Efficacité de l’idarucizumab (Praxbind®, l’antidote du dabigatran) en situation d’urgence
L’idarucizumab (Praxbind®), un anticorps monoclonal et antidote du dabigatran, est commercialisé depuis avril 2016. Il est utilisé en milieu hospitalier lorsqu’il est nécessaire de neutraliser rapidement les effets anticoagulants du dabigatran en cas d’hémorragie sévère ou d’intervention urgente. L’efficacité de l’idarucizumab a été évaluée dans une étude de cohorte prospective (RE-VERSE AD) dont les résultats préliminaires obtenus sur un groupe limité de patients (90 patients) avaient montré une normalisation des tests de coagulation dans les minutes suivant l’administration de l’idarucizumab [voir Folia de mai 2016 et la mise à jour des Fiches de transparence dans les Folia de decembre 2016].
Les résultats portant sur la totalité de la cohorte (503 patients) de l’étude RE-VERSE AD ont été publiés récemment1. La majorité des patients étaient traités par le dabigatran en prévention d’un AVC dans le cadre d’une fibrillation auriculaire, et l’âge moyen était de 78 ans. L’étude comporte deux groupes de patients : 301 patients sous dabigatran traités par l’idarucizumab en raison d’une hémorragie sévère et 202 patients sous dabigatran traités par l’idarucizumab en raison d’une intervention urgente.
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Dans le groupe avec hémorragie, celle-ci a été arrêtée dans les 24 heures suivant l’administration de l’idarucizumab chez 68% des patients, et le délai moyen pour obtenir l’hémostase était de 2,5 heures.
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Dans le groupe avec intervention urgente, le délai moyen pour débuter l’intervention était de 1,6 heures et 95% des patients présentaient une hémostase normale au cours de l’intervention.
Après un suivi de 90 jours, un taux élevé de mortalité d’environ 19% a été constaté dans les 2 groupes ; celui-ci s’explique selon les investigateurs par la gravité de la condition sous-jacente et par les comorbidités dans cette population relativement âgée. Après 90 jours, des évènements thrombotiques ont été rapportés chez environ 7 % des patients. Les évènements thrombotiques sont survenus surtout chez les patients chez qui un traitement anticoagulant n’avait pas été réinstauré après l’administration de l’idarucizumab. Outre les décès et les évènements thromboemboliques, il n'y avait pas de signal d'autres effets indésirables graves.
Commentaires
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Sur base des résultats de cette étude, l’idarucizumab semble être un antidote rapide et efficace du dabigatran dans des situations d’urgence. Il s’agit toutefois d’une étude observationnelle sans groupe témoin.
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La neutralisation d’un traitement anticoagulant comporte un risque thromboembolique, et il convient donc de reprendre le traitement anticoagulant dès que possible en fonction de la situation clinique. Le dabigatran peut en principe être repris 24 heures après l’administration d’idarucizumab.
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On ne dispose pas encore d’antidote pour les autres anticoagulants oraux directs. L’andexanet alfa, un antidote des inhibiteurs spécifiques du facteur Xa (apixaban, édoxaban et rivaroxaban), est en cours d’étude.
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Le développement d’antidotes des anticoagulants oraux directs est une avancée importante en cas d’hémorragie sévère ou de chirurgie urgente. Néanmoins, vu l’absence de possibilité de monitoring des AOD en routine dans la pratique courante, il n'est pas nécessaire, malgré cette avancée récente, de remplacer systématiquement les antagonistes de la vitamine K chez les patients bien stabilisés, en particulier chez les personnes âgées [voir Folia de décembre 2017].
Sources spécifiques
2 Idarucozumab (Praxbind) for dabigatran (Pradaxa) reversal: what you should know. NPS MedecineWise (https://www.nps.org.au/medical-info/clinical-topics/news/idarucizumab-praxbind-for-dabigatran-pradaxa-reversal-what-you-should-know)