Usage rationnel des antibiotiques dans les infections aiguës des voies respiratoires en première ligne

Comme chaque année dans le numéro des Folia d’octobre, nous attirons l’attention sur l’usage rationnel des antibiotiques dans les infections aiguës des voies respiratoires, et ceci à la lumière de publications récentes. Le présent article se penche sur la place des antibiotiques dans la prise en charge de la toux aiguë, et sur la toxicité cardio-vasculaire des macrolides. Une bonne source d’information sur la place des antibiotiques dans les affections rencontrées en pratique ambulatoire est le " Guide belge des traitements anti-infectieux en pratique ambulatoire ", édité par la Commission belge de Coordination de la Politique Antibiotique (Belgian Antibiotic Policy Coordination Committee ou BAPCOC), dont la troisième édition est disponible sur www.bapcoc-ambulatorycare.be


Toux aiguë

Comme déjà mentionné antérieurement, la toux aiguë en elle-même n’est pas une indication d’antibiothérapie, sauf lorsqu’elle est le symptôme d’une infection des voies respiratoires basses. Bien que les campagnes de sensibilisation à l’égard du grand public et des prescripteurs organisées par BAPCOC depuis plusieurs années aient entraîné une diminution de l’usage des antibiotiques en pratique ambulatoire, leur utilisation notamment en raison d’une toux aiguë reste élevée, et peut être à l’origine d’effets indésirables et de l’apparition de résistances. Les auteurs d’un article paru récemment estiment que cet usage excessif d’antibiotiques en cas de toux aiguë pourrait s’expliquer entre autres par la divergence qui existe entre d'une part les attentes du patient qui espère être guéri en quelques jours, et d'autre part l’évolution de la toux qui, selon les données de la littérature, persiste en moyenne 18 jours en l’absence de traitement. Il est donc important d’expliquer au patient qu’une toux persistant 2 à 3 semaines n’est pas inquiétante et qu’une antibiothérapie n’est à envisager qu’en présence d’une aggravation de l’état général ou de symptômes d’alarme tels qu’une fièvre élevée ou l’apparition d’une dyspnée1.

La toux persistant après une infection aiguë des voies respiratoires supérieures est généralement due à un écoulement nasal postérieur ou à une hyperréactivité bronchique. En ce qui concerne le traitement symptomatique de l’écoulement nasal postérieur, nous renvoyons à l’article sur le bon usage des vasoconstricteurs dans ce même numéro des Folia ainsi qu’à celui sur les médicaments contre la toux et le rhume dans les Folia de mars 2013 . En ce qui concerne l’utilisation de corticostéroïdes inhalés en cas de toux due à une hyperréactivité bronchique, les études sont hétérogènes et leurs résultats divergents2.

Lorsque la toux persiste (> 3 semaines) après une infection aiguë des voies respiratoires supérieures chez l’adulte ou l’adolescent, il convient également d’envisager la possibilité d’une coqueluche, une infection à Bordetella pertussis en recrudescence ces dernières années [voir Folia de février 2013 ]. Selon BAPCOC, l’administration d’antibiotiques modifie peu l’évolution de la coqueluche mais peut être utile pour prévenir la transmission de l’infection. L’azithromycine (adulte: 500 mg par jour en 1 prise pendant 3 jours; enfant : 10 mg/kg par jour en 1 prise pendant 3 jours) est dans ce cas-ci le traitement de premier choix. Une toux persistant plus de 3 semaines chez un adulte de plus de 40 ans doit aussi évoquer la possibilité d’une affection néoplasique.


Incertitude en ce qui concerne le risque cardio-vasculaire des macrolides

Les macrolides sont rarement des médicaments de premier choix dans le traitement empirique des infections des voies respiratoires. Selon les recommandations de BAPCOC, l'utilisation de macrolides ne se justifie que lorsqu’une antibiothérapie s’avère nécessaire dans certaines infections des voies respiratoires chez des patients présentant une allergie IgE-médiée à la pénicilline, en cas de suspicion d’une pneumonie atypique, et dans certaines indications spécifiques telles que la coqueluche, l’éradication d’Helicobacter pylori ou les infections uro-génitales à Chlamydia trachomatis.

Un allongement de l’intervalle QT, avec risque de torsades de pointe et de mort subite, a été décrit avec plusieurs macrolides, principalement l’érythromycine (surtout en cas d’administration intraveineuse trop rapide) et la clarithromycine. En ce qui concerne les facteurs de risque et les précautions à prendre pour diminuer ce risque, nous renvoyons à l’article des Folia de novembre 2012 et à l’Intro. 6.2.2. dans le Répertoire Commenté des Médicaments. Il a été suggéré sur base de plusieurs études observationnelles que la morbidité et la mortalité cardio-vasculaires pouvaient être accrues chez des patients traités par la clarithromycine ou l’azithromycine par rapport à des patients n’ayant pas pris d’antibiotiques ou ayant pris de l’amoxicilline3,4 [voir aussi communiqué du 24/05/12 dans la rubrique " Bon à savoir " sur notre site Web]. Dans une autre étude de cohorte parue récemment, l’utilisation d’azithromycine dans une population générale de patients âgés de moins de 64 ans n’a pas été associée à une augmentation de la mortalité cardio-vasculaire5. Ces résultats divergents s’expliquent probablement par l’hétérogénéité des études, notamment en ce qui concerne les caractéristiques (entre autres le risque cardio-vasculaire) des populations étudiées. De telles données observationnelles ne permettent pas de tirer des conclusions quant à la possibilité d’une augmentation du risque cardio-vasculaire avec les macrolides. Dans l’attente de données complémentaires, il est recommandé de s’en tenir aux indications bien définies des macrolides, et d’utiliser les macrolides avec prudence chez les patients ayant des antécédents cardio-vasculaires.

1 Ann Fam Med 2013; 11: 5-13 (doi :10.0370/afm.1430)

2 Cochrane database Syst Rev. 2013; 3 CD009305 (doi :10.1002/14651858.CD009305.pub2)

3 N Engl J Med 2012; 366: 1881-90 (doi : 10.1056/NEJMoa1003833)

4 Brit Med J 2013; 346: f1235 (doi:10.1136/bmj.f1235)

5 N Engl J Med 2013; 368: 1704-12 (doi: 10.1056/NEJMoa1300799)