Traitement médicamenteux de la maladie de Parkinson


Abstract
  • Au stade précoce de la maladie de Parkinson, les patients nécessitent déjà un traitement symptomatique en raison de déficiences fonctionnelles. A cet effet, on utilise la lévodopa (en première intention chez les patients âgés ou chez les patients présentant des symptômes plus sévères), des agonistes dopaminergiques, des inhibiteurs de la MAO-B ou des anticholinergiques. Même lorsque le traitement est débuté avec un autre médicament que la lévodopa, il faudra, dans la plupart des cas, y ajouter de la lévodopa au cours de l’évolution de la maladie.
  • A un stade avancé, les patients développent des complications motrices dues au traitement chronique par la lévodopa. Dans un premier temps, on tente de limiter celles-ci en répartissant la dose quotidienne de lévodopa sur des prises plus fréquentes, ou en ajoutant à la lévodopa un agoniste dopaminergique ou éventuellement un inhibiteur de la MAO-B, un inhibiteur de la COMT ou un anticholinergique.
  • Au cours de l’évolution de la maladie, des problèmes psychiques surviennent chez de nombreux patients parkinsoniens, principalement des symptômes psychotiques, de la dépression et de la démence. Pour les combattre, on cherchera en premier lieu à prendre en charge les facteurs favorisants éventuels et à diminuer la dose des antiparkinsoniens. La place des antipsychotiques, des antidépresseurs et des inhibiteurs des cholinestérases est limitée.

La maladie de Parkinson est une maladie neurodégénérative progressive, due à une diminution progressive de la transmission dopaminergique dans les ganglions de la base. Les symptômes moteurs , à partir desquels le diagnostic est posé, sont les plus caractéristiques: rareté/lenteur des mouvements (akinésie/hypokinésie), tremblements, rigidité et réflexes posturaux perturbés. Des symptômes non moteurs tels que des troubles autonomes (entre autres hypotension orthostatique, constipation) et des problèmes psychiques (principalement dépression, symptômes psychotiques, troubles cognitifs) peuvent toutefois apparaître à tout moment de l’évolution de la maladie. Pour aucun médicament, un effet neuroprotecteur n’a été démontré. Le traitement vise donc à contrôler les symptômes et à améliorer la qualité de vie.

Le traitement médicamenteux de la maladie de Parkinson a fait l’objet d’un article dans les Folia de mai 2003 . Le présent article propose une mise à jour, et fait la distinction suivante.

  • Le traitement au stade précoce de la maladie: les patients présentent des déficiences fonctionnelles et nécessitent un traitement symptomatique.
  • Le traitement au stade avancé de la maladie: les patients ont développé des complications motrices dues au traitement chronique par la lévodopa.

Une attention particulière est également accordée à la prise en charge des symptômes psychiques.

Pour plus de détails sur les médicaments antiparkinsoniens, entre autres en ce qui concerne leurs effets indésirables et interactions, nous vous renvoyons au Répertoire Commenté des Médicaments (chapitre 10.6., édition 2012).


Traitement au stade précoce de la maladie

Comme traitement initial, on peut utiliser un des médicaments suivants en monothérapie: la lévodopa (toujours en association avec un inhibiteur de la dopa-décarboxylase périphérique), un agoniste dopaminergique, un inhibiteur de la MAO-B ou un anticholinergique. Si l’on débute le traitement avec un autre médicament que la lévodopa, il faudra dans la plupart des cas y rajouter de la lévodopa au cours de l’évolution de la maladie.

  • La lévodopa est surtout considérée comme un premier choix chez les patients âgés de plus de 60 à 70 ans (selon leur condition), les patients frêles, les patients présentant une comorbidité ou des symptômes plus sévères. Il convient de limiter au maximum la dose de lévodopa afin de diminuer le risque de complications motrices (voir plus loin). La posologie est la suivante: 100 à 150 mg de lévodopa par jour en 3 prises, à augmenter progressivement en fonction de la réponse jusqu’à maximum 2 g par jour en 3 prises ou plus. Les préparations à libération prolongée ne sont pas plus efficaces que les préparations à libération normale, et ne contribuent pas à ralentir l’apparition de complications motrices; elles peuvent être utilisées le soir afin d’éviter l’akinésie nocturne.
  • Les agonistes dopaminergiques constituent surtout le premier choix chez les patients âgés de moins de 60 ans. Ils agissent plus lentement que la lévodopa et leur effet sur les symptômes moteurs est moins prononcé. La dose doit être augmentée lentement, de manière progressive. Par rapport à la lévodopa, les agonistes dopaminergiques sont associés à un risque moindre de complications motrices, mais ils provoquent davantage d’hypotension orthostatique, d’oedèmes et d’effets indésirables neuropsychiatriques [en ce qui concerne les épisodes d’endormissement soudain, voir Folia de février 2003 ; en ce qui concerne le comportement compulsif tel que la dépendance aux jeux et l’hypersexualité, voir Folia de septembre 2007 ]. La préférence est donnée au pramipexole et au ropinirole (non dérivés de l’ergot), vu qu’ils ne sont pas associés à un risque de réactions fibrotiques inflammatoires (telles qu’une valvulopathie cardiaque), comme c’est le cas avec les dérivés de l’ergot tels que la bromocriptine et le pergolide [Permax® (à base de pergolide) n’est plus disponible en Belgique]. La rotigotine, un agoniste dopaminergique non dérivé de l’ergot, disponible sous forme de dispositif transdermique, ne constitue pas un premier choix: au stade précoce de la maladie, la rotigotine s’est avérée moins efficace que le ropinirole [voir Folia de janvier 2010 ; la spécialité à base de rotigotine n’est pas remboursée par l’INAMI, situation au 01/06/2012].
  • Les inhibiteurs de la MAO-B , sélégiline et rasagiline, utilisés en monothérapie, permettent de retarder l’usage de lévodopa (selon les études, de 4 à 9 mois) ou d’en diminuer la dose actuelle. Ils sont cependant moins efficaces que la lévodopa et que les agonistes dopaminergiques. Avec la sélégiline en particulier, la formation de métabolites de type amphétamine peut induire de l’insomnie, et on évitera donc la prise en soirée. Un syndrome sérotoninergique a été rapporté dans de rares cas en cas de traitement concomitant par des substances sérotoninergiques, surtout des ISRS [voir aussi " Effets indésirables " dans l’introduction du Répertoire Commenté des Médicaments].
  • Les anticholinergiques (bipéridène, procyclidine, trihexyphénidyle) ne constituent pas des premiers choix vu leur efficacité limitée et le risque d’effets indésirables cognitifs, en particulier chez les personnes âgées (voir aussi " Effets indésirables " dans l’Introduction du Répertoire Commenté des Médicaments). Ils peuvent être utilisés chez les jeunes patients atteints de tremblements sévères et pour éviter l’hypersialorrhée associée à la maladie.
  • L’usage de l’ amantadine au stade précoce de la maladie est peu étayé et celle-ci n’a qu’une place limitée. L’amantadine n’est plus disponible en Belgique mais elle l’est dans les pays voisins.

Traitement au stade avancé de la maladie

  • Après 2 à 3 ans de traitement par la lévodopa, des complications motrices apparaissent souvent. Après 4 à 6 ans, environ 40 % des patients présentent des complications motrices; elles sont beaucoup moins fréquentes avec les agonistes dopaminergiques.
    • Aggravation de fin de dose ou wearing-off : diminution progressive et graduelle de la durée d’action d’une dose de lévodopa; les symptômes de la maladie réapparaissent avant la prise de la dose suivante, en particulier pendant la nuit ou au moment du réveil.
    • Phénomène on-off : phases imprévisibles d’amélioration de la fonction motrice (phase on) et de détérioration de la fonction motrice, accompagnée de bradykinésie et d’hypotonie (phase off).
    • Dyskinésies: mouvements involontaires dans la phase on ou lors du passage de la phase off à la phase on. Les dyskinésies se manifestent généralement lorsque les taux plasmatiques ont atteint leur point culminant, avec des concentrations cérébrales élevées en dopamine.
  • On tente de limiter les complications motrices des façons suivantes.
    • Répartition de la dose quotidienne de lévodopa en prises plus fréquentes; en cas d’aggravation de fin de dose, il peut être nécessaire d’augmenter la dose quotidienne totale et de la répartir sur 4 à 6 prises ou plus.
    • Passage à une préparation à base de lévodopa à libération prolongée, mais le bénéfice semble limité.
    • Association d’un autre antiparkinsonien à la lévodopa, en particulier un agoniste dopaminergique. L’ajout d’un agoniste dopaminergique (de préférence non dérivé de l’ergot) permet de raccourcir la phase off d’environ 1,5 heures par jour, mais les effets indésirables sont plus nombreux: dyskinésies, hypotension et hallucinations. On peut éventuellement ajouter à la lévodopa un inhibiteur de la MAO-B ou un inhibiteur de la COMT (entacapone, tolcapone). La tolcapone étant hépatotoxique, elle ne peut être utilisée qu’en cas d’échec de l’entacapone, et moyennant un contrôle régulier de la fonction hépatique. L’ajout d’un inhibiteur de la MAO-B ou d’un inhibiteur de la COMT permet de raccourcir la phase off d’environ 1 heure par jour.
    • Une préparation à base de lévodopa rapidement soluble peut être utilisée en cas de phénomène on-off pour contrecarrer la phase off ou pour prendre en charge l’action ralentie du médicament (delayed on).
  • Les anticholinergiques peuvent éventuellement être associés à la lévodopa chez les patients présentant des tremblements ou une bradykinésie réfractaires.
  • L’ amantadine est parfois proposée en association à la lévodopa pour réduire les dyskynésies, mais ceci est peu étayé.
  • L’ apomorphine est un puissant agoniste dopaminergique administré par voie sous-cutanée, de manière intermittente ou en continu au moyen d’une petite pompe à perfusion, en cas de phases off sévères et/ou fréquentes, réfractaires au traitement. L’apomorphine est disponible sous forme de médicament préfabriqué (ampoules de 5 ou 10 mg d’apomorphine/ 1 ml).
  • La lévodopa (en association à la carbidopa) est également disponible sous forme de gel intestinal administré de manière continue au moyen d’une sonde duodénale, en cas d’échec des autres traitements. Il s’agit d’un médicament coûteux avec le statut de médicament orphelin.

Prise en charge des problèmes psychiques

Des problèmes psychiques apparaissent fréquemment au cours de l’évolution de la maladie, principalement des symptômes psychotiques (les hallucinations visuelles étant les plus fréquentes), de la dépression et des troubles cognitifs. Ces symptômes peuvent être dus en partie aux médicaments antiparkinsoniens. Outre la prise en charge des facteurs favorisants éventuels (tels que infection, déshydratation ), on s’efforcera donc aussi de diminuer la posologie des médicaments antiparkinsoniens; on essayera d’abord de diminuer progressivement les anticholinergiques et l’amantadine, ensuite éventuellement les inhibiteurs de la MAO-B et les agonistes dopaminergiques, et seulement en dernier lieu la lévodopa]. Il faut éviter d’arrêter brutalement les antiparkinsoniens en raison du risque (faible) de syndrome malin des neuroleptiques, surtout en cas d’arrêt de la lévodopa. Si malgré cela les symptômes psychiques restent gênants, un traitement médicamenteux peut être envisagé, mais l’effet en est limité.

  • Pour le traitement de la confusion aiguë et de la psychose associées à la maladie de Parkinson, seule la clozapine a une efficacité avérée sans aggravation des symptômes parkinsoniens, mais son utilisation est limitée en raison de ses effets indésirables (tels que des problèmes hématologiques et cardio-vasculaires); un traitement par la clozapine ne peut être instauré qu’en milieu spécialisé et nécessite une surveillance étroite. Pour les autres antipsychotiques étudiés (olanzapine, quétiapine, rispéridone), les données sont pauvres ou contradictoires, et une aggravation des symptômes parkinsoniens a été rapportée.
  • Il n’existe que peu de preuves de l’efficacité des antidépresseurs dans le cadre de la dépression chez des patients parkinsoniens. On ne dispose pas non plus de données claires permettant de faire un choix: les antidépresseurs tricycliques ont comme inconvénient principal leurs effets anticholinergiques et le fait qu’ils induisent une hypotension orthostatique; l’inconvénient des ISRS consiste surtout en l’aggravation potentielle des symptômes parkinsoniens en raison de leurs effets indésirables extrapyramidaux. Concernant le risque de syndrome sérotoninergique en cas d’usage concomitant avec un inhibiteur de la MAO-B, voir plus haut.
  • L’efficacité des inhibiteurs des cholinestérases dans le traitement de la démence chez les patients parkinsoniens semble limitée, et leur utilisation est limitée en raison de leurs effets indésirables tels que des tremblements et une aggravation des symptômes moteurs.

Quelques références

  • Anonymous: National Institute for Health and Clinical Excellence. Parkinson' s disease. Diagnosis and management NICE clinical guideline 35, juin 2006 www.nice.org.uk/CG035
  • Anonymous: Traitement de la maladie de Parkinson.
    • Première partie. D’abord une monothérapie par lévodopa ou agoniste dopaminergique. La Revue Prescrire 2011; 31: 200-5
    • Deuxième partie. Réduire les fluctuations motrices sous lévodopa. La Revue Prescrire 2011; 31: 273-9
    • Troisième partie. Troubles psychiques: optimiser le traitement antiparkinsonien et cherchant un compromis. La Revue Prescrire 2011; 31: 441-4
  • Clarke CE et Moore AP.: Parkinson’s disease. BMJ Clin Evid 2007; 12: 1203 (date de recherche novembre 2006)
  • Lees AJ, Hardy J et Revesz T: Parkinson’s disease. Lancet 2009; 373: 2055-66