Nouveaux anticoagulants oraux: données complémentaires concernant la sécurité d’emploi

Un article détaillé sur la place des nouveaux anticoagulants oraux dabigatran (Pradaxa® ) et rivaroxaban (Xarelto® ) dans la fibrillation auriculaire est paru dans les Folia de mars 2012 . On y soulignait entre autres le risque d’hémorragies, notamment en cas de diminution de la fonction rénale, comme c’est souvent le cas chez les personnes âgées. La possibilité d’un risque accru d’infarctus du myocarde avec le dabigatran y était aussi brièvement mentionnée. Suite à la notification de nombreux cas d’hémorragies parfois fatales avec le dabigatran dans des pays où il est déjà couramment utilisé, l’EMA a décidé en novembre 2011 de renforcer les mises en garde relatives à ce risque dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP, anciennement la notice scientifique). Il y est entre autres recommandé de contrôler la fonction rénale chez tous les patients avant l’instauration d’un traitement par le dabigatran, ainsi qu’une fois par an chez les patients âgés de plus de 75 ans ou lors de toute suspicion de diminution de la fonction rénale quel que soit l’âge du patient. Les auteurs d’un courrier de lecteurs paru récemment dans le N Engl J Med [ 2012; 366: 864-6 (doi: 10.1056/NEJMc1112874)] ont examiné les cas d’hémorragies liées au dabigatran rapportés en Nouvelle-Zélande, et ont identifié 4 facteurs importants ayant joué un rôle dans ces hémorragies: les erreurs de prescription, une fonction rénale diminuée, l’âge du patient et l’absence d’antidote. Il ressort de leur analyse que deux tiers des patients étaient âgés de plus de 80 ans, et que plus de la moitié des patients présentaient une insuffisance rénale modérée à sévère, alors que dans l’étude Re-Ly qui a comparé le dabigatran à la warfarine [ N Engl J Med 2009; 361: 113-51 (doi:10.1056/ NEJMoa0905561)], moins d’un tiers des patients étaient âgés de plus de 80 ans, et moins de 20% seulement avaient une clairance de la créatinine < 50 ml/min. Ces divergences illustrent une fois encore la difficulté d’extrapoler les résultats d’une étude clinique aux situations de vie réelle (real-life).

En ce qui concerne la possibilité d’un risque accru d’infarctus du myocarde avec le dabigatran, une analyse supplémentaire des données de l’étude Re-Ly, et une méta-analyse récente [ Arch Intern Med 2012; 172: 397-402 (doi:10.1001/archintermed.2011.1666)] confirment la possibilité d’un risque légèrement accru d’infarctus du myocarde avec le dabigatran par rapport à différents traitements contrôle (warfarine, énoxaparine ou placebo): risque relatif de 1,33 avec un IC à 95% de 1,03 à 1,71; number needed to harm (NNH) évalué à 250. Bien que ce risque soit faible en valeurs absolues, la prudence s’impose avec le dabigatran, notamment chez les patients atteints d’une cardiopathie ischémique. Il n’est pas possible d’extrapoler les résultats obtenus avec le dabigatran aux autres nouveaux anticoagulants oraux, mais la possibilité d’un tel risque fait encore actuellement l’objet de discussions.

L’ensemble de ces données renforcent en tout cas la conclusion des Folia de mars 2012 : ‘le développement de nouveaux anticoagulants oraux n’ayant pas les inconvénients des antagonistes de la vitamine K suscite beaucoup d’intérêt, mais chez les patients bien contrôlés par des antagonistes de la vitamine K, il n’y a pas de raison de changer de traitement’. Ces données nous rappellent une fois encore la nécessité de suivre de près tout nouveau médicament après sa commercialisation.