Emploi d’hypnotiques, et mortalité et cancer: un signal mais pas de preuves[Déjà paru dans la rubrique " Bon à savoir " sur notre site Web le 08/03/12] Une étude sur la relation entre les hypnotiques et le risque de mortalité et de cancer a paru récemment dans BMJ Open (une revue médicale générale du British Medical Journal Group qui publie en ligne des études de recherche selon un concept peer review accessible à tous) [ BMJ Open 2012; 2: e000850 (doi:10.1136/bmj-open-2012-000850), via http://bmjopen.bmj.com ]. Les résultats ont fait l’objet d’une attention particulière dans les médias. Cette étude, réalisée aux Etats-Unis, incluait un groupe de personnes auxquelles un hypnotique avait été prescrit au moins une fois (n=10.253) et un groupe contrôle (personnes qui n’avaient pas reçu de prescriptions d’hypnotiques, n= 23.676); ces personnes ont été suivies pendant 2,5 ans concernant la mortalité et la survenue de cancer. L’hypnotique le plus souvent utilisé était le zolpidem (dans environ 40 %) et, en deuxième position, le témazépam (dans environ 20 %); d’autres hypnotiques tels que l’eszopiclone (non disponible en Belgique), le zaléplon, d’autres benzodiazépines, des barbituriques et des antihistaminiques (surtout la diphenhydramine) étaient aussi utilisés mais beaucoup moins fréquemment.
DiscussionLes résultats de cette étude ne peuvent être interprétés que comme un signal. Il s’agit d’une étude de cohorte, et des biais et variables confondantes ne peuvent être exclus, et sont même probables. Ces résultats doivent être confirmés par des études randomisées ou du moins par d’autres études de cohorte prospectives. Les chercheurs ne fournissent pas d’informations sur les causes de décès et la raison de cette mortalité 3 à 4 fois plus élevée. On ne parle pas non plus de la cause de l’insomnie. Aucune information n’est par ailleurs donnée quant à une co-médication éventuelle, ou sur l’incidence de dépression ou d’angoisse dans les groupes d’étude. Des maladies sous-jacentes telles que l’asthme, la BPCO, une affection cardio-vasculaire ou cérébro-vasculaire et une insuffisance rénale chronique étaient statistiquement plus fréquentes dans le groupe auquel un hypnotique avait été prescrit. Il n’est donc pas possible de conclure qu' il existe un lien causal entre l’emploi d’hypnotiques et la surmortalité et le cancer. Indépendamment de ces résultats, la place des hypnotiques dans la prise en charge de l’insomnie est limitée. L’emploi des hypnotiques ne peut être envisagé que dans des circonstances spécifiques, par exemple en cas d’insomnie aiguë sévère, pendant une très courte période. Dans ce cas, une benzodiazépine à durée d’action intermédiaire à la plus faible dose possible et pour une durée maximale d’une semaine, est généralement à préférer. Les "Z-drugs" tels que le zolpidem, constituent en ce moment les hypnotiques les plus fréquemment utilisés aux Etats-Unis; il n’existe toutefois pas de preuves qu’ils soient plus avantageux en terme d’efficacité ou d’innocuité par rapport aux benzodiazépines. Voir aussi Fiche de transparence "Prise en charge de l’insomnie" et Folia mai 2009 . |