Nouveautés 2007: état de la question 5 ans plus tard

Chaque mois, les " Informations récentes " dans les Folia et dans la rubrique " Bon à savoir " sur notre site Web vous informent de la commercialisation de nouveaux principes actifs. Les données lors de leur commercialisation ne sont souvent pas suffisantes pour préciser leur place dans l’arsenal thérapeutique, et leur profil d’effets indésirables est encore souvent peu connu. Le présent article tente de situer, 5 ans après leur commercialisation, un certain nombre de médicaments parus en 2007 et ayant un impact dans la pratique générale.


Ivabradine


Abstract

Tant dans le traitement d’entretien de l’angor stable que dans le traitement de l’insuffisance cardiaque, les données de ces dernières années n’apportent pas de preuve rigoureuse de l’efficacité de l’ivabradine en termes de mortalité, sauf peut-être dans certains sous-groupes. Le positionnement de l’ivabradine est dès lors le suivant: l’ivabradine ne remplace pas les traitements standards bien éprouvés de l’angor stable (β-bloquants, antagonistes du calcium) et de l’insuffisance cardiaque (β-bloquants, IECA, antagonistes de l’aldostérone), mais peut être utile chez les patients qui gardent une fréquence cardiaque ≥ 75 battements/minute malgré un traitement standard optimalisé ou qui sont intolérants aux β-bloquants.

L’ivabradine (Procoralan®) est une substance dérivée du vérapamil qui exerce une action bradycardisante par un effet inhibiteur direct sur le noeud sinusal. L’ivabradine est proposée depuis 2007 dans le traitement chronique de l’angor stable [voir Folia d' octobre 2007 ], et depuis 2011 dans le traitement de l’insuffisance cardiaque.

  • Dans l’étude Associate [ Eur Heart J 2009; 30: 540-8 ], une étude contrôlée par placebo chez 889 patients atteints d’angor stable déjà traités par un β-bloquant, aucune différence statistiquement significative n’a été observée entre les deux groupes en ce qui concerne le nombre de crises d’angor ou l’utilisation de dérivés nitrés. La dose de β-bloquant administrée aux patients dans cette étude était cependant souvent inférieure à la dose optimale, entre autres en raison de problèmes de tolérance.
  • Dans l’étude Beautiful [ Lancet 2008; 372: 807-16 (doi:10.1016/S0140-6736(08)61170-8)], une étude contrôlée par placebo chez 10.917 patients atteints d’angor stable et d’insuffisance cardiaque, il n’y a pas eu de différence statistiquement significative entre les deux groupes en ce qui concerne le critère d’évaluation primaire (une combinaison de mortalité cardio-vasculaire, d’hospitalisation pour infarctus du myocarde, et d’hospitalisation pour apparition ou aggravation d’une insuffisance cardiaque). Une analyse post-hoc des résultats obtenus dans un sous-groupe de patients qui avaient une fréquence cardiaque ≥ 70 battements/minute, a montré une diminution du risque d’hospitalisation pour infarctus du myocarde (critère d’évaluation secondaire) avec l’ivabradine, mais celle-ci était faible en valeurs absolues (4,9% versus 3,1%; NNT = 50 sur 3 ans).
  • Dans l’étude Shift [ Lancet 2010; 376: 875-85 (doi: 10.1016/S0140-6736(10)61198-1)], une étude contrôlée par placebo chez 6.558 patients atteints d’insuffisance cardiaque, une diminution du critère d’évaluation primaire (combinaison de mortalité cardio-vasculaire et d’hospitalisation pour aggravation d’insuffisance cardiaque) a été observée avec l’ivabradine (28,7% versus 24,5%; NNT = 26 sur 1 an); celle-ci était due principalement à une diminution du risque d’hospitalisation pour aggravation de l’insuffisance cardiaque. Aucune différence statistiquement significative n’a été observée en termes de mortalité totale et de mortalité cardio-vasculaire. Une analyse post-hoc des résultats obtenus dans un sous-groupe de patients qui avaient une fréquence cardiaque ≥ 75 battements/minute suggère toutefois une diminution du critère d’évaluation primaire (combinaison de mortalité cardio-vasculaire et d’hospitalisation pour aggravation de l’insuffisance cardiaque) ainsi que de certains critères d’évaluation secondaires tels que la mortalité totale, la mortalité cardio-vasculaire, la mortalité par insuffisance cardiaque et l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Bien que 90% des patients recevaient un β-bloquant à l’entrée de l’étude, la plupart d’entre eux ne le prenaient pas à la dose optimale.

La plupart des données en faveur de l’ivabradine proviennent d’évaluations secondaires ou d’analyses post-hoc (c.-à-d. des analyses non prévues dans le protocole), et il est donc difficile d’en tirer des conclusions définitives. Ces données n’apportent pas de preuves rigoureuses de l’efficacité de l’ivabradine en termes de mortalité, et on ne dispose actuellement pas d’études comparatives avec des traitements avec lesquels un effet favorable sur la mortalité a été démontré. L’ivabradine ne remplace donc pas les traitements standards bien éprouvés de l’angor stable (β-bloquants, antagonistes du calcium) et de l’insuffisance cardiaque (β-bloquants, IECA, antagonistes de l’aldostérone). D’après les recommandations récentes du National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE), l’ivabradine peut être envisagée chez les patients atteints d’une insuffisance cardiaque chronique stable (classe NYHA de II à IV; fraction d’éjection ≤ 35%) avec une fréquence cardiaque ≥ 75 battements/minute malgré un traitement standard optimalisé (β-bloquants, IECA, antagonistes de l’aldostérone) ou en cas de contre-indication ou d’intolérance aux β-bloquants. Etant donné son effet bradycardisant, l’ivabradine est à éviter chez les patients ayant un bloc auriculo-ventriculaire du 2e degré ou une fréquence cardiaque de repos < 60 battements/minute, ainsi que chez les patients présentant un allongement congénital de l’intervalle QT ou traités par des médicaments allongeant l’intervalle QT [voir Intro.6.2.2. dans le Répertoire Commenté des Médicaments et les Folia de novembre 2012 ].

[ La Revue Prescrire 2010; 30: 555-6; 2011; 31: 209-10 et 2012; 32: 729; Drug Ther Bull 2012; 10: 117-20 (doi:10.1136/dtb.2012.10.0136); National Institute for Health and Clinical Excellence: NICE Clinical guidelines CG126, juillet 2011via www.nice.org.uk/CG126 ; NICE technology appraisal guidance 267, novembre 2012 via www.nice.org.uk/TA267 ; Pharma Selecta 2010; 26: 112-8]


Lumiracoxib

Le lumiracoxib (Prexigem®), un antiinflammatoire non stéroïdien COX-2 sélectif commercialisé en juillet 2007, a été retiré du marché quelques mois après sa mise sur le marché, en raison du risque d’hépatotoxicité [voir Folia de novembre 2011 ].


Nitroglycérine pour usage anal

Une pommade à base de nitroglycérine à 0,4% (Rectogesic®) à usage anorectal est proposée pour soulager les douleurs associées aux fissures anales chroniques [voir Folia oktober 2007]. Une pommade à base d’isosorbide dinitrate, un autre dérivé nitré, peut être prescrite en magistrale (" isosorbide dinitrate, pommade hydrophobe à 1% FTM "). D’après une revue de Cochrane Database Syst Rev 2012; 2 Art. No.:CD003431 (doi:10.1002/14651858.CD003431.pub3.)] sur le traitement non chirurgical des fissures anales, le traitement par la pommade à base de nitroglycérine (0,2 à 0,4%) entraîne une augmentation statistiquement significative- bien que faible- du taux de guérison des fissures anales par rapport au placebo (48,9% versus 35,5%). Dans les études comparatives, la pommade à base de dérivés nitrés semble avoir une efficacité comparable à celle du traitement local par la toxine botulique (indication non reprise dans le Résumé des Caractéristiques du Produit ou RCP) ou par un antagoniste du calcium (p.ex. diltiazem gel,en préparation magistrale à 2%). Les patients traités par des dérivés nitrés avaient un risque significativement accru de céphalées parfois sévères. Les auteurs de la revue de Cochrane concluent que l’efficacité des traitements médicamenteux en général est limitée dans la prise en charge des fissures anales chroniques; de plus, les récidives à l’arrêt du traitement sont fréquentes.


Oxybutynine transdermique et darifénacine


Abstract

Le traitement de l’instabilité vésicale repose avant tout sur des mesures non médicamenteuses telles que l’entraînement vésical. L’efficacité des anticholinergiques dans l’instabilité vésicale avec ou sans incontinence est modeste et semble comparable pour les différents anticholinergiques; il n’est pas prouvé que la darifénacine soit plus efficace que les autres anticholinergiques. L’oxybutynine est l’anticholinergique qui a été le plus évalué mais le risque d’effets indésirables (surtout la sécheresse de la bouche) paraît plus élevé avec les comprimés d’oxybutynine à libération normale qu’avec les autres anticholinergiques et qu’avec l’oxybutynine sous forme d’emplâtre transdermique. Si un traitement médicamenteux est envisagé dans l’instabilité vésicale, le choix se fera en fonction de la tolérance du patient aux effets indésirables et du coût du traitement.

L’oxybutynine par voie transdermique (Kentera®) et la darifénacine (Emselex®) sont des anticholinergiques proposés dans le traitement de l’instabilité vésicale avec ou sans incontinence [voir Folia de juin 2007 , d' août 2007 et d' avril 2008 , ainsi que la Fiche de transparence " Prise en charge de l’incontinence urinaire "]. L’oxybutynine est proposée par voie orale (sous formes de comprimés à libération normale) depuis de nombreuses années dans le traitement de l’instabilité vésicale, mais son utilisation est souvent limitée par ses effets indésirables anticholinergiques, notamment la sécheresse de la bouche (voir 6.2.3. dans l’Introduction du Répertoire). Des antagonistes plus sélectifs des récepteurs muscariniques M3 (au niveau de la vessie) telle que la darifénacine, ainsi que d’autres formulations d’oxybutynine tel que les comprimés à libération prolongée (non disponibles en Belgique) et l’emplâtre transdermique ont été développés dans l’espoir de diminuer les effets indésirables anticholinergiques. L’efficacité des anticholinergiques utilisés dans le traitement de l’instabilité vésicale semble comparable mais limitée, et il n’est pas prouvé que la darifénacine soit plus efficace que les autres anticholinergiques. Le choix du médicament est dès lors déterminé surtout par la tolérance du patient aux effets indésirables et le coût du traitement. Dans une méta-analyse, un profil d’effets indésirables comparable (surtout anticholinergiques) a été constaté pour la darifénacine (7,5 mg p.j.), la fesotérodine (4 mg p.j.), l’oxybutynine transdermique (3,9 mg p.j.), la propivérine (30 mg p.j.), la solifénacine (5 mg p.j.) et la toltérodine (4 mg p.j.). Le risque d’effets indésirables (surtout la sécheresse de la bouche) était par contre plus élevé avec l’oxybutynine à libération normale par voie orale (≥ 10 mg p.j.). Avec l’oxybutynine par voie transdermique, des réactions cutanées ont aussi été rapportées. Le National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE) recommande, en cas de réponse insuffisante aux mesures non médicamenteuses, un traitement par l’oxybutynine sous forme de comprimé à libération normale; lorsque celle-ci n’est pas supportée, un autre anticholinergique ou l’oxybutynine sous une autre forme sont des alternatives.

[ Ann Intern Med 2012; 156: 861-74 ; Cochrane Database Syst Rev 2012; 2 Art.No. CD005429 (doi:10.1002/14651858.CD005429.pub2.); National Institute for Health and Clinical Excellence : NICE clinical guidance CG40, octobre 2006 via www.nice.org.uk/CG40 ; PloS One 2011; 6: e16718 ]


Pegaptanib et ranibizumab


Abstract

Dans le traitement de la dégénérescence maculaire néovasculaire liée à l’âge (DMLA), le ranibizumab (tout comme le bévacizumab) paraît plus efficace que le pegaptanib.

Le pegaptanib (Macugen®) et le ranibizumab (Lucentis®) sont des inhibiteurs du facteur de croissance endothélial vasculaire (VEGF) proposés en injection intravitréenne dans le traitement de la forme exsudative de la dégénérescence maculaire néovasculaire liée à l’âge (DMLA) [voir Folia de juin 2007 et d' août 2007 ]. Selon une revue de Cochrane [ Cochrane Database Syst Rev 2008; 42 . Art. No.:CD005139. (doi:10.1002/14651858.CD005139.pub2.)] et le National Institute for Health and Clinical Excellence [NICE technology appraisal guidance TA155, mai 2012 via www.nice.org.uk/TA155 ], le pegaptanib et le ranibizumab contrecarrent tous les deux la détérioration de l’acuité visuelle chez les patients atteints de DMLA, mais une amélioration statistiquement significative de l’acuité visuelle n’a été observée qu’avec le ranibizumab. Les effets indésirables des différents inhibiteurs du VEGF (surtout des troubles oculaires et cardio-vasculaires) sont comparables. On ne dispose pas d’études comparatives entre les deux molécules. Sur base des données disponibles, les directives préconisent le ranibizumab plutôt qu le pegaptanib chez la plupart des patients atteints de DMLA. Vu les effets indésirables parfois graves du ranibizumab, il est souvent préférable de ne l’utiliser qu’en deuxième intention en cas d’échec d’un traitement photodynamique après injection de vertéporfine (Visudyne®) [ La Revue Prescrire 2011; 31: 335-40].

Des données récentes ont révélé que le bévacizumab (Avastin®), un inhibiteur du VEGF enregistré comme antitumoral depuis de nombreuses années, est apparu en injection intravitréenne plus efficace que le pegaptanib et aussi efficace que le ranibizumab dans le traitement de la DMLA. Le bévacizumab présente l’avantage d’être beaucoup moins onéreux que les deux autres inhibiteurs du VEGF, mais son conditionnement (flacon perf.) n’est pas adapté pour un usage en ophtalmologie et la DMLA ne figure actuellement pas comme indication dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) de l’Avastin® [voir Folia november 2011 ].


Sertindole


Abstract

En raison du risque d’effets indésirables cardiaques, le sertindole n’est pas un premier choix dans le traitement médicamenteux de la schizophrénie et n’est à envisager que chez les patients intolérants à d’autres antipsychotiques.

Le sertindole (Serdolect®) est un antipsychotique proposé dans le traitement de la schizophrénie [voir Folia de juin 2007 ]. Dans les études cliniques, le sertindole est apparu plus efficace qu’un placebo tant sur les symptômes positifs (entre autres hallucinations, délire, confusion) que sur les symptômes négatifs (entre autres apathie, diminution des contacts sociaux) de la schizophrénie, et aussi efficace que l’halopéridol et la rispéridone sur les symptômes positifs. En termes d’innocuité, le sertindole semble entraîner une prise de poids modérée et relativement peu de symptômes extrapyramidaux et de troubles métaboliques par rapport aux autres antipsychotiques, mais il est par contre associé à un risque accru d’allongement de l’intervalle QT, avec possibilité de torsades de pointes et de mort subite. Des études comparatives avec d’autres antipsychotiques s’avèrent nécessaires. Le sertindole n’est donc pas un premier choix dans le traitement médicamenteux de la schizophrénie et n’est à envisager que chez les patients intolérants à d’autres antipsychotiques. Le sertindole est contre-indiqué chez les patients présentant un allongement de l’intervalle QT ou avec des antécédents de pathologies cardio-vasculaires ou de troubles du rythme. Le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) recommande d’effectuer un électrocardiogramme (ECG) avant et pendant le traitement (tous les 3 mois et lors de toute augmentation de la posologie). Un article sur l’allongement de l’intervalle QT d’origine médicamenteuse a été publié dans les Folia de novembre 2012 . Il y est mentionné entre autres que la réalisation systématique d’un ECG lors de l’instauration d’un médicament allongeant l’intervalle QT n’est pas toujours réaliste, mais qu’il importe en revanche de vérifier la présence d’autres facteurs de risque d’allongement de l’intervalle QT ou de torsades de pointes (tels que syndrome du QT long congénital, cardiopathie, hypokaliémie, interactions pharmacocinétiques ou prise de plusieurs médicaments allongeant l’intervalle QT [voir Intro.6.2.2. dans le Répertoire Commenté des Médicaments et Folia de novembre 2012 ]).

[ BMC Psychiatry 2008; 8: 57 (doi:10.1186/1471-244X-8-57)]


Vaccin contre le papillomavirus

Le premier vaccin contre le papillomavirus (Gardasil®) a été commercialisé en 2006, et la vaccination contre le papillomavirus humain a été discutée dans les Folia de janvier 2012 . Cervarix®, un vaccin bivalent contre les types 16 et 18 du papillomavirus, a été commercialisé en 2007. On ne dispose pas d’études comparatives permettant de privilégier un vaccin par rapport à l’autre.


Vaccin contre le rotavirus

Le premier vaccin contre le rotavirus (Rotarix®) a été commercialisé en 2006, et la vaccination contre le rotavirus a été discutée dans les Folia de janvier 2012 . Rotatecq®, un vaccin constitué de 5 sérotypes de rotavirus, a été commercialisé en 2007. On ne dispose pas d’études comparatives permettant de privilégier un vaccin par rapport à l’autre.