Bon à savoir
Traitement hormonal substitutif : confirmation d’un faible risque accru de cancer du sein par une étude cas-témoins sur un échantillon

Une étude cas-témoins sur un échantillon (nested case control study), publiée en septembre 2020 dans le BMJ, analyse le risque de cancer du sein associé à différents types et différentes durées d’utilisation de traitements hormonaux substitutifs. Les résultats confirment un risque accru de cancer du sein avec les associations estroprogestatives et très légèrement accru avec les estrogènes en monothérapie. Ce risque n’est pas accru avec les estrogènes par voie vaginale. Selon cette étude, l’association estradiol + dydrogestérone est l’association estroprogestative associée au risque de cancer du sein le plus faible.

L’étude cas-témoins sur un échantillon

Dans les Folia de novembre 2019, février 2020 et novembre 2020 nous avons publié des données récentes concernant le traitement hormonal de substitution lors de la ménopause. Une étude cas-témoins sur un échantillon1 (nested case-control study) sur ce sujet vient d’être publiée.

Une étude cas-témoins sur un échantillon est une étude observationnelle rétrospective qui utilise les données prospectives d’une cohorte existante regroupant aussi bien les cas (présentant la maladie) que les témoins (ne présentant pas de signes de la maladie étudiée), eux-mêmes sélectionnés sur des critères précis (sexe, âge, exposition, etc.). Elle permet donc de mieux contrôler certains biais de confusion, dont le biais de déclaration. Une des faiblesses de ce genre d’étude est le biais de sélection2. Dans cette étude-ci, les cas et les témoins ont été extraits d’une vaste cohorte représentative de la population générale, donc on peut considérer le biais de sélection comme très faible. Cependant, il s’agissait de données extraites de bases de données de première ligne, qui ne sont pas spécifiquement destinées à être utilisées pour une étude scientifique. L’enregistrement des données dans ce genre de bases de données n’est donc pas toujours optimal.

Etude

L’étude discutée ici a analysé séparément, puis combiné les données des deux plus grandes bases de données anglaises en soins de première ligne. L’échantillon étudié est composé de 98 611 femmes de 50 à 69 ans ayant eu un cancer du sein. Pour chaque cas, un maximum de cinq témoins (mêmes âge, cabinet médical et date de référence) a été sélectionné (groupe témoin = 457 498). Dans chacun des deux groupes, environ un tiers des femmes a pris un traitement hormonal substitutif. La durée du suivi est de 20 ans.

Résultats

Il ressort de cette étude que le risque de cancer du sein

  • augmente de manière significative avec les associations estroprogestatives, sauf avec l’association estradiol-dydrogestérone (voir plus loin)

  • augmente très légèrement avec les estrogènes en monothérapie

  • n’augmente pas avec les estrogènes administrés par voie vaginale

  • augmente avec la durée du traitement, surtout après une durée d’utilisation de plus d’un an et pour les associations estroprogestatives

  • diminue rapidement après l’arrêt du traitement, mais peut perdurer jusqu’à plus de 5 ans pour certaines associations estroprogestatives

  • ne semble pas influencé par le type ou le dosage de l’estrogène

  • Toute exposition par voie orale à un traitement hormonal substitutif est associée à un risque accru de cancer du sein (rapport de cotes ajusté 1.21, IC 95% 1.19 - 1.23). Ce risque accru est principalement attribué aux associations estroprogestatives (RC 1.26, IC à 95% 1.24 - 1.29), est très faible avec les estrogènes en monothérapie (RC 1.06, IC à 95% 1.03 - 1.10), comparé aux femmes n’ayant jamais utilisé de traitement hormonal substitutif.

  • Chez les femmes qui avaient utilisé au long cours des estrogènes en monothérapie ou qui avaient utilisé à court terme (< 5 ans) une association estroprogestative, le risque n’était plus accru après minimum 5 années d’arrêt. Par contre, chez les femmes qui avaient utilisé au long cours une association estroprogestative, le risque restait accru après l’arrêt (RC 1.16, 1.11 à 1.21, ce qui représente 2 à 8 cas de cancer du sein supplémentaires pour 1.000 années-patients).

  • Pour 10.000 années-patients, on peut s’attendre à 3 à 8 cas de cancer du sein supplémentaires (en fonction de l’âge) chez les femmes qui utilisent (ou ont utilisé il y a moins d’un an) des estrogènes en monothérapie, et 9 à 36 cas supplémentaires chez celles qui utilisent une association oestroprogestative.

  • 2 ans après l’arrêt du traitement, aucun risque significatif de cancer du sein n’a été observé avec les estrogènes en monothérapie, les associations estradiol + noréthistérone et estradiol + dydrogestérone. Pour la médroxyprogestérone, ce risque avait diminué 2 ans après l’arrêt du traitement mais persistait jusqu’à 5 ans après arrêt. Pour le lévonorgestrel, jusqu’à 10 ans.

Les risques mentionnés dans cette étude-ci pour les traitement estroprogestatifs sont moins élevés que dans la méta-analyse publiée dans The Lancet en 20193 (voir Folia de novembre 2019). De plus, la diminution du risque après arrêt du traitement est plus notable dans cette étude, comparée à la méta-analyse.
Contrairement aux résultats de la méta-analyse de 2019, selon cette étude, le type de progestatif influencerait le risque de cancer du sein. Ce risque semble le plus élevé avec les associations estroprogestatives contenant de la noréthistérone et le moins élevé avec celles contenant de la dydrogestérone, après minimum 5 ans d’utilisation.

  • Après minimum 5 ans d’utilisation, le risque de cancer du sein est le plus faible pour la dydrogestérone (RC 1,24 ; 1,03 – 1,48) et le plus élevé pour la noréthistérone (RC 1,88 ; IC à 95% 1,79 – 1,99).

  • Pour une durée d’utilisation de moins de 5 ans, le risque de cancer du sein avec la dydrogestérone est très faible et statistiquement non significatif (RC <1 an : 1,04 (0,94 – 1,15), 1-4 ans : 0,97 (0,88 – 1,08)). La noréthistérone, le lévonorgestrel, et la médroxyprogestérone sont tous associés à des risques accrus similaires pour une durée d’utilisation de plus d’un an, ce risque augmentant de manière similaire avec la durée d’utilisation.

  • Les auteurs de l’étude ne donnent pas d’explication à ces différences de risque en fonction des progestatifs et de leur durée d’utilisation.

Conclusion et avis du CBIP

Les résultats de cette étude concordent de manière générale avec ceux de la méta-analyse publiée dans The Lancet en 20193 (voir Folia de novembre 2019) et ceux de l’étude publiée dans JAMA en 20204 (voir Folia novembre 2020).
Sur la base de cette nouvelle étude, le CBIP maintient son avis : "le THS peut avoir une place comme traitement à court terme (< 1 an) des troubles gênants liés à la ménopause. Cette décision doit être prise en consultation avec la patiente et la nécessité de continuer le traitement doit être évaluée régulièrement. [...] Si le THS est envisagé sur une longue période (> 1 an et certainement > 5 ans), par exemple en prévention de l’ostéoporose, le rapport bénéfice/risque doit être discuté avec la patiente : celle-ci doit être clairement informée du risque accru de cancer du sein (et de thromboembolie).".
Selon cette nouvelle étude, une association contenant de la dydrogestérone serait la plus sûre en termes de risque de cancer du sein.


Sources spécifiques

1 Vinogradova Y, et al. Use of hormone replacement therapy and risk of breast cancer: nested case-control studies using the QResearch and CPRD databases. British Medical Journal, 2020; 371:m3873
2 Les avantages et les désavantages de l’étude cas-témoins sur un échantillon, Minerva 2016 ; 15 : 4 : 105 – 106, via http://www.minerva-ebm.be/FR/Article/2039
3 Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast Cancer. Type and timing of menopausal hormone therapy and breast cancer risk: individual participant meta-analysis of the worldwide epidemiological evidence. Lancet, 2019;  pii: S0140-6736(19)31709-X. doi: 10.1016/S0140-6736(19)31709-X.
4 Chlebowski RT, Anderson GL, Aragaki AK et al. Association of Menopausal Hormone Therapy With Breast Cancer Incidence and Mortality During Long-term Follow-up of the Women’s Health Initiative Randomized Clinical Trials. JAMA 2020;324:369-80 (doi: 10.1001/jama.2020.9482)