Les médias ont récemment attiré l’attention sur la rosuvastatine (Crestor®): quelle est sa place parmi les statines?
[Déjà paru dans la rubrique " bon à savoir " sur notre site Web le 02/04/15]
Abstract |
- Un éditorial paru récemment dans The BMJ met en question la place de la rosuvastatine.
- Le bénéfice absolu des statines en prévention primaire d’évènements cardio-vasculaires est limité, et il n’y a dans ce cas pas de raison de recourir à un traitement hypolipidémiant intensif tel que la rosuvastatine à une dose journalière ≥ 10 mg.
- En prévention secondaire, un traitement hypolipidémiant intensif peut être indiqué mais cela implique une sélection rigoureuse et un suivi strict du patient. La rosuvastatine n’a cependant jamais été étudiée en prévention secondaire.
- Vu le manque d’études comparatives directes, il n’est pas clair actuellement si la rosuvastatine est plus souvent à l’origine d’un diabète ou d’une toxicité musculaire par rapport aux autres statines. Un risque plus élevé d’effets indésirables a toutefois généralement été démontré avec un traitement hypolipidémiant intensif.
- Le coût élevé de la rosuvastatine par rapport aux autres statines, mieux étudiées, restreint encore plus le champ d’application de cette molécule.
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Un article paru récemment dans The BMJ (anciennement British Medical Journal) a fait l’objet d’une attention particulière dans la presse grand public1. Il s’agit d’un éditorial de la Public Citizen, l’organisation de consommateurs américaine, plaidant contre l’utilisation fréquente de la rosuvastatine (Crestor®) en raison du rapport bénéfice/risque négatif de ce produit. Les auteurs estiment que l’efficacité du médicament n’est pas suffisamment étayée et qu’il existe de plus en plus de preuves d’effets indésirables tels que diabète et toxicité musculaire.
Les preuves de l’effet cardioprotecteur de la rosuvastatine sont en effet plus limitées par rapport aux autres statines. La seule étude avec des critères d’évaluation cardio-vasculaires est l’étude JUPITER dans laquelle un effet protecteur de la rosuvastatine a été constaté en prévention primaire, c.-à-d. chez des personnes sans antécédents d’évènements cardio-vasculaires; cette étude a fait l’objet de beaucoup de discussions [voir Folia de février 2011 ]. La rosuvastatine n’a pas été étudiée en prévention secondaire, c.-à-d. chez des personnes avec des antécédents d’évènements cardio-vasculaires.
- Un traitement par une statine peut, sur base de la diminution de LDL cholestérol obtenue dans les études cliniques, être qualifié de traitement intensif ou moins intensif. La rovastatine à une dose ≥ 10 mg/ jour, l’atorvastatine à une dose ≥ 20 mg/jour et la simvastatine à une dose ≥ 40 mg/jour sont considérés comme des traitements intensifs (diminution d’environ 50 % du LDL cholestérol); ces mêmes molécules à doses plus faibles et les autres statines aux doses recommandées (fluvastatine 40 mg/jour, pravastatine 10-40 mg/jour) sont considérées comme des traitements moins intensifs2,3,4.
- Il est connu que les statines (toutes molécules et doses) peuvent provoquer des effets indésirables tels qu’un diabète ou une toxicité musculaire; ces risques augmentent avec l’intensité du traitement5 [voir aussi Folia de septembre 2011 ]. En raison du manque d’études comparatives directes, il n’est pas clair si ce risque est plus élevé avec la rosuvastatine qu’avec un autre traitement hypolipidémiant intensif 6.
- En prévention primaire, le bénéfice absolu d’un traitement par une statine (toutes molécules et doses) est limité [voir Folia de novembre 2012 ]. En cas de traitement intensif par une statine, comme la rosuvastatine à une dose journalière ≥ 10 mg, les risques entre autres de diabète et de toxicité musculaire chez ces personnes pourraient devenir plus importants que le bénéfice escompté. En prévention primaire, il n’y a donc aucune preuve qu’un traitement hypolipidémiant intensif apporte un bénéfice supplémentaire.
- En prévention secondaire, c.-à-d. chez les personnes avec des antécédents d’évènements cardio-vasculaires, le bénéfice avec n’importe quelle statine et à n’importe quelle dose est cependant beaucoup plus important et contrebalance clairement le risque d’effets indésirables. Pour un certain nombre de ces patients à risque élevé, un traitement hypolipidémiant intensif peut être indiqué, mais ici aussi le bénéfice escompté doit être mis en balance avec les risques potentiels et il convient de suivre de près la survenue éventuelle d’une toxicité musculaire ou d’un diabète.
La rosuvastatine coûte 2 à 5 fois plus cher qu’un traitement par une autre statine mieux étudiée. Le remboursement de la rosuvastatine représentait en 2013, en chiffres absolus, le second poste de dépenses de l’INAMI en ce qui concerne les médicament utilisés dans le secteur ambulatoire7.
1 The BMJ 2015; 350: h1388 (doi: 10.1136/bmj.h1388)
2 www.fda.gov/Drugs/DrugSafety/ucm256581.htm
3 The BMJ 2014; 348: g3244 (doi: 10.1136/bmj.g3244)
4 www.bnf.org en www.nice.org.uk >lipid modification guideline 2014
5 JAMA 2011; 305: 2556-64 (doi: 10.1001/jama.2011.860)
6 Am J Cardiol. 2013; 111: 1123-3 (doi: 10.1016/j.amjcard.2012.12.037)
7 www.inami.fgov.be/SiteCollectionDocuments/infospot-2014-03-FR.pdf
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