale, on présume que les stocks seront épuisés en décembre 2021.
Les données de consommation ainsi que le retour des experts montrent que l'association de tilidine + naloxone (Valtran®) est souvent utilisée de façon chronique et qu'il existe en pratique une importante problématique d'abus.
La consommation chronique la plus importante augmente fortement à partir de l'âge de 40 ans, pour atteindre un maximum entre 50 et 70 ans, après quoi elle baisse à nouveau entre 70 et 79 ans. C'est surtout la forme buvable en gouttes, à action rapide, qui est utilisée.3
Sans vouloir généraliser, les experts estiment que la tilidine + naloxone (Valtran®) est souvent utilisée longtemps (et trop) par les patients avec des douleurs chroniques, en association avec d'autres analgésiques et benzodiazépines, le tout greffé sur une problématique psychosociale sous-jacente.
L'arrêt brutal de l'utilisation peut entraîner des symptômes de sevrage potentiellement sévères.
Le but de cet article est de proposer un guide pour réduire progressivement l'association de tilidine + naloxone (Valtran®) avec le maximum de sécurité. Du fait de l'association de la tilidine et de la naloxone, une rotation d'opioïdes vers un autre opioïde n'est pas un choix judicieux. Seul le sevrage progressif est une option rationnelle. Bien que le médecin et le patient puissent craindre que la douleur chronique pour laquelle le produit a été initialement instauré réapparaisse et devienne insupportable en cas de réduction de dose, nous rappelons que l'effet analgésique des opioïdes utilisés sur base chronique est (très) fortement réduit [voir également l'article des Folia “Sevrage progressif des opioïdes dans le cadre de douleurs chroniques”, juin 2021]. Le retrait du Valtran® du marché crée une occasion unique d'arrêter chez de nombreux patients l'emploi inutile ou inadéquat des opioïdes dans une population majoritairement âgée. Le passage à un autre opioïde (même faible) n'est ni étayé, ni opportun.
Il n'existe que peu d'arguments scientifiques sur les schémas de sevrage progressif de la tilidine + naloxone, et nous faisons dès lors appel aux guides de pratique les plus récents et aux opinions d'experts. Nous recommandons également la lecture de l'article des Folia “Sevrage progressif des opioïdes dans le cadre de douleurs chroniques” (juin 2021) qui approfondit les divers aspects du sevrage progressif des opioïdes.
Il est demandé aux médecins d'évoquer dès maintenant avec leurs patients l'arrêt de la commercialisation et le sevrage progressif du Valtran® et de ne plus prescrire le produit que dans le cadre du sevrage progressif. Le schéma de sevrage ci-dessous mentionne le nombre concret de préparations nécessaires pour couvrir le schéma complet. Cette quantité dépend du nombre de doses quotidiennes que le patient prend.
Plan de traitement pour le sevrage progressif
Comme le Valtran® est souvent utilisé longtemps sur une base chronique, le sevrage progressif sera souvent compliqué. La concertation entre le médecin traitant, le pharmacien et le patient sera nécessaire, ainsi qu'un temps suffisant. Si le processus s'avère trop difficile, il se déroulera de préférence en concertation avec un algologue ou un médecin spécialisé dans la prise en charge des dépendances, ou en envisageant d'adresser le patient au spécialiste.
La probabilité de symptômes de sevrage est grande. Nous vous renvoyons à l'article des Folia “Sevrage progressif des opioïdes dans le cadre de douleurs chroniques” (juin 2021), qui expose ces symptômes et leur traitement éventuel. Il est important, lors de l'apparition de symptômes de sevrage, de s'arrêter à la dose précédente du schéma de sevrage jusqu'à ce que le patient se sente prêt à poursuivre le sevrage. Il faut absolument éviter d'augmenter à nouveau la dose.
Par analogie avec les schémas de sevrage concrets proposés dans les Folia de juin 2021, nous proposons ci-dessous des schémas de sevrage pour les gouttes et pour les comprimés à libération prolongée de tilidine + naloxone (Valtran®). Il s'agit d'un fil conducteur visant à effectuer une réduction aussi progressive que possible. L'adaptation individuelle de ce schéma comme par exemple un étalement plus long est toujours réalisable, en concertation avec le patient. Il est évident qu'il faudra tenir compte du fait que la disponibilité du Valtran® diminuera progressivement au cours des mois à venir.
Schéma de sevrage pour la tilidine + naloxone (Valtran®): en gouttes
Procédez selon les étapes suivantes:
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Il est recommandé de réduire la prise des gouttes à trois prises par jour, toujours au même moment, afin de maintenir des taux plasmatiques les plus réguliers possibles. Idéalement toutes les 8 heures.
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Comptez le nombre total de gouttes que le patient prend chaque jour.
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Cherchez dans la 1ère colonne du tableau ci-dessous le nombre de gouttes le plus proche de ce total. La 2ème colonne donne le nombre de gouttes par prise toutes les 8 heures.
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Si le nombre de gouttes est supérieur à 120 gouttes par jour, réduisez chaque jour de 6 le nombre de gouttes (c'est-à-dire diminuez chaque prise toutes les 8 heures de 2 gouttes). Une fois arrivé à 120 gouttes par jour, passez à l'étape ci-dessous.
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Si le nombre de gouttes est inférieur à 120 gouttes par jour, réduisez chaque jour de 3 gouttes la dose totale (c'est-à-dire réduisez d'une goutte chaque prise toutes les 8 heures) jusque 0.
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-
L'avant-dernière colonne montre le temps nécessaire pour couvrir le schéma de sevrage. Le maximum est de 8,5 semaines. Le schéma commence à la dose maximale de la préparation.
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La dernière colonne est une estimation du nombre total de flacons nécessaires pour réaliser le sevrage, à partir du moment où on instaure le schéma.
-
Si le sevrage selon ce schéma s'avère difficile, il est conseillé de le faire en concertation avec un algologue ou un médecin spécialisé dans la prise en charge des dépendances.
Tableau 1 : Schéma de sevrage pour la tilidine+naloxone (Valtran®) en gouttes
Nombre de gouttes par jour |
Nombre de gouttes par prise |
mg de tilidine |
% de réduction |
Temps nécessaire |
Nombre de flacons |
240 (dose max.) |
80 |
600,0 |
|
Semaine 8+3 jours |
4 |
234 |
78 |
585,0 |
3 |
|
4 |
228 |
76 |
570,0 |
3 |
|
4 |
222 |
74 |
555,0 |
3 |
Semaine 8 |
4 |
216 |
72 |
540,0 |
3 |
|
4 |
210 |
70 |
525,0 |
3 |
|
3 |
204 |
68 |
510,0 |
3 |
|
3 |
198 |
66 |
495,0 |
3 |
|
3 |
192 |
64 |
480,0 |
3 |
|
3 |
186 |
62 |
465,0 |
3 |
|
3 |
180 |
60 |
450,0 |
3 |
Semaine 7 |
3 |
174 |
58 |
435,0 |
3 |
|
3 |
168 |
56 |
420,0 |
3 |
|
3 |
162 |
54 |
405,0 |
4 |
|
3 |
156 |
52 |
390,0 |
4 |
|
2 |
150 |
50 |
375,0 |
4 |
|
2 |
144 |
48 |
360,0 |
4 |
|
2 |
138 |
46 |
345,0 |
4 |
Semaine 6 |
2 |
132 |
44 |
330,0 |
4 |
|
2 |
126 |
42 |
315,0 |
5 |
|
2 |
120 (dose standard) |
40 |
300,0 |
5 |
|
2 |
117 |
39 |
292,5 |
3 |
|
2 |
114 |
38 |
285,0 |
5 |
|
2 |
111 |
37 |
277,5 |
5 |
|
2 |
108 |
36 |
270,0 |
5 |
Semaine 5 |
2 |
105 |
35 |
262,5 |
3 |
|
2 |
102 |
34 |
255,0 |
3 |
|
2 |
99 |
33 |
247,5 |
3 |
|
2 |
96 |
32 |
240,0 |
3 |
|
1 |
93 |
31 |
232,5 |
3 |
|
1 |
90 |
30 |
225,0 |
3 |
|
1 |
87 |
29 |
217,5 |
3 |
Semaine 4 |
1 |
84 |
28 |
210,0 |
3 |
|
1 |
81 |
27 |
202,5 |
4 |
|
1 |
78 |
26 |
195,0 |
4 |
|
1 |
75 |
25 |
187,5 |
4 |
|
1 |
72 |
24 |
180,0 |
4 |
|
1 |
69 |
23 |
172,5 |
4 |
|
1 |
66 |
22 |
165,0 |
4 |
Semaine 3 |
1 |
63 |
21 |
157,5 |
5 |
|
1 |
60 |
20 |
150,0 |
5 |
|
1 |
57 |
19 |
142,5 |
5 |
|
1 |
54 |
18 |
135,0 |
5 |
|
1 |
51 |
17 |
127,5 |
6 |
|
1 |
48 |
16 |
120,0 |
6 |
|
1 |
45 |
15 |
112,5 |
6 |
Semaine 2 |
1 |
42 |
14 |
105,0 |
7 |
|
1 |
39 |
13 |
97,5 |
7 |
|
1 |
36 |
12 |
90,0 |
8 |
|
1 |
33 |
11 |
82,5 |
8 |
|
1 |
30 |
10 |
75,0 |
9 |
|
1 |
27 |
9 |
67,5 |
10 |
|
1 |
24 |
8 |
60,0 |
11 |
Semaine 1 |
1 |
21 |
7 |
52,5 |
13 |
|
1 |
18 |
6 |
45,0 |
14 |
|
1 |
15 |
5 |
37,5 |
17 |
|
1 |
12 |
4 |
30,0 |
20 |
|
1 |
9 |
3 |
22,5 |
25 |
|
1 |
6 |
2 |
15,0 |
33 |
|
1 |
Légende
|
Schéma de sevrage de la tilidine + naloxone (Valtran®) : comprimés à libération prolongée
Procédez selon les étapes suivante:
-
Cherchez dans la première colonne du tableau 2 ci-dessous la dose quotidienne que le patient prend actuellement. C'est le point de départ de son schéma de réduction.
-
Réduisez toutes les deux semaines. Il est possible de prolonger la périodicité, pour autant que l'on dispose des quantités nécessaires. Ceci est déterminé individuellement, en concertation avec le patient.
-
Il est préférable de respecter également les prises à heures fixes, une prise à 8 heures et à 20 heures.
-
Le schéma est calculé à partir des dosages commercialisés disponibles actuellement, c'est-à-dire 50 mg, 100 mg et 150 mg.
-
Il est préférable de convenir au préalable avec le pharmacien du nombre de comprimés nécessaire (et de quelles doses) pour garantir un nombre suffisant de conditionnements. Diverses associations sont possibles en raison des différents dosages commerciaux et nombres de comprimés par conditionnement. Il est préférable de viser le moins d'excédents possibles, et de convenir exactement entre patient et pharmacien quelle sera leur destination.
-
Si le sevrage s'avère trop difficile, le patient sera adressé à un algologue ou un médecin spécialisé dans la prise en charge des dépendances.
Tableau 2 : Schéma de réduction de la tilidine+naloxone (Valtran®) comprimés à libération prolongée
Dosage initial (mg/24 heures) et |
Schéma de sevrage (dose du matin et du soir) |
600 |
2x150 et 2x150 |
500 |
150+100 et 150+100 |
400 |
2x100 et 2x100 |
300 |
150 et 150 |
200 |
100 et100 |
100 |
50 et 50 |
50 |
50 (le soir) |
Sources spécifiques
2. VAD, Vlaams expertisecentrum Alcohol en andere Drugs. Dossier Opioïde Pijnstillers. 2018. Via https://www.vad.be/catalogus/detail/dossier-opioide-pijnstillers (laatst geraadpleegd op 29/07/2021)
3. INAMI, Rapport du jury, L'usage rationnel des opioïdes en cas de douleur chronique. Réunion de consensus du 6 décembre 2018. Via https://www.inami.fgov.be/SiteCollectionDocuments/consensus_texte_long_20181206.pdf (consulté la dernière fois le 29/07/2021)