Syndrome de Cushing avec des corticostéroïdes par voie non systémique chez des patients sous traitement antirétroviral

Il est bien connu que l’administration par voie systémique de corticostéroïdes, surtout en cas de traitement prolongé avec des doses élevées, peut entraîner un syndrome de Cushing, caractérisé par les symptômes suivants: obésité facio-tronculaire, faciès lunaire, atrophie cutanée avec ecchymoses et vergetures. Nous souhaitons attirer l’attention sur le fait que dans certaines circonstances un syndrome de Cushing peut aussi survenir en cas d’administration de corticostéroïdes par voie non systémique. Le Centre belge de pharmacovigilance a reçu quelques notifications de syndrome de Cushing chez des patients infectés par le VIH qui étaient traités par des inhibiteurs de la protéase virale (ritonavir + atazanavir ou ritonavir + darunavir, également appelée " thérapie boostée au ritonavir ") conjointement au corticostéroïde à inhaler fluticasone. Les symptômes de Cushing sont apparus entre un mois et plusieurs années après l’instauration du corticostéroïde inhalé. Les symptômes ont disparu à l’arrêt du corticostéroïde inhalé. Dans la littérature, plusieurs cas de syndrome de Cushing ont été décrits chez des patients infectés par le VIH qui prenaient du ritonavir seul ou en association à d’autres inhibiteurs de la protéase virale, en même temps qu’un corticostéroïde administré par voie non systémique. La plupart des cas concernent la fluticasone (en intranasal ou par inhalation) mais des cas ont également été décrits avec le budésonide (en intranasal ou par inhalation) et la triamcinolone (entre autres en intra-articulaire)1,2,3. Le syndrome de Cushing survenu chez ces patients s’explique par une interaction avec le ritonavir qui, certainement lorsqu’il est administré avec un autre inhibiteur de la protéase virale, inhibe fortement le CYP3A4. L’inhibition du métabolisme du corticostéroïde au niveau du CYP3A4 par les inhibiteurs de la protéase a probablement conduit à une exposition systémique accrue au corticostéroïde. La fluticasone n’est pas reprise comme substrat du CYP3A4 dans le Répertoire parce qu’elle n’est mentionnée comme substrat du CYP 3A4 que dans une seule des sources que nous consultons pour les interactions (voir Intro 2. dans le Répertoire pour plus d’explications sur l’élaboration des tableaux des interactions). Nous mentionnerons dorénavant le groupe des corticostéroïdes (à l’exception de la béclométhasone) comme substrat du CYP3A4 vu que les sources ne sont pas concordantes en ce qui concerne les corticostéroïdes individuels. Chez les patients sous ritonavir chez qui un corticostéroïde, par voie systémique ou non systémique, est indiqué, il est préférable d’opter pour un corticostéroïde qui ne soit pas métabolisé par le CYP3A4, p.ex. la béclométhasone; la dose du corticostéroïde sera la plus faible possible et la durée du traitement la plus courte possible. Il faut encore noter que les symptômes de la lipodystrophie, un effet indésirable connu des inhibiteurs de la protéase, présentent des similitudes avec les symptômes du syndrome de Cushing, tels qu’une assimilation de graisse au niveau du ventre, et entre la nuque et le dos; ce qui peut contribuer dans certains cas à retarder le diagnostic.

  • 1 Stockley’s Drug Interactions (update 3ème trimestre 2013), version électronique, terme de recherche " fluticasone "
  • 2 HIV Med 2008; 9: 389-96 (doi:10.1111/j.1468-1293.2008.00579.x)
  • 3 Ned Tijdschr Geneeskd 2013; 157: A5509